Chapitre 54

52 16 4
                                    

16 décembre

La séance n'avait pas commencé depuis cinq minutes que Chris voulait déjà rentrer chez lui. Pas à cause du film projeté, le jeune homme attendait ce deuxième opus depuis des années, mais à cause de l'ambiance.

Cinq minutes et il trouvait déjà la musique trop forte tandis que les dialogues ne l'étaient pas assez.

Cinq minutes et il en avait déjà marre des chuchotis et des ombres mouvantes devant lui. 

Cinq minutes et il ne supportait plus les odeurs de neige, de transpiration et de pop corn s'entremêlant.

Sans la main de Cam qui, à la faveur de la pénombre, serrait la sienne, Chris aurait fui.

[Bon, et puis je ovulais quand même connaître la fin du film. Il aurait également fallu passer devant Lizzie pour partir ; elle m'en aurait empêché. Je crois qu'elle avait même prévu de m'accompagner aux toilettes, si jamais. Pour éviter que je disparaisse par magie.
De toute façon, j'aurais pu aller où ? Me promener aux alentours ? Je ne fais déjà pas mon village de nuit, ce n'est pas pour subir Colmar et sa circulation. Me serait resté quoi ? Attendre dans le hall avec les mêmes odeurs que dans la salle, avec plus bruit et moins de protagonistes bleus, ou aller à me les geler vers la voiture de Cam ? Non merci.

J'ai pris mon mal en patience, et comme l'adulte que je suis, je me suis adapté à mon environnement.

Non, je plaisante, j'ai morflé pendant toute la durée du film, je n'ai pas réussi à me concentrer sur l'intrigue et j'ai fini par m'endormir sur Cam avec supplément de bave sur son pull. Une chouette soirée, vraiment. 

Heureusement que ça c'est mieux passé pour Lizzie et ma sœur !]

Alors que la petite troupe se dirigeait vers la sortie, des étoiles plein les yeux et papotant gaiement de ce qu'elle venait de voir, Lizzie ralentit et attrapa la manche de Chris. Ni Cam, ni Lise ne semblèrent s'en rendre compte.

— Dis, Chris, ça te gêne si ta sœur dort chez moi ce soir ?

— Elle est majeure, j'ai pas....

La voix de Chris mourut dans sa gorge alors qu'il se souvenait du week-end à venir. Il n'avait toujours pas parlé à Lizzie de l'invitation et il ignorait s'il devait aborder le sujet. 

La culpabilité le rongeait. Il avait l'impression de tromper sa meilleure amie.

— Lizzie, je... tu es sûr ? Je croyais que vous deux, vous saviez pas trop, et que Lise était encore en réflexion et... et je veux pas que tu te fasses des idées, tu vois ! 

— Tu penses à ce garçon qui vient chez vous demain ? Si j'ai bien compris, il ne vient pas seul...

— Ha ?

Pendue à son bras, Lizzie s'arrêta et tira légèrement sur sa manche pour pousser Chris à la regarder.

— Tu n'es pas au courant ?

[On ne peut pas dire que j'ai été très attentif quand ma sœur et mes parents m'en ont parlé. En effet, ce n'était pas seulement un inconnu qui débarquait, mais trois personnes, dont deux filles.
Note à moi-même : la prochaine fois, Chris, écoute. Ça t'évitera peut-être des bricoles.]

— Pour le mec, si, c'est son crush du... net. Désolé.

— Je suis au courant, t'en fais pas ! Elle m'a dit texto : si je te cachais ce genre de chose, Chris me maudirait sur 158 générations.

— Peut-être pas autant, ça fait beaucoup, mais y avait moyen, ouais. Et du coup, tu veux quand même l'inviter chez toi pour la nuit ?

— Je compte bien profiter de cette nuit pour éradiquer définitivement ce crush de sa cervelle, tu vois ! Elle m'a dit tout à l'heure que ce serait une erreur de me laisser pour lui, je compte bien lui prouver qu'elle a raison !

