Chapitre 59

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18 décembre

[Oui. Il était là. Il était bien là. En train de monter l'escalier, sur le point de refaire irruption dans ma vie en même temps qu'il ferait pour la première fois irruption dans ma chambre.

Mes dents grincent à ce souvenir. Honnêtement, là, je n'ai qu'une envie, c'est faire « avance rapide » jusqu'à aujourd'hui et oublier ces sept derniers jours. Mais je crois que j'ai suffisamment fait l'autruche ces temps-ci.

Allez, Chris, tu inspires un grand coup, tu te blottis contre Cam (quitte à devoir lui expliquer ce qu'il t'arrive... il va encore me regarder bizarrement si je lui dis « Écoute, chéri, j'ai décide de passer en revue ce qui nous a finalement poussé dans les bras l'un de l'autre et j'en suis à Côle. » Et ses dents vont grincer autant que les miennes !]

— Chris, je...

— Sors, exigea Chris. Sors et dis-lui de partir. Je refuse de le voir, je refuse de te voir, je refuse de voir qui que ce soit ! Je... je dois appeler Ely et...

Inquiet, Chardon se frottait contre ses jambes. Le corps agité de soubresauts incontrôlables, Chris se pencha pour le recueillir dans ses bras et enfouir son nez dans le pelage doux et chaud. Peu lui importait de finir sa phrase, il n'aurait pas su quoi dire de plus de toute façon. Il tourna le dos à Lise, lui signifiant que la conversation était terminée, et se dirigea vers son lit.

— Chris... je... d'accord. Je vais lui dire de partir. Et... je venais te dire que j'avais choisi Lizzie, à la base. Je suis encore plus contente de mon choix maintenant et...

— Je m'en fous. Dégage. 

Chardon miaula sous la caresse soudain énergique de son humain, mais le chaton ne s'extirpa pas de son cocon. 

Chris ferma les yeux. Compta les pas de sa sœur qui s'éloignait. Guetta le bruit si caractéristique de la porte qui s'ouvrait, puis se fermait en chuintant. Sauf qu'au lieu du cliquetis habituel de la clenche, un son sourd claqua dans la pièce silencieuse. 

L'estomac de Chris se noua. Ses épaules frissonnèrent. Dans ses bras, Chardon feula avant de filer se cacher sous le bureau.

[Du moins, c'est là qu'il se trouvait quand j'ai rouvert les yeux, une bonne dizaine de secondes plus tard.]

— Lise, je t'ai dit de partir, bredouilla Chris d'une voix pincée.

— C'est pas Lise.

Le frisson se transforma en souffle glacé et le malaise en nausée. Chris chancela, puis se retourna d'un bloc en battant des paupières.

Il était là. Devant lui.

Côle. 

— Côle, souffla Lise. Tu ne peux pas ! Sors de là et...

D'un geste ferme, Côlé ferma la porte... et la verrouilla. Le cœur de Chris se comprima dans sa poitrine. Il avait mal. Physiquement mal. 

Et pourtant, il ne pouvait s'empêcher de lorgner Côle. Ce visage parfait qu'il connaissait pour l'avoir regardé des heures sur son écran. Ce sourire enjôleur. Ces yeux noirs insondables. 

Avenant, Côle s'avança d'un pas. Chris recula : pourquoi donc son ex avait-il l'air si... gentil ?

— Je suis tellement heureux de te voir enfin pour de vrai, souffla Côle en réduisant la distance entre eux avant de l'étreindre.

Chris ne bougea pas. Ne dit rien. N'ouvrit même pas la bouche pour débuter une phrase. 

[Une autre de mes « fatals error ». Mon processeur ne fonctionnait plus, surchargé de trop d'émotions et d'information. Le départ de Cam. Ses sentiments pour moi. L'arrivée de Côle. Sa gentillesse alors que j'avais enfin réussi à me convaincre de sa toxicité.

Chris, ou comment se prendre pour Cupidon à NoëlWhere stories live. Discover now