Alter Ego

Chapitre 34 : Un mal pour un bien

Si certains disent que les univers de jeux vidéo sont à séparer de la réalité, tous ceux ayant participé à l'Alter-Ego peuvent attester du contraire. Les conséquences de nos actions y sont tout aussi réelles qu'en dehors de ce monde virtuel. Et c'est ce qui donne toute sa force à ce jeu. L'irréel devint réel, et le réel dépend de l'irréel.

Guide de L'Alter-Ego : Règles et stratégies

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Kilya ne chercha même pas à partir à la poursuite d'Edouard. Elle n'en voyait pas l'intérêt. Il avait été très clair. Si elle cherchait à revenir ou à s'interposer, il se débarrasserait d'elle. Il en était capable et n'hésiterait pas une seule seconde. Elle se laissa choir sur le sol de la forêt, et les yeux fixés sur les pétales abandonnés sur le sol, elle retint un sanglot. Tout lui semblait aussi froid que les paroles du Mage. Celles qu'il avait proféré d'un ton menaçant qui ne souffrait aucune contradiction. Deux fois elle l'avait croisé, et à chaque fois, il détenait toujours une longueur d'avance. Il la menait en bateau. Il se jouait d'elle comme il se serait amusé avec un enfant.

Elle s'était toujours cachée derrière le dédain et le sarcasme espérant qu'en faisant fuir les gens, ils ne viendraient pas l'ennuyer. La jeune fille s'acharnait depuis toujours à rester froide, distante, presque hautaine avec ceux qui l'entouraient pour trois raisons.

Se protéger.

Se cacher.

Ne pas laisser ses camarades de classe découvrir qu'au fond, ses émotions la guidaient plus que sa raison ou sa rationalité.

L'adolescente se recroquevilla sur elle-même et releva ses jambes contre sa poitrine. Elle plongea son visage dans ses genoux. Entoura ses bras autour de ses tibias dans un geste vain pour se protéger. Ce mécanisme de défense était son salut depuis toujours. Dès qu'elle sentait que ses émotions reprenaient le dessus, elle s'isolait et se mettait en boule. Un geste enfantin qui ne l'avait jamais quitté. Même Léonard l'ignorait. Il lui avait toujours connu cet air mordant dont elle se parait en public. Si comme il lui avait dit, il l'aimait vraiment, alors il était tombé amoureux de l'image de son amie. Celle qui était devenue chez elle comme une seconde peau. Sa carapace que seule Julie, sa sœur, parvenait à traverser sans le savoir.

Jusqu'à présent, tous s'étaient fourvoyés sur son compte : ils s'arrêtaient à l'image qu'elle voulait donner d'elle et ne cherchaient pas à découvrir ce qu'il se cachait sous la carapace qu'elle s'était construite avec les années : asociale, hautaine et sans cœur. Pourquoi prendre le risque de confronter ses sentiments et de paraître faible quand on peut se contenter de les dissimuler ? La jeune fille était devenue une experte en esquive, en combinaisons hasardeuses et en manipulations. Toutes ses actions dans sa vie n'étaient destinées qu'à lui permettre de garder la tête haute. Avec le temps, elle avait cru que tout était fini. A son arrivée au lycée, son monde s'était stabilisé. Ses problèmes avaient disparus pour ne plus laisser place qu'à un léger malaise lorsqu'une situation demandant de l'empathie se déroulait sous ses yeux.

Puis était venu ses seize ans et ceux de son meilleur ami. Promesse d'un avenir radieux mais dont l'horizon était barré d'un unique nuage noir : l'Alter-Ego. Léo ne s'en était jamais soucié et en rigolait souvent. Il le considérait comme un examen comme les autres. Un défi de plus qu'il comptait surpasser à l'aide d'une de ses méthodes peu orthodoxes dont il avait le secret. Il n'avait rien à craindre. Il vivait sa vie à 200% sans jamais se départir de son sourire et de sa bonne humeur. Mais son amie, loin de partager sa joie, en avait dès l'instant été terrifiée. Le garçon lui avait expliqué que malgré le peu d'entraînement dont ils disposaient, ils pourraient s'en sortir. A ses yeux, ce n'était rien de plus qu'un jeu vidéo. Un jeu de stratégie qui définirait leur position dans la société. Rien de plus simple.