Chapitre 41 - Ashley

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Le trajet m'avait paru durer une éternité. Ni le flux de mes mots, ni le bercement de la route, et encore moins la musique de ma playlist n'était parvenu à adoucir mon angoisse. Non que je n'appréciais pas les surprises de Jack, cet homme avait le don de deviner ce que mon coeur ne savait exprimer. Pourtant je n'arrivais pas à rassurer l'organe sous ma poitrine. Il tambourinait si fort que ses battements résonnaient jusque dans mes tympans. Mes doigts cherchèrent du réconfort dans le bracelet que Jack m'avait offert l'année dernière pour mes vingt-huit ans. Tout en énumérant tous les questionnaires que j'avais dû remplir pour le dossier d'adoption de mes amis, j'essayais de trouver où Jack me conduisait. Mais avant que mon imagination ne s'emballe le vrombissement de la voiture s'arrêta. Ma curiosité allait être assouvie. Quant à mon angoisse, elle risquait de décupler.

Plongée dans une quasi obscurité, j'acceptai la main tendue de Jack pour descendre du SUV. Ne pouvant succomber à mon envie d'arracher l'étoffe de soie, je me concentrai sur les bruits environnements. Mais à mon grand désespoir, il n'y avait aucun son, aucun bruissement auxquels me raccrocher. Tout me parut lointain comme si Jack m'avait emmenée dans un monde situé à l'écart des hommes. Les battements de mon coeur s'accélérèrent. Dans quel guet-apens Jack m'avait-il entraînée? Comme pour me donner un peu de courage, une brise fraîche où flottait un parfum d'herbes coupées me fouetta le visage. Puis malicieuse, tel un lierre s'enroulant autour d'un tronc, elle prit possession de mon corps. Vaincu, mon trench ne parvint pas à me protéger d'une vague de tremblements qui décupla lorsque Jack souffla dans mon canal auditif mon surnom.

H.

Cet homme allait finir par m'achever.

Avec une délicatesse qui aurait émoustillé la jonction de mes cuisses si Jack m'avait privé de la vue dans l'antre de ma chambre, je sentis ses doigts s'activer à l'arrière de ma tête. La pièce de soie glissa avec une infinie douceur sur l'arête de mon nez, emportant avec elle sur mon corps une nouvelle vague de tremblements. J'obéis à Jack et n'ouvris pas les yeux. À travers la fine peau de mes paupières, des lumières filtrèrent. Pas naturelle comme celles d'une belle journée d'automne, mais plutôt un éclairage artificiel où se mêlait différentes nuances de couleurs.

— Un, entendis-je.

Mes mains devinrent moites. Mes talons s'enfoncèrent dans la terre meuble.

Respire, Ashley.

— Deux, poursuivit-il dans un intervalle de temps qui me sembla extrêmement long.

Me terrer était une option. Mes paupières closes me gardaient à l'abri de l'inconnu.

Cela ne doit pas être si terrible, Ashley.

— Trois, finit par prononcer Jack. Ouvre les yeux, H.

Mon anxiété étant à son paroxysme, je n'obtempérai pas. Avant, j'appréciai l'air qui s'infiltrait dans mes poumons, puis commençai mon propre décompte. Seule moi mettrai un terme à l'obscurité dans laquelle Jack m'avait plongée.

— Surprise, entonnèrent en choeur des voix familières.

Mes paupières papillonnèrent. Hébétée par la vision irréelle qui se jouait en face de moi, le reste de mon corps resta stoïque. L'arbre de mon enfance, celui qu'enfant, j'avais fièrement planté avec Jacob, était habillé des couleurs de Noël. De grosses boules mêlées à d'énormes étoiles et à des stalactites lumineux égayaient le pin. Sous le manteau de la nuit, il paraissait être une pièce importée du ciel. À son pied de gigantesques cadeaux entourés de ruban vert étaient éparpillés. Mon coeur se serra, et noya mes yeux de larmes. Une nouvelle fois, Jack m'apportait ce que je n'avais su exprimer. Décorer cet arbre pour lancer les festivités de fin d'année aurait dû être le rituel de ma famille, mais les cartes de la vie m'en avaient privé. Avant de m'arracher à mes parents, s'avaient-elles que Jack annuleraient leur mauvais sort? Dans cette magie de Noël qu'il m'offrait, ma famille était enfin présente. Catherine, Claire, Hurl ainsi que Dave, tous étaient là. Leur amour m'inondait, et pour la première fois cela ne m'effraya pas. Aucune voix ne vint murmurer à mon oreille que je ne méritais pas d'être aimée, et qu'un jour eux aussi m'abandonneraient. Ma mue avait pris son temps pour me sortir de ma prison. Mais cela en valait la peine. À présent, j'étais libre.

Notre valse en trois temps - tome 2 - Et siWhere stories live. Discover now