Chapitre 30 - Jack

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J'étais abasourdi. En venant à Toronto régler mes comptes avec Ashley, je m'étais préparé mentalement à entendre toutes sortes d'explications. De celles que j'aurai pu rejeter en la traitant de lâche. De celles qui m'auraient donné envie de lui tordre le cou. Je m'étais attendu à tant de mots. Tant de scénarios s'était dessiné dans ma tête alors que j'étais éveillé. Tous, sauf un. Si j'avais soupçonné la véritable raison du départ précipité d'Ashley, mon calvaire aurait été moindre. Ces dernières semaines, je ne serais pas devenu l'ombre de moi-même. En son absence, mon monde s'était écroulé, tout avait perdu de sa saveur. Même ma raison m'avait abandonné. Si avant je doutais, maintenant je tenais la preuve qu'elle était la clé. Mon bonheur était liée à elle.

Chaque jour qui avait suivi son départ s'était accompagné de son lot de flagellations. Les évènements après la fête d'anniversaire de mon frère ne m'avaient laissé aucun répit. Ils tournaient en boucle dans ma mémoire. Dès l'instant où elle s'était recroquevillée tout contre moi, son dos faisant corps avec mon buste, l'évidence s'était écoulée à travers ses larmes. Je l'avais perdue. Mais à en croire Ashley ce n'était guère pour les motifs que je croyais jusqu'alors. Face à son rejet d'entrevoir notre avenir, j'avais laissé ma colère m'obscurcir et avais voulu obtenir d'elle, les seuls mots qui me délivreraient. Si seulement, j'avais compris que son refus de me les dire était régi par la peur, peut-être que le lendemain, elle ne m'aurait quitté.

Cette journée était l'une des pires de mon existence. Toute la matinée, j'avais tenté de la joindre, mais en vain. Le son de sa voix ne me parvenait qu'au travers de sa messagerie. Ce ne fut qu'en rentrant à la maison, sous les coups de quatorze heures que mes soupçons s'étaient confirmés. Elle était partie, et alors que dans sa fuite, Ashley n'avait rien emporté avec elle, l'appartement ne m'avait jamais paru aussi vide, comme si lui aussi pleurait son absence. Tous les jours, j'avais essayé de la joindre, mais en guise de cadeau d'adieu, je n'avais eu droit qu'à son silence ce qui avait contribué à exacerber ma descente aux enfers. Totalement replié sur moi-même, ma famille avait dû supporter mon humeur en dent de scie. Eric et Isa, mes deux confidents de toujours, m'avaient épaulé. Sans cesse, ils me répétèrent qu'il était primordial que je continue de lui accorder ma confiance, et que le moment venu, Ashley reconsidérerait sa décision. Même ma mère, alors qu'elle n'était pas la plus grande adepte d'Ashley, m'avait conseillé d'être patient. Si j'avais su que leur prédiction se révèlerait juste, peut-être n'aurai-je pas perçu les silences d'Ashley comme le plus monstrueux des mépris? Elle m'avait blessé. Son indifférence, la manière dont elle était sortie de ma vie, comme si tous nos instants de bonheur n'avaient pas compté. Comme si je ne comptais pas.

Mais je faisais erreur.

Après son départ, je m'étais senti comme un condamné attendant sa sentence, et alors qu'elle m'observait de ses yeux écarquillés, je compris que moi aussi je tenais son sort entre mes mains. Elle était amoureuse de moi. Elle avait réussi à dépasser sa peur pour m'avouer qu'elle m'aimait, et maintenant elle était suspendue à mes lèvres, attendant sa délivrance. Me concernant, elle m'avait fait patienter près d'un mois, c'était donc le juste retour des choses que de jouer un peu avec ses nerfs. Afin de m'assurer qu'elle ne se dérobe pas, je l'encerclai en agrippant le rebord de la console située derrière son dos. La poitrine en avant, la mâchoire serrée, elle soutint mon regard. J'admirai sa combativité, même si elle était inutile, maintenant qu'elle m'avait confié ses sentiments.

La mine grave, je me penchai et enfouis mon nez dans son cou. À pleins poumons, j'humai son parfum. Enivré par l'odeur naturelle de sa peau où se mêlait les effluves vanillées de ses cheveux, je fus pris de vertiges. Son parfum était devenu l'une de mes drogues, et je savourai le plaisir de pouvoir à nouveau m'en délecter après ces semaines de sevrage forcé. Quand l'air me manqua, mes lèvres s'entrouvrirent légèrement nous apportant ainsi notre délivrance.

Notre valse en trois temps - tome 2 - Et siOù les histoires vivent. Découvrez maintenant