Partie III - Chapitre 69

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Chapitre 69

Lily contemplait la pluie qui tombait averse, bien calée dans son fauteuil près du feu. On était en mai, mais l'humidité excessive de la semaine passée justifiait les joyeuses flammes qui réchauffaient l'âtre. Une main posée sur son ventre, les jambes étendues devant elle, les chevilles croisées, son regard passait au-dessus de James sans le voir, concentré sur les gouttes d'eau et le vent qui hurlait au-dehors.

James était bien loin de s'en plaindre. Installé dans le fauteuil qui faisait face à celui de sa femme, il la contemplait à loisir, sans qu'elle lui pose de questions ou ne s'étonne de son regard fixe. Ses yeux suivirent le tracé des taches de rousseur que le soleil avait fait renaître sur son visage, gagnèrent son regard rêveur avant de dégringoler la cascade de ses cheveux, qui lui arrivaient à présent aux épaules et avaient repris leur couleur rousse naturelle. James n'oublierait jamais ce jour où il était rentré au QG pour découvrir qu'on avait massacré sa chevelure. Mais même avec ses courts cheveux châtains, il la trouvait toujours belle.

Il avait toujours adoré Lily – du moins à partir du moment où elle avait cessé de le détester. La différence entre cette jeune femme de vingt ans et la Sorcière de quinze ans dont il était tombé amoureux le frappa soudain. La première fois qu'il avait remarqué que Lily Evans était un être digne d'intérêt – entendez : lorsqu'il s'était rendu compte de l'existence du sexe opposé – elle était tout en bras et en jambe, dans cette phase bizarre de l'adolescence où tout le corps semble déséquilibré, à la recherche de son harmonie. Malgré cela il s'était aperçu qu'elle était mignonne, avec ses taches de rousseur et ses grands yeux verts. Pour être tout à fait honnête, c'était sans doute l'attrait de l'interdit qui l'avait d'abord interpellé. Ses joutes verbales avec Lily avaient constitué l'un des grands enchantements de sa vie jusqu'à ce qu'il comprenne que l'aversion qu'elle éprouvait pour lui n'était pas uniquement due à la colère mais existait bel et bien. Ça n'aurait pas dû être un problème, et pourtant James avait eu le cœur brisé. Un garçon moins fier que lui et moins obstiné aurait peut-être rongé son frein un temps avant de jeter son dévolu sur une autre jeune fille, plus douce et tout aussi jolie. Seulement, plusieurs facteurs avaient empêché James de faire une telle chose.

Tout d'abord, Lily était certainement jolie et pouvait être douce, il le savait. Dès qu'elle ne lui parlait pas, elle souriait. Un magnifique sourire, tantôt gentil, tantôt moqueur, mais toujours bienveillant. Puis ses yeux se posaient sur lui et son visage se fermait. C'était là le deuxième facteur : le fait de savoir qu'il était le seul à être privé de ce sourire heurtait ses sentiments – pour ne pas dire plus.

C'était sans doute là la base de tout le problème : James détestait qu'elle ait ce pouvoir sur lui. Il savait que Lily était drôle, intelligente, gentille et serviable, seulement elle ne le lui montrait jamais. Alors il tenta de se convaincre qu'elle était tout le contraire de ça. En somme, il tenta de la détester. De cette tentative naquit la Grande Obsession de James Potter, qui fit jaser bien des élèves lors de sa Sixième année. Trente fois, il lui demanda de sortir avec lui. Trente fois, Lily Evans l'envoya sur les roses de façon, il faut le dire, rarement délicate. Cependant il serait difficile d'en tenir rigueur à Lily, dans la mesure où c'était précisément ce que James cherchait. Il voulait qu'elle soit désagréable avec lui. Il voulait qu'elle l'insulte, qu'elle le blesse suffisamment pour qu'il cesse de l'aimer et se mette, enfin, à la détester. Plus d'une fois, il était dans un tel état de rage contenue qu'il pensait y être arrivé. Puis, dans un coin de la salle, le rire de Lily résonnait et, encore une fois, il se surprenait à vouloir être celui qui la faisait rire.

A la fin de l'année, Lily le détestait plus que jamais mais continuait à l'ignorer lorsqu'il ne lui demandait pas – encore – de sortir avec lui, et James... Eh bien, James cachait un cœur en miettes derrière sa fierté et prenait un grand plaisir à souligner ses prouesses diverses pour montrer au monde et surtout à lui-même que l'indifférence de Lily ne l'empêchait pas d'être génial. James avait quitté Poudlard avec une tête à peu près aussi gonflée qu'auparavant, une médaille de Quidditch à son nom et la réputation de harceleur privé de Lily Evans.

Lily et James [corrigée]Where stories live. Discover now