P1 / Chapitre 8

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Margot épluchait les annonces de location d'appartement sans trop savoir ce qu'elle cherchait ni où elle voulait s'installer. Chacun assis à leurs bureaux, David jouait à un jeu sur PC, le casque sur les oreilles pendant que Fanny s'occupait de ses mails tout en échangeant par téléphone avec Hélène. Les deux femmes s'entendaient comme des amies, gérant ensemble les coulisses de la carrière de Florian. C'était une véritable entreprise familiale que les deux femmes menaient d'une main de maître. Si Florian était le visage et le personnage principal de l'aventure, ils avaient finalement tout construit tous ensemble. David se donnait à fond dans les montages qui le passionnaient clairement et ça se voyait dans chacune des vidéos. C'était impressionnant vu de l'extérieur. Elle s'attendait à ce qu'il y ait plus d'employés, comme dans une petite fourmilière. Mais ils étaient si complémentaires qu'ils suffisaient à faire que ça roule.

Tandis que le couple était concentré sur leurs activités, ils n'entendirent pas Florian frapper trois coups à la porte vitrée. Alors Margot se leva pour lui ouvrir mais il avait ses habitudes et ouvrit la porte le premier.


- Salut, lança Florian en entrant.

- Salut, tu t'ennuyais tout seul dans ton grand château ? dit-elle en plaisantant.


Se doutait-t-elle qu'elle était proche de la vérité ?


- En fait, il parla assez fort pour que Fanny et David l'entendent aussi, je vais me prendre à manger au drive, je voulais voir si vous en vouliez aussi ?

- Grave ! s'enjoua David qui avait enlevé son casque.

- Tu vas à Mcdo ou BK ? demanda Fanny.

- Je peux faire le tour, dites-moi ce que vous voulez.

- Mcdo pour moi, lança David, comme d'hab !

- BK !

- Et toi ? s'enquit-il auprès de Margot.

- Qu'est-ce qu'il y a d'autre dans le coin ?

- Vas-y avec lui ce sera plus simple, lança Fanny avant de reprendre Hélène qu'elle avait fait patienter au téléphone. Ta mère te dit qu'elles sont bien arrivées, ajouta la jeune-femme en se concentrant à nouveau sur son écran.


Florian regarda Margot, celle-ci haussa les épaules avant de prendre son téléphone et sa veste en jean.


- Je viens aussi alors !


Elle sortit pour rejoindre sa voiture et eut un temps d'hésitation. Elle connaissait cette voiture, c'était celle de David quand il avait passé son permis. La peinture avait juste l'air un peu plus fraîche.


- À partir d'un million d'abonnés vous êtes pas censés tous rouler en Tesla ?


Florian bascula la tête en arrière, amusé.


- J'essaye de rester original, je me contente d'une voiture qui roule.

- Je suis surprise qu'elle roule encore.

- Je conduis pas souvent, ce serait débile d'avoir une voiture hors de prix pour la laisser dans le garage.


Elle le regarda ouvrir sa portière sans rien dire. Cette réponse avait du sens, elle aimait sa logique. Si on oubliait le gigantesque manoir du bout de l'allée, il était loin des clichés qu'elle avait en tête à propos des Youtubeurs. Elle s'installa sur le siège passager et sentit son téléphone vibrer.


- Sauce chinoise en rab svp, j'aime pas les sauces BK, disait Fanny.


Et elle remarqua que le message venait d'un groupe Whatsapp dans lequel elle venait d'être ajoutée par Fanny. Il incluait David et Florian. Ce dernier découvrait le même message.


- Eh bien, dit-elle, je crois que je fais partie de la bande, ça y est.

- C'était déjà le cas non ?

- Disons que je refais enfin partie de la bande, précisa-t-elle.


Il fit oui de la tête en comprenant où elle voulait en venir. Et ils quittèrent l'allée pour prendre la route. La zone commerciale où se trouvaient tous les restaurants les plus proches était à presque 20km. Margot ouvrit sa fenêtre en grand pour accueillir l'air frais et regarder les paysages sombres défiler dans la nuit. Florian conduisait bien, un peu vite mais il restait concentré sur la route. Si bien que les deux ne se parlèrent pas, comme si ce n'était pas nécessaire. Comme ça arrive parfois dans les amitiés de longue date où le silence n'est pas un problème. Ils ne se connaissaient pas si bien que ça avant.

Ils s'étaient rencontrés peu avant de tourner cette vidéo pour Fanny et David. Elle venait tout juste de dire oui à la demande en mariage de Jon. D'accepter de le suivre dans son pays pour réaliser ses projets et ses rêves alors qu'elle n'avait toujours aucune idée des siens. Et avant que tout ne change, elle avait participé à cette journée incroyable, rencontré ce garçon joyeux à l'humour mordant. Le courant était vite passé entre eux. Elle s'était beaucoup amusée de sa déclaration enfantine, elle se souvenait de ses mots.

« Margot, je sais que j'ai que 15 ans, mais promis je suis grave amoureux, alors si tu veux bien m'attendre, je serai le meilleur petit copain que t'as jamais eu ! »

Rien qu'y penser la faisait sourire. Tellement qu'elle ne put retenir un petit rire qui n'échappa à Florian.


- Qu'est-ce qui te fait rire toute seule comme ça ?


Ils commençaient tout juste à apercevoir les lumières de la ville.


- Je repensais à ta déclaration, dit-elle en pivotant légèrement sur son siège pour se tourner un peu vers lui.

- Ah... on doit vraiment reparler de ça ?

- Je suis comme internet, j'oublie jamais rien.

- J'avais 15 ans, y'a prescription non ?

- Tu avais plus de courage à l'époque, tu as assumé jusqu'au bout.

- Et aujourd'hui y'a pas un jour qui passe sans que le vent souffle encore tellement tout le monde me rappelle ce moment de honte ultime.

- J'ai pas été si méchante, j'ai dit que tu étais trop jeune, c'était vrai.

- Mais tu m'as caressé la tête comme si j'étais un petit chien en me regardant avec pitié.

- J'ai pas fait ça !

- Si tu l'as fait !

- Je suis désolée, dit-elle sans pouvoir s'empêcher de rire malgré tout.

- Les gens ont pris cet extrait pour illustrer le concept de la friendzone, je suis le visage de la friendzone depuis une décennie, insista-t-il avec humour


Et Margot de rire plus fort, ses cheveux emportés par le vent frais.

Florian repensa à ses réflexions sur le bonheur. S'il devait être constant ou morcelé.

Il avait un début de réponse ce soir. L'instant était bref, elle s'arrêta de rire sans se défaire de son sourire et baissa les yeux sur son téléphone pour répondre à un message. Et ce rire, cet éclat de joie et cette complicité, c'était un pur instant de joie. Un morceau de bonheur qu'il pouvait ajouter à sa précieuse collection.

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