Chapitre 39 - Jack

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24 novembre 2012

Entre les fêlures d'Ashley, les jours chaotiques de cet été, l'heure d'avion qui nous séparait, et nos métiers chronophages, aucun preneur de paris n'aurait misé sur la longévité de notre couple. Et pourtant, notre histoire déjouait les pronostics. De ses failles était née la plus belle des imperfections, nous. En se délestant du poids de son passé, Ashley nous avait entrainés dans une douce routine où chacun des instants que nous parvenions à voler pour être dans les bras l'un de l'autre nous conduisait à franchir les grilles du jardin d'Éden. Et ces quatre prochains jours ne feraient pas exception.

À plus de quinze milles pieds au-dessus de la mer, mes pensées continuèrent à voguer sur le lit paisible du ciel d'un bleu sans nuage. L'hiver avec ses pluies verglaçantes et ses litres de neiges ne se manifestait toujours pas en cette fin du mois de novembre. Dans sa clémence, mère nature offrait à ses humbles serviteurs encore quelques instants de douceur. Une parenthèse insouciante en ces derniers jours d'automne. En somme, la journée parfaite pour chasser du regard d'Ashley les derniers vestiges qui ombrageaient ses yeux émeraudes. Cette idée avait cheminé la première fois qu'elle et moi avions visité sa maison d'enfance. L'arbre qu'elle avait planté, enfant avec son père, était devenu un pin d'au moins dix mètres de hauteur. Comme s'il était le gardien de leur demeure familiale, il trônait majestueusement dans le jardin, apportant ombrage à tout ce qui franchissait la porte d'entrée.

Afin de prouver son allégeance à la jeune fille qui vingt-trois ans plus tôt festoyait autour de lui, joyeuse à la perspective de le voir grandir, dans un bruissement il lui avait apporté un présent; un souvenir oublié. Les chaînes qui longtemps avaient cadenassé cette part heureuse de son enfance s'étaient détachées. Les premiers pas vers sa libération. Celle qui l'aiderait à avancer encore un peu plus vers moi. Pour lui montrer ma gratitude, désormais quand Ashley l'envelopperait du regard, son voyage dans le passé ne ferait plus naître de mélancolie sur ses traits, mais uniquement une infinie tendresse.

L'année dernière lorsqu'elle s'était réfugiée auprès de moi pour fuir la douleur du décès de son père, j'avais pu voir combien Ashley aimait déambuler dans les rues illuminées de New-York. Les décorations de Noël apaisaient ma douce ensorceleuse. Alors maintenant que les travaux de rénovation de sa maison d'enfance étaient terminés quoi de mieux comme cadeau que lui apporter cette magie directement chez elle. Pour mettre mon plan à exécution, j'avais fait appel à la meilleure décoratrice d'intérieur. Sa notoriété dépassant les frontières canadiennes, son agenda était surchargé. En fin négociateur, pour m'allouer ses services, en plus du coût de la prestation, j'avais versé un don substantiel à l'association caritative de son choix. Le déménagement d'Ashley étant tout frais, je n'avais pas le double des clés de sa nouvelle maison. Heureusement que je pouvais compter sur ma complice des premiers jours. Claire dont l'enthousiasme était à son paroxysme ne m'avait imposé qu'une condition.

— Jack, tu m'as bien comprise. Je t'interdis de mettre ne serait-ce qu'un orteil à l'intérieur de la maison. Tu n'es autorisé qu'à circuler dans le jardin. Même le perron t'est strictement interdit.

Face à mes protestations, sans le savoir, Claire avait mit fin à mon auto-flagellation.

— Jack, s'était-elle confiée la voix éprise d'un léger vibrato, c'est très important pour elle d'être avec toi, la première fois que tu découvriras les changements qu'elle a opéré dans la maison. Ne la prive pas de çà.

Sa décision prise d'emménager dans sa maison familiale, Ashley s'était jouée de ma curiosité, se confiant uniquement sur les changements qu'elle souhaitait opérer dans sa chambre d'enfant pour la transformer en suite. Sans surprise, elle n'était pas désireuse de prendre ses quartiers entre les murs où s'était déroulé le drame qui avait boulversé son existence. Cela aurait pu me contenter, mais face à ses cachoteries, mon esprit s'était mis à divaguer, s'imaginant que sous ses silences se cachait son désir de me tenir à l'écart de cette part de sa vie. Seulement grâce à Claire, une toute autre possibilité avait germé dans mon esprit, et depuis chaque seconde me séparant d'Ashley me paraissait être mille ans.

Notre valse en trois temps - tome 2 - Et siWhere stories live. Discover now