Chapitre 50

81 19 13
                                    

12 décembre

Le regard fixe et l'esprit vide, Chris attendait que la cafetière finisse de cracher son précieux liquide matinal. Même s'il n'avait pas eu besoin d'y assister de manière assidue, le live du samedi l'avait épuisé au point de dormir toute la soirée et une bonne partie du dimanche. Il avait été réveillé en sursaut par Lise aux environs de 13 h.

[Cam étant en visite chez ses grands-parents maternels, j'avais prévu de dormir toute la journée et ne me souvenais absolument pas du rendez-vous que j'avais organisé entre Lise et Lizzie. À cause de l'instabilité des sentiments de ma sœur (qui a fait son choix depuis!), Lizzie m'avait supplié de les accompagner. 

Laisser du temps à Lise pour y voir plus clair dans ses attirances ne la gênait pas, pour autant, elle ne tenait pas à souffrir et trouvait que ma présence était un bon garde-fou.

Pauvre de moi.

J'ai passé l'après-midi à les suivre en me languissant de Cam. Mais genre... vraiment. Je traînais des pieds, je soupirais, le nez en l'air, je laissais mes doigts caresser négligemment certains objets des étals du marché de Noël. Sérieusement, en dehors de mon anxiété sociale, j'étais mûr pour tourner dans un téléfilm de Noël. 

Affronter le monde sans un Cam de secours, c'est terrible. Mais bon, je leur étais redevable : entre ma fuite à Colmar et ma quasi-absence du live pâtissier, je ne pouvais pas vraiment leur refuser ça.

Alors j'ai enfilé mon armure de courage (une bière) et je les ai suivi au milieu des monstres (les touristes) sur une map infernale et mortelle (la Grand'Rue de Ribeauvillé). Heureusement pour moi, Lise et Lizzie m'ont assez vite exfiltré sur une map en difficulté « paisible » (un square presque désert) pour que je puisse récupérer mes points de vie (jauge sociale au ras des pâquerettes). 

J'ai ainsi pu assister, dégoûté et jaloux, à un flirt indécent. Et que je t'appuie sur le nez. Et que je te fais manger un marron. Et que je te remets ton bonnet droit. Et que je trouve ton regard superbe. Et que ton maquillage du jour est incroyable. Et que ta bouche parfaitement dessinée appelle aux baisers. 

Et puis, alors que je ne demandais rien à personne et que je me contentais d'agoniser en silence, la conversation s'est soudain focalisée sur moi.

"Au fait, Chris, Cam et toi vous êtes embrassés ? ». J'ai bien été obligé de répondre que non. Et de leur expliquer pourquoi. Et de rencontrer l'incompréhension totale de ma sœur. Lizzie, elle, a essayé de se mettre à ma place sans totalement y parvenir.

Et puis, Lise a lâché une phrase qui devait me poursuivre pendant plusieurs jours : « Mais attends, Cam accepte ça ? Je croyais qu'il était raide de toi, j'ai du mal comprendre. » Bien sûr, mon amie lui a fait les gros yeux. Mais moi et les décryptages sociaux, on fait deux et je n'ai pas tellement compris ce qu'elle essayait de faire passer par là.

Maintenant, je sais. Elle lui hurlait mentalement : non, ne dis rien qui puisse le renvoyer dans son déni, pitié, déjà qu'il entrave que dalle !

Je me suis retrouvé à leur proposer en bégayant de prendre des photos d'elles pour qu'elles me laissent tranquille. Et j'ai fait durer la séance jusqu'à ce qu'elles pensent à autre chose.

En résumé, j'ai saturé la mémoire du téléphone de Lise avec des photos de couple avant de décréter qu'il était l'heure de rentrer. Et pendant que nous retournions à nos vélos (oui, parce que j'ai refusé de prendre le volant malgré le froid et le vent glacial, il a donc bien fallu que nous pédalions jusqu'à Ribeauvillé. Ce n'est pas loin. a nous a fait notre sport.), les filles ont décidé que ce serait chouette, un de ces soirs, de faire un double date au cinéma. 

Chris, ou comment se prendre pour Cupidon à NoëlWhere stories live. Discover now