Chapitre 4 - Jack

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Pour un premier jour d'été, si le soleil était au rendez-vous, la température extérieure n'avoisinait pas les neuf degrés. Bien au chaud dans la voiture, j'observai le vent. Il exposait sa puissance en faisant danser sous son souffle, les feuilles des arbres, revenues à la vie il y avait tout juste quelques mois.

Le quartier respirait le luxe avec ses allées habillées de grands chênes rouges et ses maisons au style varié dont les prix avoisinaient à vue d'œil plusieurs millions de dollar. Celle des parents de Ashley, une grande demeure victorienne, ne détonnait pas de ses voisines.

Les très rares fois où elle m'avait confié le peu de souvenirs qu'elle avait de son premier foyer, elle avait mentionné les deux tourelles octogonales de couleur blanche, situées de part et d'autre du perron ainsi que de leur toiture en forme conique. En observant la maison, je réalisai également que le temps n'avait pas altéré de sa mémoire la présence du balconnet positionné sur le point culminant du toit. Son père, Jacob, l'avait fait construire afin que sa mère puisse assouvir sa deuxième passion après le droit : l'observation des étoiles. L'évoquer faisait tendre ses lèvres en un sourire doux-amer.

Le soleil haut dans le ciel reflétait ses rayons sur les larges fenêtres donnant sur le jardin extérieur. Pour une habitation qui était vide depuis une vingtaine d'année, elle ne présentait aucune altération. La peinture recouvrant la façade était en excellent état, tout comme les marches en béton conduisant à la large porte d'entrée à la teinte gris ardoise ainsi que la balustrade en bois blanc encadrant le perron. Au vu de la longueur des brins d'herbes, la pelouse aussi était entretenue. En y regardant de prêt, la demeure ne ressemblait en rien à une maison fantôme inhabitée depuis des lustres. Au contraire, elle paraissait pleine de vie et me donnait l'impression qu'un enfant allait surgir d'un instant à l'autre, lâchant nonchalamment son vélo au milieu de l'allée, juste en face du garage à double porte en criant à plein poumons à l'attention ses parents qu'il était de retour de son entraînement de hockey.

Jacob avait peut-être demandé que des travaux de rénovation soient effectués avant que les clés ne soient remises à sa fille.

Je détachai mon regard de la rue et le virai sur celle qui était au centre de mes préoccupations. Dans son jean large et son pull oversize de couleur jaune vif, Ashley avait le look d'une jeune universitaire, stressée par l'attente de ses résultats d'examen. La mâchoire serrée, elle scrutait intensément la demeure familiale qui l'avait vu naître tout en maitrisant ses nerfs en frictionnant vigoureusement ses paumes sur ses cuisses. Se faisait-elle les mêmes remarques que moi concernant l'état de la maison? Ses souvenirs d'enfance revenaient-ils la tourmenter? Regrettait-elle d'avoir suivi mes encouragements pour surpasser ses craintes?

Je désirai tant qu'elle se confie, mais je devais aussi respecter son voeu de silence. Voulant tout de même lui rappeler mon indéfectible soutien, j'entrelaçai nos doigts stoppant ainsi sa connexion invisible avec son passé. Ses yeux émeraudes traduisaient son combat. Une avalanche d'émotions déferlait sur ses traits la rendant quasi livide. J'accentuai la pression de ma main et espérai pouvoir l'aider avant que toute cette histoire ne l'oblige à reconstruire ses murailles que j'avais eu tant de mal à abaisser.

D'une voix douce où transperçait cette fragilité qu'elle ne dévoilait qu'en de très rare moment, elle rompit le silence, mais sans l'intention de s'ouvrir.

— Cet étrange, je n'imaginai pas la notaire de Jacob et Lyly, ainsi.

Volontairement, je m'étais garé à plusieurs mètres de la maison. À cette distance, nous pouvions observer en toute discrétion, Madame Stephenson. De stature moyenne, coiffée de locks rassemblées en une queue de cheval, elle tenait au creux de sa main droite un sac noir allongé contenant sans doute le dossier de l'héritage de Ashley. Son manteau de couleur blanc était ouvert sur une jupe crayon rouge taille haute arrivant sous le genou et sur une marinière.

Notre valse en trois temps - tome 2 - Et siOù les histoires vivent. Découvrez maintenant