— Ça ne fait aucun doute. Je le connais pas, mais je sais déjà que tu es mieux que lui. 

[Je n'imaginais pas à quel point j'avais raison.]

— Oh, ça, je n'en doute pas une seconde ! Sans vouloir me vanter. Du coup... ça te va ?

— Comme je t'ai dit : j'ai pas mon mot à dire, c'est votre vie.

— Mais tu es un de mes meilleurs amis. Je veux être certaine que ça ne va pas entacher notre amitié.

— Jamais ! promit Chris sans une hésitation.

[Je le pensais et je le pense toujours. Ma sœur, c'est ma sœur. Lizzie, c'est Lizzie. Leur histoire, ce n'est pas celle de mon amitié avec Lizzie. Si ça ne fonctionne pas entre elles, je resterai présent pour toutes les deux, hors de question de choisir un camp. Et elles le savent.]

Surexcitée, Lizzie courut vers Lise pour lui annoncer la nouvelle.

[Je crois que tout le parking a appris la nouvelle tellement elle a hurlé.]

Le visage de Lise s'illumina. Celui de Cam s'assombrit.

[Ce qui aurait dû me rendre perplexe, mais j'avoue avoir été absorbé par la vision féérique du reflet de ses cheveux roux sous les lampadaires. si, si, c'était vraiment féérique ! Parce qu'il neigeait encore un peu, que les flocons lui faisaient comme une couronne, et que le petit nuage de buée qui filtrait de ses lèvres le rendait encore plus beau.]

Chris était tellement perdu dans sa contemplation qu'il sursauta quand Cam murmura à son oreille.

— Tu crois qu'elles vont conclure, ce soir ?

Son ton concerné surprit Chris.

— Me dis pas que, finalement, tu craques sur ma sœur !

Cam ne sut que lui offrir un regard ahuri. Chris resserra son manteau avant de poursuivre d'un ton bourru.

— C'est pour ça que tu suis de près l'évolution de leur relation ? 

— Mais qu'est-ce que tu vas t'imaginer encore ? Je t'assure que mon crush n'est PAS Lise. T'entraves vraiment que dalle, mais tu es adorable !

Il passe le bras autour des épaules de Chris pour l'approcher de lui, avança de deux pas avant de changer d'idée et de virevolter pour se trouver en face de lui. Chris cilla, surpris par la soudaine proximité de leur visage. Il frissonna quand les doigts gantés de Cam caressèrent sa joue, puis lui saisirent le menton.

— Je sais, faut que je me rase, bafouilla-t-il.

Cam émit un rire doux.

— Tu es beau même avec une barbe de deux jours, tu sais ? Et puis, je ne vais pas te jeter la pierre. 

— Ha, et tu sens rien avec tes gants en plus.

Cam se contenta de répondre d'un hochement de tête. Chris voyait bien à son expression que quelque chose le préoccupait.

[Il se demandait s'il allait m'embrasser ou non. La réponse est évidemment non puisque notre premier baiser fut hier soir. Mais lui autant que moi étions émoustillés par l'idée à ce moment-là, on ne va pas se mentir.
Sauf que la mention du crush de Cam a eu un effet dévastateur sur ma confiance en moi déjà vacillante.]

Les joues rougies...

[Et pas par le froid.]

... Chris recula d'un pas, en proie à une soudaine panique. Il ne pouvait pas laisser Cam l'embrasser ! Pas alors que la menace du vrai crush de son adorable voisin planait sur eux ! Non, il devait se cantonner à son rôle de faux petit ami. Profiter tant qu'il le pouvait et se préserver au maximum. Certes, il souffrirait quand Cam mettrait fin à leur fausse relation, mais, au moins, Chris pourrait se féliciter de ne jamais y avoir cru.

Même si ça lui faisait atrocement mal.



Chris, ou comment se prendre pour Cupidon à NoëlWhere stories live. Discover now