15. Être ou ne plus être

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“Il n'y a qu'un problème philosophique vraiment sérieux : c'est le suicide. Juger que la vie vaut ou ne vaut pas la peine d'être vécue, c'est répondre à la question fondamentale de la philosophie.”
Albert Camus
 

— Clara ? Comment se porte-t-elle ? 

— Sa température commence à chuter, elle ne devrait plus tarder à se réveiller. Je vais lui faire chauffer un peu de chocolat et lui apporter quelques biscuits, au cas où elle ait faim. Tu veux que je reste pour lui parler ? Je sais que tu la connaissais avant cette nuit... Ce n’est pas toujours facile de voir ceux que nous aimons entrer dans ce genre d’endroits, John, et tu n’as pas quitté sa chambre de la nuit. Tu devrais aller te reposer Quelqu’un d’autre peut le faire à ta place.

— Ça ira, merci. Comment s’est passée la nuit ?

— Lou a vomi deux fois. Il a fait une course poursuite dans les couloirs avec deux infirmiers pendant dix bonnes minutes avant de leur dresser un majeur des plus… majestueux puis il est parti se cacher au rez-de-chaussée. En somme, je dirais que c’était une bonne nuit, rit-elle. Il est beaucoup resté en cuisine avec Helen.

Les paupières d’Elizabeth s’ouvrirent, ce matin-là, sur un monde nouveau. Sur un monde à explorer et à découvrir. Sur un monde qui se voulait à la fois chaleureux et accueillant, hostile et effrayant.

Les livres sur l'étagère l'intriguèrent, les corbeaux croassant par la fenêtre l'angoissèrent, la silhouette de l’homme se tenant face à ce lit inconnu l'intimida et le tic-tac incessant de l'horloge l'ennuya. 
Il flottait dans la pièce les fragrances d'un doux automne et, devant elle, se tenait une large fenêtre donnant vue sur un magnifique parc ensoleillé. Elle avait étrangement bien dormi, bien qu'elle n'eût aucun souvenir de s'être assoupie ni même de l'endroit depuis lequel elle l'avait fait. Elle crut à une matinée d'un printemps passé, et s'attendit de peu à voir ses parents entrer.

— Tu es réveillée ? Bonjour, prononça le psychologue avec son accent bien trop anglais.

Confuse, Elizabeth se redressa sur ses coudes et identifia celui qu'elle connaissait sous le nom de John Smith. Lorsqu’elle se pencha sur son flan, il ne lui en falut pas plus pour sortir une bassine du placard et se précipiter à son chevet. À mesure qu’elle vomissait, les larmes lui montaient aux yeux. La bile était douloureuse.

— Je ne suis... Je ne suis pas morte d’une hémorragie, toussa-t-elle encore désorientée.

— Moi qui pensais avoir une gueule d’ange, feint-il la vexation en l’aidant à se mettre dans une position davantage confortable. J’ignore ce que tu as lu à ce sujet, mais ce n’était pas une hémorragie. Tu devrais boire, l'encouragea-t-il en lui montrant le plateau posé près d'elle. Nous sommes à quelques kilomètres à peine de Wibstorm, tu n'as absolument aucune crainte à avoir. Nous ne recherchons que ton bien. Teaghlach a été expressément aménagé pour accueillir les jeunes comme toi. Nous ferons tout notre possible pour t'aider à traverser cette mauvaise passe. 

L’esprit brumeux, elle tenta de combler les vides qu’il laissait malgré lui libre d’interprétations. C’est alors qu’elle aperçut le carnet posé près d’elle, son nom apposé en haut de la page. 

Elizabeth Juliet Morgan, 17 ans.

La patiente a été admise pour crise d’angoisse aiguë à 3h47, dans la nuit du trente-et-un octobre au premier novembre. Des pics de température ont été relevés à 04h18 et 09h02. Les médecins en charge sont le Dr Clara Deakin, pédiatre, et le Dr John Smith, psychologue. Un gramme de paracétamol a été délivré à son arrivée.

Rendez-vous salle 209 Where stories live. Discover now