Chapitre 17 - Ashley

76 10 9
                                    

Installée autour de la table de la salle à manger, je consultai en permanence ma montre. L'horaire approchait à grand pas. Ce matin, accaparée par mon réveil spécial, j'avais réussi à m'être de côté ma rencontre avec Emma, l'amie de mes parents. Et ce ne fut qu'en émergeant du lit, en fin de matinée, que l'enjeu de notre conversation fit à nouveau monter mon anxiété.

Hier, après m'être replongée dans la lecture du carnet en cuir marron de ma mère, sans réfléchir, j'avais saisi mon téléphone portable et composé son numéro. Elle avait décroché au bout de la troisième sonnerie. Les secondes les plus longues de ma vie... Son intonation avait été douce, je dirai même maternelle. Sans doute, se sentait-elle coupable de l'incident qui s'était produit chez mes parents, quelques heures après son départ?

Ma maison.

Mon cœur se serra. Jamais je n'aurai pensé reparler un jour en ces termes de la maison de mon enfance. Mon foyer durant les huit premières années de ma vie. Tant de changement, en si peu de temps. Tout cela me procurait le tournis. C'était pour cette raison que j'avais quasiment vidé une bouteille de vin. Non pour noyer mon chagrin, mais juste pour ralentir un instant tout ce qui se percutait dans ma tête. Une pause pour retrouver mon souffle. Faire le point sur mes parents, leur maison et ma relation avec Jack. Pile au moment où tout se bousculait et que je n'étais maintenue au-dessus du vide par un fil, il m'avait tendu la main, me permettant de revenir sur la terre ferme.

Jack...Tout me ramenait constamment à lui.

Mon coeur se réchauffa à mesure que je l'observais. Il s'affairait en cuisine à préparer, je ne sais quel dessert, tout en fredonnant les paroles de la chanson The One de Alicia Keys. L'original jouait dans tout l'appartement via le système stéréo intégré dans le plafond. Attirée par l'odeur délicate de chocolat et d'épices qui me chatouillait les narines, j'attrapai mes béquilles.

— Tu peux me dire ce que tu fabriques? demandai-je en m'approchant du plan de travail.

Au son de ma voix, il leva le nez de sa préparation culinaire.

— Muffins au chocolat, oranges confites et biscuits secs aux épices.

— Hum et tout cela en l'honneur d'Emma.

— Et pour toi! Au cas où ton appétit reviendrait.

Quand Jack m'avait proposé un encas léger, j'avais poliment refusé de peur que mon estomac ne refuse toute forme de nourriture, mais maintenant que je me retrouvais face face avec ce bol de chocolat fondu, ma gourmandise l'emporta. Je plongeai un doigt dans la préparation avant de le porter à ma bouche. Une explosion de saveur. La puissance du cacao avec le moelleux des morceaux d'oranges confites était à se damner.

— Alors verdict, demanda-t-il dès que je rouvris les yeux.

— Tu vas la faire succomber.

Avec un sourire ravageur, il m'exhorta à retourner m'assoir. Rien ne sortira du four avant une quinzaine de minutes. Alors, autant dire que je n'avais plus ma place à ses côtés. Quand je restaurerai ma maison, je le concerterai. Je souhaitai vraiment qu'il s'y sente chez lui, et pas uniquement dans la cuisine. Donc adieu le simple tiroir de rangement. À mon retour à Toronto, il faudrait que je me mette à la recherche d'un architecte et d'un décorateur d'intérieur. Mais avant cela, il fallait que je prévienne Claire. Lui annoncer mon déménagement n'allait pas être aisé. Ni l'une, ni l'autre n'avions jamais envisagé de vivre un jour chacune chez soi et je savais d'avance que ne plus être accueilli par elle en rentrant à la maison allait considérablement me manquer.

L'appel du concierge stoppa mes réflexions. Emma était arrivée. Il n'y avait plus d'échappatoire où me réfugier. D'ici quelques instants, je pourrai en apprendre davantage sur ma famille. Avoir un nouveau regard sur mes parents et peut-être même sur mes grands-parents. Les concernant, Lyly était restée très discrète. Dans ses carnets, la seule chose qui transparaissait était ses rapports tendus avec sa mère. Celle-ci n'approuvait jamais ses choix. Depuis son amour pour la langue allemande, à ses études de droit, en passant par son goût pour la viande rouge et le point de non retour, son histoire d'amour avec mon père.

Notre valse en trois temps - tome 2 - Et siWhere stories live. Discover now