Chapitre 29 - Ashley

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Mon sac cabas Chloé, couleur chocolat vint rejoindre la console située juste à l'entrée. Je pris trois longues inspirations pour tenter d'apaiser mon rythme cardiaque. Il s'était de suite emballé dès que j'avais compris pourquoi Claire avait insisté pour assurer la garde de l'un de ses collègues alors que cette semaine, elle en était déjà à sa quatrième. Qui en avait eu l'idée? Elle? Lui? Le doute résidait étant donné que l'un comme l'autre aimaient comploter à mon insu. Après tout, ils ne s'en étaient pas privé auparavant.

Tout comme mon coeur, mes glandes sudoripares avaient accru leur activité. Sous ma chemise, je pouvais sentir les gouttelettes de transpiration perler sur ma peau. Avant que je ne rejoigne Jack dans la salon, il fallait impérativement que je retrouve mon sang-froid, sinon il saurait, il comprendrait combien son absence avait été pesante. Je frictionnai mes paumes sur ma jupe plissée et me répétai mentalement tout ce que je devais lui dire. Je n'étais peut-être pas certaine que Claire soit l'unique responsable de la présence de Jack dans notre salon, mais j'étais convaincue d'une chose. La vie nous offrait rarement une seconde chance alors quand elle se présentait, il fallait avoir le courage de la saisir. En outre, ma meilleure amie avait raison, Jack méritait de connaître la vérité. Ma lâcheté, celle dont j'avais fait preuve en quittant précipitamment New-York, Catherine ainsi que mes amis l'avait mise sur la compte de la peur d'aimer Jack, et moi aussi. Mais mes nuits d'insomnie, en plus d'avoir assombri mon regard, avaient également désembué toutes mes certitudes pour me faire entrevoir ce que je ressentais réellement.

L'ultime évidence.

Ce qui m'effrayait ce n'était pas de tomber amoureuse de Jack. Mon coeur lui appartenait déjà depuis plusieurs mois, mon esprit buté avait juste voulu le rejeter. En faite, j'étais sienne lorsqu'à la mort de Jacob, il avait su comment atténuer ma peine. Il n'avait pas eu recours à de grands discours, ou à des paroles sans aucun sens tirées de mantras. Non! Il m'avait juste apporté ce dont j'avais réellement besoin. Sans parvenir à l'expliquer, Jack avait toujours eu ce pouvoir sur moi. Il m'apportait ce qui, inconsciemment, m'avait toujours manqué. À présent que tout était limpide dans ma tête, je pouvais être honnête avec lui. C'était la seule issue pour que notre rupture ne nous affecte pas outre mesure et que nous allions l'un comme l'autre de l'avant. Moi, je me consacrerai à mon travail, il m'aidera à compenser le vide laissé par Jack. Quant à lui, il rencontrera une femme, l'aimera et elle s'ouvrira à lui de la plus belle des manières. Ensemble, ils construiront cette famille si importante à ses yeux.

Prête à me lancer dans la discussion qui sera la plus éprouvante de ma vie, j'entrai dans la pièce à vivre. La vision de Jack me tirailla, me broya le ventre à me tordre en deux. Assis sur le canapé, la tête renversée sur le dossier, une barbe de plusieurs jours ombrait son visage dont les poils blonds avaient pris un aspect roux sous le soleil couchant. Ce même reflet flamboyait dans ses cheveux où mes doigts désiraient se perdre pour retrouver leur caresse. Leur contact m'avait tant manqué. Mais pas seulement...Ses paupières closes me privaient de l'azur de ses yeux. Dès notre première rencontre, je sus que je pourrais renoncer à respirer si Jack me jurait de ne jamais plus regarder une autre femme avec cette intensité dans le regard.

Mon coeur se serra douloureusement. Décidément, c'était un organe époustouflant. Un instant, il vous procurait le sentiment de vivre le plus beau moment de votre vie pour ensuite tout bonnement vous abandonner. Souvent, je comparais cette image à celle d'un marathonien venant d'accomplir sa plus belle course pour venir, une fois passé la ligne d'arrivée, s'écrouler inerte sur le sol froid. Dans l'euphorie, son coeur l'avait conduit au paroxysme pour mieux l'accompagner vers sa toute dernière demeure. Dès mon plus jeune âge, mon coeur et moi étions parvenus à un accord. Plus jamais il ne me ferait éprouver le tourment des sentiments qui m'avait assailli à la suite du décès de ma mère. Pour sceller cette promesse, le jour de l'arrestation de mon père, il s'était glacé, me permettant ainsi de ne rien ressentir, aucune douleur, aucune peine, aucune tristesse. Juste l'acceptation du deuil qui me frappait, de cette vie qui ne serait jamais la mienne.

Notre valse en trois temps - tome 2 - Et siOù les histoires vivent. Découvrez maintenant