17. Un peu Winnie, beaucoup Bourriquet

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“À la fin, ce qui compte, ce ne sont pas les années qu'il y a eu dans votre vie. C'est la vie qu'il y a eu dans les années que vous avez vécu.”

Abraham Lincoln

Le deuxième jour d’Elizabeth à Teaghlach fut compliqué. Juste comme le furent les troisième, quatrième, et cinquième jours. La nouvelle admise ne communiquait pas autant que l’aurait espéré John, ruminait bien plus qu’il ne l’aurait désiré, dormait la majorité de son temps, et essuyait des crises d’intensités modérées sur lesquelles le médecin ne savait encore intervenir.

Mais le deuxième jour fut peut-être le plus éprouvant pour Elizabeth. Parce que le deuxième jour fut le premier réveil sans Ethan. Le premier d’une longue liste.

« — Je suis passé à la pharmacie pour toi aujourd’hui. Ils ont dit que ça faisait effet dans l’heure alors... Tu devrais peut-être en prendre un, maintenant. »

Dans ses rêves, Elizabeth continuait à étreindre ses souvenirs. C’était là le seul endroit où elle pouvait l’aimer, après tout. Pour avoir la chance de vivre avec lui dans le futur, il lui fallait survivre dans le présent. Or, la jeune fille n’était pas bien certaine de vouloir survivre. D’en avoir le courage. Alors, dans son sommeil, elle continuait à étreindre leurs souvenirs les plus heureux. Ceux qui lui étaient les plus chers. Ceux qui avaient le don de la calmer, là où leurs calmants l’angoissaient.

« — Est-ce que je peux... m’allonger et fermer mes yeux, en attendant que ça fasse effet ? lui avait-elle demandé en s’asseyant sur le lit. 

— Bien sûr. Tu es ici chez, hm... toi, Elizabeth. Je sais bien que ce ne sera jamais ton chez-toi, que tes frères ne sont pas là et que tes parents ne seront pas là à ton réveil, mais je ferai mon possible pour que tu te sentes bien, ici. Est-ce que... Est-ce que je peux m’allonger près de toi et te serrer dans mes bras, en attendant que ça fasse effet ? s’était-il enquis en la regardant prendre le comprimé entre ses dents avant de déglutir et l’avaler. Tu sais que tu n’as pas à faire ça seule, n’est-ce pas ? 

— Je sais. 

— Est-ce que... c’est un oui ? 

— Je crois... Je crois que ce n’est pas un non, avait-elle déclaré en se couchant sur son flanc. »

Ce jour-là, Ethan avait passé ses bras autour de sa taille et l’avait regardé s’endormir. Il avait senti un à un ses muscles se détendre et s’en était lui-même détendu.

« — Merci, avait-elle prononcé dans un silence des plus confortables. De faire tout ça pour moi, je veux dire. Alors que je suis... vous savez, bousillée.

— Je suis heureux qu’aucune voiture ne soit passée sur cette route, la nuit où tu t’y es étendue, lui avait-il timidement avoué en retour. » 
 
Cette nuit-ci, Ethan et Elizabeth ne s’étaient pas dit “je t’aime”, trop peureux de la réaction de l’autre, trop peureux de briser la magie de l’instant passé hors du temps, trop peureux enfin de mettre un nom sur ces papillons qui, doucement, apprenaient à battre des ailes en leurs maigres estomacs. Trop heureux, simplement, de s’avoir l’un et l’autre. Trop heureux de savoir qu’amour était, sans qu’Amour ne soit explicité.

Pourtant, ce jour-ci, il était allé à la pharmacie pour elle, et elle avait passé vingt-quatre nouvelles heures, pour lui. 

Rendez-vous salle 209 Onde histórias criam vida. Descubra agora