12. L'aider et puis l'aimer

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“Elle était belle. Mais pas comme ces filles dans les magazines. Elle était belle, dans sa façon de penser. Elle était belle, pour l'étincelle dans ses yeux lorsqu'elle parlait de quelque chose qu'elle aimait. Elle était belle, pour sa capacité à faire sourire les personnes autour d'elle, même si elle était triste. Non, elle n'était pas belle pour quelque chose de si éphémère que son apparence. Elle était belle, profondément. Dans son âme.”
F. Scott Fitzgerald

— J'ai fait une erreur, Johnny. Peut-être même la pire erreur qu'il m'ait été donné de faire, confia Ethan en effleurant la joue de la jeune endeuillée, endormie depuis peu.

Ethan avait reçu pour conseil de la recueillir une nuit, et seulement une nuit. La situation, bien malgré lui, avait cependant évoluée. Déraillée. Empirée. Il savait que sa présence à ses côtés n’avait pas lieu d’être. Il ne le savait que trop bien. Il savait également que s’il ne parvenait pas à changer au plus vite ses pensées à son égard, alors elle allait être contrainte de partir. Il ne voulait pas qu’elle parte.

— Pause. Retourne en arrière, répondit son ami en fermant les yeux, mimant le rembobinage d’un film par sa simple pensée. Quand tu dis que tu ne veux pas qu'elle parte, tu veux dire que...

— Je ne veux pas que tu l'emmènes.

— Tu m’en diras tant, leva-t-il les yeux au ciel. Assis-toi, je vais nous faire chauffer du thé. Et je prends le fauteuil près de la cheminée.

Ethan se déroba. Il était hors de question d’entreprendre une séance ici et là. Non, la psychanalyse, c'était pour les patients, et seulement pour les patients. John le savait.

— Tu es bien méfiant, mon ami, sourit ce dernier. Depuis quand le simple fait de préparer un peu de thé en grignotant quelques biscuits à la confiture est-il aussi suspect ? Si tu tiens tant à faire une séance, alors vas-y, je ne t’en empêcherai pas. Pars donc chercher ta planche de Ouija et prononce-nous quelques incantations latines, je vais nous allumer des bougies et mettre du Bowie.

— Alors nous ne faisons pas de séance ? demanda le professeur, quelque peu rassuré.

— Non. Évidemment que non, m’enfin, où as-tu la tête ? Pourquoi diable m’inquiéterais-je de cette situation qui, je le sens, dégénère ? Non, le fait de dire à un psy que l’on ne veut pas que l’une de nos protégées, peut-être la seule à bien y réfléchir, ne nous soit enlevées, ne donne absolument pas l’impression à ce même psy que cette protégée a précisément besoin d’être emmenée. Chérieusement, je peux chavoir à quoi tu penchais ? le sermonna-t-il, agitant ses mains dans tous les sens avant de se carrer confortablement dans le fauteuil et de poser face à lui les deux tasses fumantes, la bouche emplie de biscuits. Bien, et si tu commençais par me dire comment s’est déroulée la journée ?

Ethan, forcé de lâcher les armes, débuta son récit au moment où leurs chemins s’étaient séparés quelques heures plus tôt. Il était inutile de mentionner le toit. Le toit ne voulait rien dire. Non, rien. Vraiment rien. Mais peut-être tout.

— Il était un peu plus de seize heures. Seize heures vingt, peut-être bien. Nous nous apprêtions à rentrer lorsqu'elle a émis le désir de se rendre au cimetière. Je crois que c'était la première fois qu'elle s'y rendait depuis l’accident, alors je l'ai devancé.

— Tu l'as rejointe ?

— Non, je l'ai devancée. Elle était en vélo et moi en voiture, je suis arrivé avant elle.

Rendez-vous salle 209 Where stories live. Discover now