Chapitre 14 - Jack

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Vingt-trois heures précises. La trotteuse de l'horloge murale en fer forgé que ma mère avait dénichée lors d'une vente privée chez Christie's venait de terminer sa ronde. En dépit de notre inconfort, étendues sur le tapis du salon, aucun de nous deux ne parvenait à rompre la magie dans laquelle nos corps étaient plongés.

Quinze jours.

Une éternité.

Signer un aller simple en premier classe pour une loge en enfer aurait été moins éprouvant que cette période de chasteté, alors que sa seule présence m'envoutait. Mais tandis que les lumières de la ville éclairaient faiblement l'immense pièce de vie de mon appartement, je réalisai la chance de l'avoir retrouvée. Et pas une, mais trois fois.

La tête de ma fatigante et pas moins épuisante petite ensorceleuse reposait sur mon torse, là où elle pouvait écouter les tambourinements de mon coeur, là où était sa place. Mon bras reposait possessivement dans le creux de sa taille, là où il se soulevait, puis s'abaissait au rythme de sa respiration, là où lui aussi était à sa place. Son souffle chaud qui s'échappait d'entre ses lèvres légèrement entrouvertes réchauffait ma peau. Son index qui étalait les gouttes de sueur perlant en-dessous de mon nombril électrisait mes sens. Les yeux fermés, je m'imprégnai pleinement de son contact et de sa moiteur. Le sexe avec Ashley avait toujours été grandiose, comme si l'univers nous avait créé dans un même moule pour qu'une fois réuni, nous ne formions plus qu'un seul être. Sans défaut. Sans tâche. Jamais je n'avais ressenti un lien comparable avec une autre femme. Cette...Plénitude. Ce mot me frappa en pleine poitrine. Avec Ashley, notre relation venait de franchir un nouveau pallier grâce auquel je venais d'atteindre un état de grâce qui jusqu'alors m'était inconnu.

Juste toi et moi pour une vie.

Sa déclaration, elle sonnait comme une libération m'entraînant dans un contentement incomparable. Le sentiment que tout était possible, que notre histoire était réelle et qu'ensemble nous pourrions la rendre exceptionnelle. Ashley ne m'avait pas dit qu'elle m'aimait. Les mots Je t'aime, n'avaient pas franchi la commissure de ses lèvres, mais à quoi pouvais-je m'attendre d'autre avec une femme telle qu'elle. N'était-elle pas unique? Alors sa manière de m'avouer ses sentiments devaient l'être tout autant. De mon côté, je l'aimais à en perdre la raison. Mon oxygène. Mon ciel. Mon enfer. Elle représentait tout cela pour moi et tellement plus. Et maintenant, elle me confiait plus que son corps. Son cœur m'appartenait avec tout l'avenir qui s'offrait à nous. Je revendiquais cette part d'elle depuis les prémices de notre relation et enfin elle me la donnait. Quel soulagement! Et encore ce terme n'était pas assez fort pour exprimer ce que je ressentais.

Trois mois plus tôt, je lui avais avoué que je l'aimais. Elle m'avait alors rejeté et exhorté de ne plus jamais prononcer ces mots sous peine de mettre fin à notre relation.

Notre première dispute.

Alors jusqu'à ce soir, j'avais renoncé à enfreindre cette règle...sa règle.

Dans un souffle, Ashley rompit le silence.

— C'est le son de ta voix que j'entendais.

Nul besoin qu'elle me confirme à quoi elle faisait allusion. Je m'accoudai légèrement pour basculer mon corps au-dessus du sien. Sa main effleura ma joue mettant à l'arrêt mes réflexes nasaux.

— À travers le brouillard, je percevais tes baisers, tes mains et tes mots. Mon amour.

Elle se souvenait... Jusqu'alors je croyais que les instants précédant son évanouissement n'était connu que de moi. Mais, je me trompais. L'avais-je effrayée ou contrariée? Était-ce pour cela que depuis son réveil à l'hôpital, elle avait gardé le silence? Je devais savoir.

Notre valse en trois temps - tome 2 - Et siOù les histoires vivent. Découvrez maintenant