Chapitre 57

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18 décembre

Chris s'éveilla avec le sourire aux lèvres. Son corps le faisait délicieusement souffrir. D'une douleur diffuse, un peu gênante, mais d'autant plus supportable qu'elle lui rappelait de merveilleux souvenirs.

Cam émergea du sommeil presque au même moment.

— Hey... salut beau gosse... ça va ?

C'était comme s'il sortait d'un rêve. Nu, le bas du corps à peine recouvert par le drap, la tête posée avec nonchalance sur sa main tandis qu'il couvait Chris d'un regard amoureux. 

Mais ce dernier, plutôt que de s'en trouver rassuré, subit une soudaine vague de panique. Qu'allait-il se passer, à présent ? Reprendraient-ils chacun leur vie comme avant ? continueraient-ils cette fausse romance ? Ou bien était-ce le signe que Cam cherchait quelque chose de plus sérieux ?

[Il ne faut pas espérer que j'ouvre les yeux avant qu'il ne soit trop tard, parce que ça n'arrivera pas. C'est justement quand il a été trop tard et PARCE QUE c'était trop tard que j'ai ouvert les yeux.]

Face à l'attente de Cam, sa beauté, la subite pression qui pesait sur lui, Chris répondit n'importe quoi :

— J'ai mal.

Le sourire heureux de Cam se flétrit aussitôt. Concerné, le jeune homme se redressa pour étudier Chris sous tous les traits ; il avait pourtant essayé de se montrer aussi doux que possible.

[Il l'avait été, lui. Ma douleur ne venait pas du tout de là. Je ne suis juste pas un grand sportif, et nos activités nocturnes m'avaient filé des courbatures.]

Après un instant d'ébahissement, l'adorable voisin éclata de rire.

— Je ne m'attendais vraiment pas à ça ! 

— Tu... 

[tu avais compris quoi ? C'est ce que je m'apprêtais à demander, mais celle-là n'a pas été trop dure à déterminer tout seul.]

— ... oh ! Je vois ! Mais c'est pas logique, c'est plutôt moi qui devrais... Hey, ça va ce matin ? Pas trop mal ?

Une fossette creusa la joue de Cam pendant qu'il cueillait la joue de Chris dans sa paume.

— Je n'ai jamais été aussi bien de ma vie. J'ai été comblé !

— C'était pas parfait pourtant, le contra Chris en repoussant les draps pour se lever. Un café ?

Cam accepta d'un hochement de tête avant de s'extirper du lit à son tour. Il suivit Chris en silence et demeura à proximité tandis que la cafetière commençait à vrombir. 

— Tu sais, je n'ai jamais cherché la perfection. Ce n'est pas pour ça que je t'ai proposé cette histoire de fake boyfriend.

— Oh...

— Tourne-toi. Pas pour me regarder, mais pour que moi, je puisse te regarder.

Chris obéit, soudain crispé. 

— Tu vas me dire que maintenant, tu en as marre de cette fausse histoire, c'est ça ?

— Exactement.

Le cœur de Chris sombra en même temps que tous les espoirs qu'il nourrissait s'effondraient. 

[Le manque de confiance en soi fait des ravages.]

— Je vois... donc c'est fini, articula Chris avec difficulté. C'était... c'était chouette le moment que ça a duré.

Cam frissonna, leva la main pour caresser la joue de Chris. Tout en douceur. Tout en lenteur pour lui donner, une fois de plus, l'occasion de fuir.

— Je crois que tu es en train de mal interpréter ce que je suis en train de dire, marmonna-t-il. Alors maintenant, si tu le veux bien, je vais t'embrasser. 

[Bien évidemment, Cam ne s'est pas rué sur ma bouche comme dans les romances de Noël. Je n'ai pas non plus fondu face à ses grands yeux verts et ne me suis pas penché sur lui pour poser mes lèvres sur les siennes.

Non, non. Je suis resté dans le déni jusqu'au bout.]

— Hors de question ! 

— Si tu n'es pas prêt, je comprends, on peut prendre le temps, déjeuner avant et...

— Rien à voir. Je suis prêt, et j'ai envie de t'embrasser, mais c'est réservé aux couples et on est PAS un couple. On est même plus un faux couple ! 

Cam inspira profondément par le nez. Une fois. Deux fois. Il ferma les yeux une seconde. Puis il se pinça le haut du nez en expulsant l'air qu'il contenait dans ses poumons.

Mais rien de ce qu'il tenta ne parvint à lui faire garder son calme.

[Mon pauvre et adorable Cam avait atteint sa limite. Pousser au bout de sa gentillesse. Poussé dans les retranchements de sa patience. Il avait essayé tout ce qu'il pouvait pour me faire comprendre les choses avec tact et douceur...

Ne lui restait plus que la manière forte.

Celle qui pique. Celle qui poignarde. Celle qui te fait souffrir d'une manière horrible.

Je ne lui en veux pas : je l'ai bien cherché. Et même Cam ne pouvait pas prévoir que son éclat serait loin d'être le pire événement de mon week-end.]

— Chris. Il y a des limites à la connerie. 

— P... Pardon ?

Cam s'éloigna d'un pas lourd. Il récupéra ses vêtements, le visage fermé. 

— Je rentre chez moi.

— Mais... le café ?

— Bon sang, Chris ! Ouvre les yeux ! Je t'aime ! Je suis amoureux de toi depuis des mois ! Je sais, je sais, tu ne le conçois pas. Je sais, tu ne le vois pas. Je sais, tu te méfies des mots, mais bordel ! J'ai essayé de te le montrer ! Je n'arrête pas de te le montrer ! 

— C'est parce que... je pense... je... 

— Tu te méfies, je sais. Tu as peur de souffrir, je sais, mais en attendant, c'est moi que tu fais souffrir. Et là, je n'ai juste plus envie de souffrir. Alors j'abandonne. Bye. 

La porte se referma sur Cam. En douceur. Chris aurait préféré un orage que cette colère froide et glaçante. 

Il se sentait perdu. Il avait envie de courir après Cam, mais pour lui dire quoi ? Et comment ? Et puis, il ne pouvait décemment pas sortir nu dans la rue par cette température !

[Même s'il avait fait chaud...]

Et puis, il risquait de dire n'importe quoi à Came t de le rbaquer totalement. Peut-être même de lui faire prendre conscience qu'il avait tort d'être amoureux. Chris ne pouvait pas prendre ce risque : il devait demander conseil à ses amis avant. 

Mais alors qu'il cherchait son téléphone, Lise fit irruption dans le studio, le sourire aux lèvres.

— Hey Chris, mes potes sont arrivés ! Mais qu'est-ce que tu fous à poil ? 

[Comme je l'ai dit, l'éclat de Cam n'était pas le pire événement de mon week-end. Le pire venait tout juste d'entrer dans ma maison.]

Chris, ou comment se prendre pour Cupidon à NoëlWhere stories live. Discover now