22- La region des Lacs

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Les pas étaient feutrés, ils se posaient sur le sol en une caresse rapide et assurée. Les muscles brûlants je savais que je n'arriverais pas à le distancer. Mais je souriais car j'avais réussi à le faire tomber et à le surprendre. Car cette cavalcade était à l'image de la liberté même. De pouvoir courir là où on le voulait sans se soucier du reste. A part de rattraper son comparse devant dans une course idiote. À nouveau je me sentais amusée. Il me rattrapa rapidement.

- Vous êtes aussi fourbe que je l'espérais, me cria t'il par dessus le vent qui soufflait dans nos oreilles.

Son expression sur son visage devait être un reflet du mien. Je vis dans ses yeux que lui aussi ressentait comme moi cet esprit de liberté. Il n'était que légèrement essoufflé et son front brillait à peine. Il aurait tout aussi bien put courir que depuis vingt minutes. Nous nous sourîmes et ses traits se concentrèrent à nouveau quand il me doubla sans mal apparent. J'eus une pointe de ressentiment mais la chassai aussitôt. Qu'est ce que cela importait qu'il gagne? J'avais tout de même passé un agréable moment.

Je courus bien moins rapidement et bientôt je le vis atteindre les premières maison du grand village devant moi et disparaître. La lande devant moi surplombait une succession de collines verdoyantes et de lacs de taille diverses et variées qui brillaient. Lorsque j'y parvînt à mon tour, j'adoptais un rythme de marche soutenu et regardait autour de moi. Perplexe, je vis le lieu en proie à une grande agitation. Loin d'être négative, il régnait un climat d'euphorie. J'observai des enfants qui courraient en se poursuivant dans les rues. Au milieu, des charrettes se suivaient, encombrées d'objets, de produits alimentaires et de... fleurs. Des centaines de fleurs. Dans les maison, sur les gens, sur les étaux et les murs. Il y en avait partout. Les gens marchaient, parlaient, riaient en sortant des fleurs des chariots. Certains en ornaient leur fenêtres, d'autres les coiffaient dans leurs cheveux ou à leur cou. Je marchais entre eux, me sentant presque incongrue dans mes habits sales, ma peau transpirante et mon air renfrogné et fatigué. Je défilais entre des étaux qui débordaient de fleurs et de victuailles. Ce village n'était pas petit mais ce n'était pas une ville. Un marché d'une telle ampleur était rare. Je débouchais sur une petite place débordante d'activité. La chaleur qui y régnait était éclipsée par la bonne humeur de chacun. Les mille couleurs des fleurs me firent bientôt tourner la tête. Je souris en retour aux gens que je croisaient. Je passai à côté d'une petite fontaine qui ruisselait gaiement. Son clapotis apaisant, je m'y arrêtais pour savourer l'instant. Je fermai les yeux et renversai la tête en arrière, les couleurs orangées du soleil couchant déversant de l'or derrière mes paupières closes. Lorsque je les rouvrit, j'eus un léger mouvement de recul lorsqu'une fleur au parfum enivrant apparut devant mes yeux. Je me tournai vers le propriétaire.

- Que fêtes ces gens, demandai je à Abrax.

Il était de nouveau comme frais et dispo. Son teint rayonnait sous les rayons du soleil. Je me rendis compte que c'était la première fois que je le voyais tel qu'il était sous la vraie lumière du jour. La pénombre ambiante de la Forêt Sombre n'avait pas rendu hommage à ses traits, déjà saisissants. Sa peau n'était pas bronzée. Elle chatoyait. Sa cicatrice n'en ressortait que plus, accentuant la carrure de sa mâchoire. Les manches de sa chemise étaient relevés et son bras qui me tendait encore la fleur, montrait ses avants bras musclés.

- Raïhcar, la fête qui honore la Déesse Esmeriah, me répondit il.

- Mais, commençai je en levant doucement ma main pour saisir la fleur devant mes yeux, c'est une fête qui ne se fait plus... depuis des centaines d'années. Elle a était interdite par le roi...

Mes mots s'éteignirent presque quand je regardai vraiment la fleur. C'était une rose de toute beauté. Ses pétales s'ouvraient en harmonie dans un cercle parfait. Tous délicats et ondulés. Mais ce n'était pas ça qui me fascinais. Cette rose était noire. D'un jais profond et mélancolique. Je l'effleurais du bout des doigts.

Le Royaume perduWhere stories live. Discover now