20- Démons nocturnes

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Je croisai mes mains pour cacher leurs tremblements. Mes cheveux tombaient devant mes yeux mais je distinguais sans peine Abrax toujours assis à deux pas de moi. Son regard sombre me n'informait guère sur ses pensées. Je remarquai à deux pas de lui un tas de petit bois abandonné et éparpillé. Je ne me rappelai même plus le moment où je m'étais endormit. Où j'avais suffisamment baissé ma garde pour me retrouver étendue sans défense dans cette forêt. Serrant les dents j'attendis une réplique sarcastique de l'ancien espion. Fidèle à lui même il ne manquerai pas cette occasion. Pourtant son visage resta de marbre et sa bouche fermée. Il finit par se lever d'une détente gracieuse et s'affaira sans un mot à allumer un feu.

Sous mes fesses, l'herbe était si humide que je fus rapidement transie de froid. Je croisai les bras pour tenter de me réchauffer. Abrax ne disait toujours rien. Avais je laisser échapper des mots durant cet enfer cauchemardesque ? Peut être avais laissé échapper des choses que ma conscience ne savait même pas. L'inconscient est parfois le réceptacle de tant de choses. Et y accéder n'est pas chose aisé. Pire avais je perdu un semblant de contrôle dans ce puit noir au fond de moi. Je frissonnais au souvenir de mon passage dans les couloirs du château, brûlant, fracassant tout sur mon passage. Mais j'avais beau le détailler de la tête au pieds je ne voyais aucune blessure sur sa personne. Accroupi au dessus des flammes, sa silhouette se détachait parfaitement.

Je me raclais la gorge.

- Les vieux démons nocturnes n'appartiennent qu'à nous, dit t'il me prenant de court.

Les yeux dans la vague il tâtonnait du bout d'un bâton les braises. L'éclat des flammes se reflétaient presque dans ses yeux semblables à deux obsidiennes chaudes.

Mes mots se coincèrent dans ma gorge.

- Tour comme il n'appartient qu'à toi de les partager. Ou non.

La ligne droite de sa mâchoire se contracta. Je le détaillai à la lueur du feu. Ses épaules crispés trahissait son état. Je n'avais pas oublié sa réaction durant notre fuite récente. Je devais avoir mes réponses. Ses paroles m'apaisèrent quelque peu. Il tourna la tête dans ma direction et son regard rencontra le mien. Je compris que ses paroles, s'il les adressaient à moi, ne me concernait pas uniquement. Mais ses yeux se voilèrent rapidement par une froide indifférence. Je restai silencieuse, reconnaissante qu'il ne me pose pas plus de questions. Je n'aurais été capable d'y répondre. A présent plus calme, je me figeai à l'écoute de mon esprit. La bête était toujours là au fond de moi. Mais restait immobile. Comme endormie.

Raffermissant ma voix, je repliais mes genoux sur ma poitrine et demandai:

- Expliquez moi ce qu'il c'est passé ce matin.

Ses sourcils se haussèrent.

- Encore à donner des ordres.

- Vous ne laissez guère le choix, répondis je d'un ton sec, vos petits secrets et vos non-dits commencent à bien faire.

Agacé, il lâcha le bout de bois qui tomba dans le feu, se calcinant en quelques secondes. En se laissant tomber assis, ses cheveux lui tombèrent à nouveau devant les yeux. Ne pas discerner son visage me perturbait.

- Certaines choses ne peuvent être dites n'importe où, fit il d'un air toujours aussi mystérieux.

- Bah voyons, comme cela doit bien vous arranger, m'esclaffais je aigrement.

Nous nous affrontâmes durant un moment. Silencieux à l'affût de la moindre faiblesse de l'autre.

- Cela ne m'arrange pas comme vous dites, finit il pas dire, mais le plan doit être respecté.

Le Royaume perduOù les histoires vivent. Découvrez maintenant