Chapitre 27

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2 décembre

À peine Chris eut-il mis un pied dehors qu'un vent glacé s'engouffra sous sa veste. Il resserra son écharpe, remonta la fermeture jusque sous son menton et enfouit ses mains dans ses poches avant de taper des pieds. Ses orteils se recroquevillaient déjà.

— Si j'avais su, j'aurais mis mes boots. J'ai encore le temps de mettre mes boots ? lâcha-t-il à l'adresse de sa sœur, laquelle lui fit les gros yeux. OK, OK, pas de boots... Où est Cam ?

— Je suis là, murmura son voisin dans son dos. 

Un délicieux frisson remonta le long de l'échine de Chris, presque aussitôt remplacé par un poids dans son estomac. Si Cam était là, c'était pour parler de Côle, et non pas pour se balader dans les rues de Bergheim comme Lizzie et Lise allaient le faire.

[Je dois admette que pendant un infime instant, je l'ai déploré. Et au lieu de regarder Cam, j'ai préféré le saluer en marmonnant (mon surnom de Grumpy se confirme chaque jour !) et traîner mes semelles sur les pavés du trottoir. 

S'il y a un sujet que Cam aurait préféré éviter, c'était bien le sujet "Côle". En apparence, Cam est doux, adorable, attentionné... bon, pas seulement en apparence, il l'est vraiment. Mais il a aussi un côté impétueux que la simple mention de mon ex exacerbait. Ce n'était pas tant de la jalousie que de l'exaspération à me voir incapable de tourner la page. 

Avec le recul, je trouve que le plus beau, c'est qu'il ne voulait pas le faire pour lui, mais pour moi. Que je vois ses sentiments, c'était la cerise sur le gâteau de sa satisfaction, mais si je m'étais contenté de virer Côle de ma vie, Cam s'en serait contenté.

Heureusement pour nous deux, la cerise était délicieuse.

Dire que je l'aurais mangée tellement plus tôt si je m'étais retourné. Oui, si j'avais osé regarder mon voisin dans les yeux, j'aurais vu que nos espoirs se rejoignaient.]

— Tu as rendez-vous où et quand ?

— Place de la mairie dans dix minutes. Si on prend en compte le fait qu'elle sera sans doute en avance...

— On doit courir, l'interrompit Chris en allongeant ses foulées.

Lise râla, Cam éclata de rire et tous trois se hâtèrent dans les rues qu'envahissaient déjà les premiers touristes.

[C'est normal ; même avant d'être élu "Village préféré des Français", Bergheim connaissait le succès. En été et en décembre, les Suisses et les Allemands affluent. Quelques Bretons aussi, et des Britanniques. 

Pourquoi eux ? Je n'en sais rien, c'est comme ça. Il suffit d'aller au parking du jardin de ville ou à celui du rempart pour observer les plaques d'immatriculation.

Pourquoi cette effervescence autour de Noël ? Parce que notre village est un lieu parfait pour la période. 

Immense sapin installé devant la mairie. Chemin des crèches (celui-là même que j'ai fait ce soir là avec Cam). Maisons illuminées. Marché de Noël (seulement un week-end, mais c'est toujours noir de monde !). Concert de l'école primaire le soir du 6 décembre (et, cette année, la chorale du village s'y est greffée avec en vedette un certain Cam à la voix d'or) avec la venue du célèbre Saint Nicolas qui distribue friandises et gâteaux aux enfants. Sans oublier les bredalas et manalas maisons que confectionne notre boulanger ! Mais je reparlerai de ces savoureuses spécialités alsaciennes plus tard.]

— Bon, s'exclama Lise alors qu'ils s'arrêtaient, essoufflés, devant le sapin géant. Maintenant, faut vous cacher !

Chris hocha la tête avant d'indiquer la ruelle qui faisait le tour de la mairie. De là, Cam et lui pourraient observer sans être vus. Que Lizzie ne détectât pas leur présence de toute la balade reposait sur les épaules de Lise.

Chris, ou comment se prendre pour Cupidon à NoëlWhere stories live. Discover now