5- Plans

55 8 66
                                    

Je restai étendue au sol, haletante, tandis que j'entendais le prince quitter cette magnifique salle d'entraînement. Je me demandai une fois de plus comment nous avions put en arriver là. Mais ce qui me perturbait le plus était l'étincelle de vie que j'avais discerné l'espace d'un instant dans ses prunelles améthystes. Je doutais un instant de l'avoir imaginée mais l'instant m'avais semblé réel. Mais son air inhumain ne l'avait jamais quitté. C'était un serpent et je ne devais sous aucun prétexte l'oublier. Avant que mon esprit s'égare encore plus, je fis taire mes pensées et me relevai d'un mouvement souple. D'un mouvement du poignet je fis remonter ma dague sous ma manche. Puis j'allais ramasser mes autres couteaux tombés au sol et les rattachai à ma ceinture.

Lisiathia me regarda faire les yeux ronds. Peut être ne s'attendait t-elle pas à ce que je pratique l'art du combat. Je souris intérieurement. Bien sûr qu'elle ne s'y attendais pas. Personne ne pouvais s'attendre à ça de la part d'une paysanne comme moi. Puis je me souviens qu'elle ne devait avoir que la version fausse du roi : la fille d'un grand marchand venue en paix dans son palais, et qui pouvait prétendre à son fils. Nous avoir retrouvés sur le sol à un centimètre l'un de l'autre l'avait peut être convaincu, mais me voir faire tourner trois couteaux dans mes mains, devait à coups surs la désarçonner. Je lui fit face et lui renvoyai ce que j'espérais être un sourire contrit. Si je parvenais à me mettre cette servante dans la poche peut être mes tentatives d'évasion seraient plus simple. Hélas cela n'eut pas l'air de fonctionner car elle se contenta de se saisir de mon bras et de me traîner derrière elle dans les innombrables couloirs de ce palais maudit. Je choisit de garder le silence et d'observer un maximum les lieux. Pièces et couloirs se succédèrent et je tentai d'établir au mieux le plan du palais dans ma tête. J'avais compris que la salle du trône avait était dans la partie centrale du château et que la bibliothèque où j'avais était conduite dans l'aile droite. La salle d'entraînement également. Et nous poursuivions notre route dans cette même aile. Je jetai un coup d'œil à l'une des grandes fenêtres se trouvant à côté de moi. Le ciel se couvrait de teinte orange et rose. Le soleil se couchait. La nuit serait peut être le moment le plus propice à ma fuite. De cette manière personne ne se rendrait compte de mon absence jusqu'au lendemain matin. Au détour d'un vestibule richement décoré, Lisiathia finit par me pousser dans une chambre qui me laissa bouche bée. Je ne m'attendais pas à être si bien logée si tant est que cette chambre était là mienne. Les hautes fenêtres laissant passer les rayons du soleil, illuminait la pièce. Un gigantesque lit trônait au milieu entouré de fins rideaux blancs. Une coiffeuse aux mêmes proportions que le lit était sur un côté de la pièce et l'autre était occupés par ce que je supposais être une penderie. Mais cette dernière était aussi vide mon garde manger en saison froide. Mon ancien garde manger, pensai je tristement. La douleur de la trahison de ma mère remonta dans ma poitrine. Je la refoulai, comme toute mes émotions depuis que j'étais arrivé dans ce château. Lisiathia ouvrit une porte attenante qui donnait sur une salle d'eau et m'expliqua le fonctionnement des robinets.

- Vous actionnez la pompe ici, puis vous tirai le loquet qui fera arriver l'eau chaude.

- Je connais le fonctionnement d'un robinet, lui rétorquait je épuisée.

Cela parut la vexer. Au tant pour mon plan de me rapprocher d'elle. Mais avant que je put rectifier le tir elle s'en fut en me lâchant:

- Je reviens dans dix minutes afin de vous habiller.

La porte claqua. Je restai plantée la sans savoir comment réagir. Je n'allais tout de même pas courir dans le couloir pour m'excuser. Je ne l'avais pas insulté que je sache. Je fis donc la seule chose qu'il me restait à faire. J'explorai cette chambre. Je fis courir mes doigts sur les draps en satin du lit. Je m'approchai de la coiffeuse et ouvrit les tiroirs découvrant de nombreux bijoux étincelants. Un en particulier attira mon attention. Une broche représentant un loup, un rubis au niveau du front. Je le contemplait avant de le prendre dans le creux de ma paume. Un souvenir me chatouilla la conscience. Cela me fit monter les larmes aux yeux.

