Chapitre 30

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3 décembre

Les bras chargés de vêtements tout juste sortis du sèche-linge, Chris sortit de la buanderie, Chiendent et Chardon sur les talons. Un des moments préférés des terreurs : le pliage du linge. Pendant que le plus jeune attrapait ce qui pendouillait, l'autre se faisait un nid dans le tas. 

Chris avait tout essayé pour les en empêcher, mais en dehors des moments où ils se prélassaient sur leur panier de radiateur, rien à faire : les affreux reconnaissaient le bruit de la porte et accouraient sitôt qu'ils l'entendaient.

Et ce matin-là, les parents de Chris avaient condamné l'accès au salon, et pour cause : sa mère avait sorti le sapin. Si le jeune homme s'était risqué à s'occuper de ses habits, c'était seulement pour éviter la corvée de crèche et décoration : s'occuper de son studio lui avait amplement suffi.

D'un coup de hanche, Chris ouvrit sa porte et gagna son lit en évitant à chaque pas de marcher sur queues et pattes. Sitôt le linge déposé, Chiendent sauta dessus et se mit à creuser avant de se lover sur un hoodie retourné. 

— T'aurais au moins pu attendre que je le mette à l'endroit, râla Chris. Ça va gratter à mort et j'vais encore être obligé de le relaver sans l'avoir mis !

— Sinon, tu peux aussi passer le rouleau collant et le mettre quand même.

La voix moqueuse et tendre à la fois lui fit l'effet d'une bombe. Chris glapit. Lâcha le jean qu'il tenait. Bondit en arrière... et posa sur sa jumelle un regard effaré.

— E...Ellie ? Mais qu'est-ce que tu fais là ? Que... tu... tu devais m'appeler, pas... je...

La jeune femme s'avança et le serra très brièvement contre elle avant de le faire assoir sur son lit, non sans placer entre ses mains le dodécaèdre récupéré sur le bureau.

— Tout va bien. Je sais que tu n'aimes pas du tout les changements de programme, mais là, j'étais obligé. Lise m'a appelé à la rescousse cette nuit. Elle est inquiète pour toi et... elle se sent nulle aussi. Et puis, comme j'avais de toute façon quelque chose à te dire... mais je crois que je vais attendre parce que tu me regardes comme si tu avais vu un lutin de Noël. Un café, le temps de reprendre tes esprits ?

Il hocha la tête.

[J'étais incapable de faire autre chose, honnêtement. J'avais l'esprit accaparé par les événements des derniers jours. Trop de tout, trop rapproché, je n'étais pas bien loin du burn out neuroatypique. Pas loin, mais je n'y étais pas encore. 

D'ailleurs, mon adorable Ely allait réussir à le retarder un peu. Et Lise, quant à elle, allait le provoquer... mais plus tard.]

Assis devant sa tasse bien chaude, il leva enfin les yeux vers sa sœur pour étudier ses traits.

Comme à son habitude, Ellie était solaire. Radieuse bien qu'une pointe de contrariété chiffonnait ses traits lorsqu'elle regardait son jumeau. 

— Tu m'as manqué, frérot, chuchota-t-elle alors qu'il détournait les yeux.

— Toi aussi... 

— J'ai l'impression que tu t'es renfermé ces derniers-mois. Depuis que tu n'as plus besoin de... masquer. C'est comme ça qu'on dit ?

Il leva un sourcil interrogateur.

— Quand les personnes autistes cachent leur différence, qu'elles atténuent leurs troubles. J'ai fait quelques recherches, tu sais, je....

— J'suis pas autiste, hein.

—  Tu n'es pas diagnostiqué, mais tu as des comportements clairement autistique.

Chris, ou comment se prendre pour Cupidon à NoëlWhere stories live. Discover now