Chapitre 2

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25 novembre

Penché sur sa feuille de révision, Chris peinait à se concentrer : un délicieux fumet lui chatouillait les narines. Une odeur de fromage, de lardons grillés et de pommes de terre cuites au four.

— Franchement, Cam, comment tu veux que je me concentre sur mes cours avec ça ? J'suis censé intégrer toutes ces notions avant ma conf de ce soir avec la Team !

Les yeux rivés sur son invité, Chris déglutit. Face à la chaleur du vieux four, Cam avait fait tomber le T-shirt et se baladait torse nu... un généreux plat gratiné dans les gants. 

[Et c'était la première fois que je voyais Cam torse nu. Pour être tout à fait honnête, ce soir-là, je ne sais plus si je salivais devant mon voisin un peu sexy ou à cause de la tartiflette. Sans doute un peu des deux !]

— Je n'y peux rien si tu n'as que de quoi faire de la tartiflette dans ton frigo et tes placards...

En douceur, le jeune homme déposa son plat sur un dessous-de-plat au centre d'une petite table en formica. Puis il servit deux portions et invita son hôte à le rejoindre. Chris s'empressa d'obtempérer, pas fâché de quitter les lignes manuscrites étroites seulement lisibles par son œil acéré.

Après un crochet par le frigo, il s'installa en face de Cam et ouvrit la dernière de ses cannettes de bière.

— Bon, ça te gêne pas si on boit tous les deux au goulot ?

— Je... non. Mais du coup, avec ça, ton frigo est totalement vide... tu vas pouvoir manger, demain ?

[Je me souviens parfaitement de la subite rougeur de ses joues, à ce moment-là. Une rougeur que j'ai attribuée à la chaleur ambiante. J'avais un peu chaud aussi, d'ailleurs. Évidemment que le four n'y était pour rien et pour aucun de nous deux. Mais je devais être dans un sacré déni doublé d'aveuglement pour ne pas avoir ne serait-ce qu'une lueur de présence d'esprit de me questionner.]

— T'inquiète pas pour moi ! En fait, à part quand tu t'invites, je mange jamais en solo ici, j'mange dans la maison avec les vieux et les soeurettes... et comme tu t'es beaucoup invité ces derniers temps, j'ai plus rien. Faudra que je dise à ma mère de me faire le plein...

Cam reposa sa fourchette, l'air soudain inquiet :

— Ça te dérange ?

— Que ma mère fasse le plein ?

— Non. Que... je sois là souvent.

Chris posa ses couvert à son tour. Cam ne lui semblait pas dans son état normal, et ça durait depuis que la Team avait interrompu le live. Ou plus exactement, depuis les questions indiscrètes des viewers.

— Cam, si j'avais pas envie de te voir, j'te le dirais. T'es le seul que je laisse venir dans ma chambre, en plus.

[Oui, c'est vrai que même ma famille, je n'aimais et n'aime toujours pas quand elle fait irruption dans mon studio sans demander la permission. Alors, que j'ai autorisé le joli voisin à s'inviter quand bon lui semblait aurait peut-être dû agiter mes neurones un peu plus tôt. La seule exception à cette règle a toujours été pour les trois chats de la maison. À un tel point que quand Lise et Ely voulaient me parler, c'était par Chat-voyageur interposé !]

— Tu n'imagines pas à quel point ça me fait plaisir. Chris, je...

[Je confirme : je n'imaginais absolument pas.]

— Par contre, ta meuf va finir par être jalouse ! l'interrompit Chris en reprenant sa fourchette. Tu passes plus de temps chez moi que chez elle.

Cam se racla la gorge et piqua un morceau de patate avant de le déchiqueter méticuleusement.

Chris, ou comment se prendre pour Cupidon à NoëlWhere stories live. Discover now