40. Pour toujours et à jamais

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“— Mon cœur craint de souffrir, dit le jeune homme à l'alchimiste, une nuit qu'ils regardaient un ciel sans lune.

— Dis-lui que la crainte de la souffrance est pire que la souffrance elle-même. Et qu'aucun cœur n'a jamais souffert lorsqu'il était à la poursuite de ses rêves.”

Paulo Coelho, L'alchimiste

Lâcher prise, reprendre un grand bol d’air, aimer, rire, et fuir ses responsabilités. S’enfuir. Après la pluie, enfin, venait le beau temps. Après l’hiver, enfin, était arrivé le printemps. Un goût de liberté accentuée, avec son lot de journées allongées et de tenues allégées.

Elizabeth resplendissait dans sa longue robe à fleurs, et Lewis, lorsqu’il portait un short de la couleur du corail, une paire de bretelles et ses sempiternelles Vans, n’était plus le même. Il était joyeux. Elle aussi l’était et lorsqu’elle l’était, Ethan l’était. Les choses se décantaient, dans le petit village qu’était Wibstorm, où il se passait à bien y réfléchir trop de choses pour un petit village où il ne se passait jamais rien.

— Deux séances par semaine devraient suffire à présent, déclara John en caressant Buddy-Bear qui ne cessait d’aboyer à mesure que ses maîtres s'éloignaient. Les oisillons tombent du nid, c’est l’usage qui veut ça. Je les ai recueillis enfants aux ailes brisés et les voilà adultes, prêts à affronter le monde... Elle est tirée d’affaire, alors allège ta garde, mais ne la baisse pas, pas complètement. Et je sais que tu vas avoir du mal à dormir sur tes deux oreilles pendant quelques temps. Tu te réveilleras probablement encore au beau milieu de la nuit, simplement pour t’assurer qu’elle respire correctement. Il se peut que ça dure. Que tu craignes chaque fenêtre trop élevée, chaque toit, chaque voiture, chaque voyage en bateau ou pire encore, chacune de ses larmes. Je ne vais pas te mentir, pas plus que je ne vais te ménager. Le ménage, c’est le meilleur, mais aussi le pire des manèges. Il se peut que ça dure, parce que si elle a souffert, tu as toi aussi souffert. Entendre celle que l’on aime dire qu’elle souhaite en finir, ça laisse des traces. Pourtant, tu peux dormir. Tu dois dormir, mon pote. Ne serait-ce que sur l’une de tes deux oreilles. Tu auras peur des disputes, aussi, parce que tu penseras qu’elles peuvent déclencher une crise en elle qui pourrait mener à sa perte. Elle vit dans un monde fait de papier, n’en fais pas un monde de dominos. Tu peux la froisser, elle ne s’effondrera pas. Et si tu as besoin de quoi que ce soit, pour la petite, comme pour toi, alors appelle-moi. 

— Tu ferais un excellent parrain, John, répondit Ethan en posant sa main sur son épaule. Tu feras un excellent père. 

En ce douze avril, il faisait une chaleur particulièrement déconcertante et ce n’était, il fallait l’avouer en bonne et due forme, pas pour déplaire aux anglais. Du moins, ce n'était pas pour déplaire aux plus téméraires d'entre eux. Une jeune fille aux cheveux roux comme l’étaient ceux des Weasley, ayant en sa possession une ravissante paire d’iris verts, courait en tenant par la main un jeune garçon aux boucles ébènes et à l'enviable regard bleu océan. Ensemble, ils capturaient dans les mailles de leurs filets les rayons d’un soleil dont ils avaient, de trop longs mois, été privés.

Ils couraient, main dans la main, à travers l’établissement. Ils couraient, innocemment, à travers la rue. Ils couraient, dans la fleur de l’âge et dans le crépuscule estival, à travers le quartier, à travers chacune des rues du village. Ils passèrent devant le Shake’s Pear Coffee, devant Wingley, et même devant l’église St. Oswald où ils entendirent le Père Raphaël hurler leurs prénoms.

Rendez-vous salle 209 Where stories live. Discover now