Je courrai dans les bois. Je sautai par dessus les rochers et me baissai pour éviter les branches. Dans ma petite main d'enfant, l'objet de mon allégresse. J'avais réussi à attraper un lapin. Tandis que je criait victoire, je me jetai dans les bras d'un homme, qui me rattrapa en riant. Ce rire grave et chaleureux. Celui de mon père. Et tandis qu'il me félicitait et que mon cœur se gonflait de joie, ces mots résonnaient à mes oreilles. Des mots que je n'avais plus jamais entendu peu de temps après:

- Bien joué, ma petite louve...

Je respirai un grand coup. Le souvenir s'estompa peu à peu. Un souvenir de mon père. L'un des seuls que j'avais encore. Jusqu'à que la mort ne l'emporte lorsque j'avais sept ans. Je m'autorisais à verser une larme. Une seule. Avant de renfermer mon poing sur cette broche et la glisser dans ma poche et me détournait de cette coiffeuse. J'allais d'un pas rageur au niveau des fenêtres et regardait au loin en respirant fort pour me calmer. Mes premiers souvenirs remontaient à mes cinq ans. Des sensations, des couleurs et des sons. Et des présences comme celle de mes parents. Tout était plutôt clair dans ma tête. Deux ans plus tard mon père m'était enlevé. Et j'avais plus de souvenirs heureux de lui en une paire d'années qu'avec ma mère en dix neuf ans. Je trouvais ça particulièrement injuste de la part de la Destinée que de m'avoir retirer un parent aimant à cet âge là. Les souvenirs que je conservai de lui, je pouvais les compter sur les doigts de ma main. Celui de la forêt où il m'avais certainement appris les bases de la chasse. Ce qui expliquait les facilités que j'avais eut par la suite lorsque je m'y étais aventurée seule à seulement douze ans. J'avais vite compris, que mes petit vols à l'étalage et mes bagarres pour récolter trois miettes de pain, ne nous suffirait pas longtemps. J'avais donc fait ce que mon père faisait chaque matin: je m'étais enfoncée dans la forêt. Le souvenir de lui me berçant un soir avant d'aller au lit, glissa sur ma mémoire. Et celui du jour de sa mort. Le jour où une terrible tempête sévissait et qu'il était sortit me chercher dehors. Ma faute. Ma responsabilité. La raison pour laquelle j'étais sortit, la raison pour laquelle le vent l'a emporté. Et la raison pour laquelle ma mère enceinte jusqu'au dents à ce moment, n'avait fais preuve que de froideur à mon égard, les jours, les semaines et années qui avaient suivies. Ne pas y penser... je ne voulais pas y penser. Je ne me l'étais jamais permis. Pas même enfant. Mon cœur s'emballât. Ma respiration s'accéléra.

Responsable...

Fautive...

Toutes mes émotions étaient en train de refaire surface.

Coupable... j'étais coupable.

Et ma mère et mon frère laissé seuls livrés à eux mêmes... Coupable aussi. Il n'y aurai pas mon père pour subvenir à leurs besoins. Et c'était aussi de ma faute. Alors tout les événements de la journée, ma peur face au roi, face au massacre des Désignés, ma tristesse a l'idée de ne plus revoir mon frère, ma colère permanente habitant en moi depuis toujours et toute l'horreur de la situation explosèrent. Je hurlais et assénai un coup de poing de toute mes forces sur le mur à côté de la penderie. La douleur me permis de reprendre quelque peu mes esprits mais j'étais si épuisée que je me laissé aller sur le sol et évacuai mes larmes. Et c'est entre elles, avec ma vision brouillée que j'entrevis un détail qui me sauta aux yeux. Mon coup d'éclat m'avais conduit à frapper le mur perpendiculaire à la fenêtre. Mais le mur n'étais plus régulier. Il c'était avancé. Surprise, je m'approchai et compris que c'était une porte dissimulée. Je hoquetai en comprenant que cette issue représentait peut être mon salut. Je l'ouvrit et découvrit un tunnel sombre et bas partant dans les profondeurs du château. Un léger sourire s'esquissa sur mes lèvres, se mêlant à mes larmes qui dévalaient toujours mes joues. Et l'espoir qui s'épanouit dans ma poitrine, fut ce dont j'avais besoin pour tirer une toute nouvelle assurance et une nouvelle force. Dans une poignées de minutes, Lisiathia allait revenir et me préparer pour ce que je supposais être le dîner. En public avec tout les nobles ou dans un cercle restreint avec seulement la famille royale et le Petit cercle du roi, peu importait. Je n'allais pas m'attarder pour attendre toutes les réponses à mes questions. Je n'en avait pas le temps, ni le loisir. Je devais m'enfuir pour ne jamais réapparaître, que mes soit disant pouvoirs soit apparut ou non, et quelque soit les projets que le roi entretenait pour moi.

Le Royaume perduOù les histoires vivent. Découvrez maintenant