14. Descente aux enfers

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"Que la tempête se lève, que la nuit tombe ; qu'est-ce qui est le plus redoutable, le danger, ou la peur du danger ?"

Vincent Van Gogh.

« — Un jour, Lily, je t'emmènerai faire le tour du monde. Comme dans ces livres que tu lis. Je t'en fais la promesse.

— On pourra aller en Écosse, manger des poissons panés avec plein de crème anglaise ? Le Docteur lui, il les trempe dedans avec Amelia, mais la petite Amélia, pas la grande.

— Bien sûr, et bien plus loin encore. Au-delà de la Manche. La France, par exemple, il parait qu'ils savent y faire la fête ! Ensuite, nous pourrions nous moquer des amoureux aux Pays-Bas, remonter en Russie voir Anastasia, embarquer dans le Transsibérien, prendre la mer en Australie et observer l'éclosion des tortues dans le Queensland ! Et puis, et puis nous irions voir la maison de Juliette à Vérone ! Nous ferions un voyage à travers les États-Unis, nous irions au Casino et nous apprendrions le surf ! Alors petite-sœur, qu'en dis-tu ?

— Mais si je fais le tour du monde avec toi... Comment est-ce qu’il fera le Docteur pour me trouver ?

— Le Docteur trouve toujours, ne t'en fais pas pour cela. C'est un peu comme… Le Père Noël. Le Père Noël a son traîneau, et le Docteur a son tardis.

— Alors c'est d'accord. Toi, moi, et Monsieur Lapin, on fera le tour du monde !

— Quand tu seras un peu plus grande Disons... quand tu auras dix-huit ans, qu’en dis-tu ?

— Oh... Mais c'est dans longtemps ça, tu seras tout vieux, tu auras une amoureuse, et tu m'auras oubliée...

— Ça passera vite, ne t'en fais pas. Encore dix Noël, juste dix. Et jamais, au grand jamais, je ne t'oublierai, Lily. Tu es ma petite sœur et je t'aime plus que tout. Alors si un jour je me trouve très loin de la maison et que tu as peur, ou que tu te sens seule, ferme tes yeux. Ferme tes yeux et pense très fort à moi. Tu peux même joindre tes mains si tu le veux, comme le Père Raphaël te l'a appris. Quoi qu'il se passe, où que je sois, je serai toujours là pour veiller sur toi. Rien ni personne ne pourra m'empêcher de tenir la promesse que je viens de te faire. Toi et moi, on fera le tour du monde. Promesse de petit doigt », se remémora la jeune anglaise.

Le roman de la nuit d'Elizabeth eut pour incipit un rêve. Un souvenir, à proprement parler. Un souvenir d'enfance, doux-amer, doux plus encore que douloureux, dans lequel elle se vit, elle. Elle, son frère, leur cabane magique dans le plus haut des chênes de Daffodils Garden, quelques cadavres de boîtes à pizza au fromage et des guirlandes qui donnaient l’impression de petites fées battant de leurs ailes en parfaite harmonie.

Ce rêve a priori plaisant prit l'instant suivant la tournure d'un cauchemar traumatisant. Le ciel s'assombrit et laissa soudainement présager bien mauvaise augure. Elle se tourna et se retourna, elle chercha son frère, s’époumona à l’appeler, mais rien n’y fit. Il était parti. Encore. Assise au pied de l’arbre, elle laissa ses pleurs aller et venir avant que le décor ne change une nouvelle fois. Elizabeth ne vit plus qu’une voiture. Il n'y avait pas de mauvais rêves sans voitures. Sans cette voiture-ci.

Alors, Elizabeth se mit à hurler, prisonnière d’un mutisme atroce, à pleurer des larmes invisibles et à prier un Dieu en qui elle n’avait plus aucune foi. En un battement de cil, elle s’était retrouvée expulsée au fond de ce lac, juste à côté de cette route, derrière cette petite clairière. La route des enfers. 

Rendez-vous salle 209 Onde histórias criam vida. Descubra agora