P4 / Chapitre 10

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Margot resta près de la porte, tendue après le départ de Fanny. Elle attendit que sa mère commence. Celle-ci se massait les mains, l'une puis l'autre, en cherchant ses mots.


- Je suis désolée pour ce que j'ai dit la dernière fois, sur Jon qui était mon gendre et le reste, c'était idiot.

- C'est pas grave, on oublie, lâcha Margot en espérant que c'était tout.

- Je t'ai déjà parlé de ma mère, quand tu étais plus jeune, n'est-ce pas ?


Sa voix trahissait son émotion retenue.


- Oui, mais ne reviens pas sur ça, commença Margot, plus douce en se rapprochant de sa mère.

- Je t'ai dit comment elle était et comment elle me faisait me sentir. Tout ce qu'elle était capable de dire sans jamais se soucier de l'impact de ses mots. Alors on sait toutes les deux que non, on oublie pas les mots d'une mère Margot.

- Tu n'as rien à voir avec elle.

- Mais parfois j'ai l'impression que si, avec toi surtout. Et quand je te regarde me fuir ou toujours éviter mon regard tu me rappelles l'enfant que j'étais...

- Je ne ...

- Si et c'est devenu tellement habituel que tu ne t'en rends même plus compte. C'est pas grave, je comprends. Et puisqu'on oublie jamais les mots d'une mère, n'oublie pas ceux-là d'accord ?


Margot sentit ses larmes monter en voyant celles de sa mère couler sur ses joues.


- Je ne suis pas douée pour te parler, tu ne ris jamais avec moi comme tu ris avec ton père ou avec ta sœur. Et je ne sais pas autant de choses sur ta vie que je le voudrais, ou plutôt si, je sais tout mais je n'apprends rien de toi. Mais tout ce que je sais m'impressionne. Je te trouve incroyablement forte et en même temps je regrette que tu ais eu besoin de l'être. Et je te trouve inspirante dans ta façon de tout recommencer comme si c'était facile, tu donnes l'impression que c'est facile. Et retomber amoureuse si pleinement, si ouvertement après ce que tu as vécu, je crois que je n'aurai jamais pu le faire. Je ne sais pas d'où te viens toute cette confiance, toute cette envie de vivre. Mais... elle posa ses mains sur ses épaules et déglutit pour essayer de contrôler sa voix, je suis impressionnée, d'accord ?


Margot lécha une de ses larmes au coin de ses lèvres et renifla comme une enfant triste avant de répondre.


- Je sais pas quoi te dire, dit-elle en rigolant sous ses larmes.

- Dis que si un jour je redeviens insupportable tu te souviendras plus de ces mots là que des mauvais, ok ?

- Oui, je suis pas prête d'oublier, confirma Margot en s'essuyant les joues avec le dos de ses mains.

- Ils vont croire que j'ai été horrible avec toi si tu sors dans cet état, viens là, dit-elle en la serrant dans ses bras.

- Tu vas m'étrangler et cacher mon corps pour qu'ils ne voient rien ? plaisanta Margot en se laissant enlacer.

- Mais non idiote, c'est un câlin.


Margot riait avec sa mère, sa tête posée sur son épaule.

Elle avait oublié... c'était triste à constater mais elle avait oublié la joie simple mais puissante de sentir le parfum de sa mère, ses bras autour d'elle, sa respiration et son cœur. Elle enlaça sa taille et redevint, juste un moment, une enfant.


- Tu sais que je t'aime même si je ne le dis jamais pas vrai ?

- Je sais mais ça fait plaisir de l'entendre.

- Je t'aime maman...


...


Fanny était restée debout dans la salle à manger, inquiète de savoir Margot et leur mère seules dans la cuisine. Mais ça faisait bientôt trente minutes et elle n'avait entendu aucun cri.

Et alors qu'elle s'approchait de la cuisine pour essayer d'espionner aux portes, elle entendit carrément des rires. Curieuse et surprise, elle entra dans la pièce et interrogea sa sœur du regard.


- Tu tombes bien, lança Margot, on a plus de gâteau, on peut prendre le tiens ?

- Vous allez bien vous deux ? demanda Fanny en sortant ses parts de gâteaux de son sac en papier.

- Ça va, confirma Margot avec un regard souriant pour sa mère.


Pourtant elles avaient encore les yeux rouges...


- Je peux avoir une fourchette moi aussi ?


Margot mit la sienne dans sa bouche pour libérer sa main et en sortit une qu'elle tendit à sa sœur. Elle aimait l'image de sa mère et sa sœur en train de manger le même gâteau à la fourchette, cachées dans la cuisine. Cette mère qui était plus du genre à leur conseiller de ne pas se resservir. Avec cette sœur habituée à fuir les pièces où elles risquaient de se retrouver seules.


- Les garçons vont croire qu'on les évites, s'amusa leur mère.

- Florian est en train de mourir de désespoir, presque 40 minutes qu'il n'a pas pu te voir et te toucher, tu le torture le pauvre, se moquait Fanny en s'asseyant sur la table de la cuisine.

- Il est tellement amoureux, il n'essaye même pas de s'en cacher un petit peu !

- Bon ça suffit vous deux, soyez contentes pour moi au lieu de vous moquer, protesta Margot, attendrie malgré tout.

- Tu sais qu'ils vivent déjà pratiquement ensemble ? Ils passent leur temps collés, plus que David et moi alors qu'on vit et travaille ensemble...

- C'est pour ça que tu ne veux pas quitter la ville ? comprit sa mère, regardant Margot s'empourprer.

- Peut-être, sa voix était si aiguë que Fanny pouffa de rire.

- Tu as raison, n'appelle pas la fille de ma coiffeuse, c'est pas le moment de partir. Et puis tu sais, juste une idée comme ça, être la femme de quelqu'un c'est pas forcément réducteur et limitant, j'ai passé toute ma vie d'adulte à être la femme de votre père et je n'échangerai mon existence contre aucune autre.

- Puis être la femme de Florian ça doit pas être inconfortable, renchérit Fanny, shopping illimité, voiture de luxe, manoir...

- Voiture de luxe ? reprit Margot, en pensant à sa voiture fatiguée.

- Mais il pourrait se le permettre, il en a les moyens, continua Fanny.

- Ne me mettez pas ce genre d'idées dans la tête, refusa Margot en riant, je deviens déjà accro à notre quotidien alors que ça ne va pas durer, non non non !

- Tu devrais vérifier que ses idées là ne sont pas déjà dans sa tête à lui, la taquina Fanny en dansant des épaules.

- Je m'en vais, s'amusa Margot en laissant le gâteau sur le plan de travail.

- Enfin pour ça il faudrait arrêter de ne penser qu'à tu sais quoi... criait presque Fanny en la voyant sortir dans le couloir.


Margot secouait encore la tête en avançant dans le couloir quand elle s'arrêta avec la sensation d'avoir oublié quelque chose d'important. Elle fit demi-tour et passa juste la tête dans l'ouverture de la porte.


- Maman, on pourrait s'appeler cette semaine ? Peut-être aller manger quelque part, toutes les trois ou toutes les deux ? 

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