Chapitre 67 - Evan

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J'avais vraiment besoin de me changer les idées.

Voir ma mère débarquer dans ma vie après presque vingt ans ne m'a pas laissé indemne.

J'aimerais que ce soit le cas. Je voudrais pouvoir dire que tout ça n'a pas d'importance. Que j'ai grandi, évolué... Et que tout ça est derrière moi. Mais ce serait mentir.

J'aurais bientôt trente-huit ans et pourtant, j'ai eu l'impression de redevenir un enfant tout à l'heure, face à elle.

Ça n'a pas duré longtemps. Une minute ou deux tout au plus. Mais cela a suffi à me déstabiliser.

Et j'ai détesté ça.

Nous avons à peine échangé quelques mots. J'étais trop sidéré pour pouvoir dire quoique ce soit. J'aurais pu m'attendre à mille choses. Mais pas à ça.

— Est-ce que tu vas mieux ?

Les yeux mi-clos, Zoé caresse mon torse du bout des doigts

Nous venons de faire l'amour et je dois reconnaître que oui, grâce à ça, je me sens mieux.

— Oui. Quand tu es à mes côtés, je vais bien.

Elle sourit et ouvre les yeux.

— Tu m'étonnes, vu ce que je viens de te faire.

— Est-ce que tu fais allusion à la façon dont tu as utilisé ta langue pour me détendre ?

Elle acquiesce fièrement.

— Je dois dire que ça a été vraiment efficace.

— J'ai cru comprendre...

Le sexe est thérapeutique. Il a le don pour faire disparaître les problèmes. Même si ce n'est que provisoire. Alors oui, j'ai choisi la facilité et j'ai évacué toute cette énergie négative pour nous faire du bien. Et je remercie Zoé d'avoir su encaisser ça. Dans tous les sens du terme.

— Zoé Carpenter, reine des pipes !

J'éclate de rire et elle aussi. J'adore la façon qu'elle a de toujours savoir détendre l'atmosphère. Tout est plus léger quand elle est là.

— J'irais t'acheter une couronne dès demain matin. C'est amplement mérité.

Elle se redresse contre moi et nous finissons par nous calmer après un bon moment passé à rire.

— Merci, dis-je en mêlant mes doigts avec les siens.

— Merci de quoi ?

— D'être toi.

Elle se love contre moi et je profite de sa tête posée sur ma poitrine pour savourer son parfum.

— Je t'aime, Evan. Tu as fait énormément pour moi ces derniers mois. Alors si je peux te rendre ne serait-ce qu'un tout petit peu la pareille... Je le ferais.

J'aurais difficilement pu trouver des mots plus agréables à entendre que ceux-là et je me sens vraiment soulagé à l'idée que Zoé soit là pour m'aider à faire face.

J'imagine qu'elle attend des réponses, mais elle a la délicatesse de ne pas mettre le sujet sur la table. Pourtant, je sais que je vais devoir en parler avec elle. Je ne veux pas garder ça pour moi seul. Et Zoé mérite de savoir.

— Ma mère veut faire partie de ma vie. De notre vie. À Sofia et à moi.

Après la journée que je viens de passer, je me dis qu'il est préférable d'arracher le pansement d'un coup net.

Elle semble surprise et un peu hésitante.

Je lui ai tout raconté sur ce que nous avons vécu, enfants. Les placards vides, mes parents drogués au milieu du salon, le désordre... Elle est au courant de tout. Y compris du fait que j'ai éloigné Sofia pour la sauver de tout ça.

Alors j'imagine à peu près ce qu'elle doit être en train de se dire. Que tout ça n'augure rien de bon.

— Est ce qu'elle est ...?

Elle ne termine pas sa phrase, mais je sais où elle veut en venir.

— Clean ? Oui. C'est ce qu'elle m'a dit, mais je ne sais pas si je peux la croire.

La plupart des souvenirs que j'ai d'elle ne sont pas glorieux, mais j'ai aussi en mémoire quelques beaux moments de lorsque j'étais vraiment petit.

Je ne sais plus quand exactement les choses ont commencé à mal tourner... Plus ou moins à la naissance de ma sœur, je crois. Ou un peu après... Toujours est-il que oui, elle m'a semblé clean.

Mais d'une part, je n'en suis pas sûr. Et d'autre part, ça ne change rien au fait qu'elle et mon père nous ont fait vivre un enfer.

— Tu as discuté avec elle ?

Je secoue la tête.

— C'est tout ce qu'elle a eu le temps de me dire. Ou presque. Je ne voulais pas qu'elle voie Sofia alors je l'ai emmenée un peu plus loin, mais je n'étais pas prêt à lui parler. Honnêtement, je ne suis même pas certain de me souvenir de ce qu'elle m'a dit. C'est comme si j'étais à des kilomètres d'elle.

Zoé caresse doucement ma main et sa douceur m'apaise. Cette situation me semble irréelle.

— Je peux comprendre ça. Mais si vous avez à peine parlé... Qu'est-ce que tu as fait pendant le restant de l'après-midi ?

— Je suis allé marcher jusqu'au bord du lac et j'y suis resté jusqu'à la tombée de la nuit. J'avais juste... besoin d'y voir plus clair.

— Et ça t'a aidé ?

— Pas vraiment. Je ne sais pas quoi penser.

— Est-ce que tu as un moyen de la contacter ?

— Elle m'a dit qu'elle résidait au Mayfield. Qu'elle y serait pendant deux jours.

— Et pour Sofia ?

— Elle m'a juré de ne pas aller la voir. Je ne l'aurais pas laissé faire de toute façon. Il est hors de question que son retour fiche la vie de ma petite sœur en l'air.

— Tu comptes lui en parler quand même ?

— Je... Je suis complètement perdu Zoé. Nous n'avons échangé que quelques mots... mais elle m'a semblé sincère. Et puis... ai-je le droit de décider à la place de Sofia ? Je l'ai déjà fait pour elle il y a dix-neuf ans...

Les doigts de Zoé se resserrent davantage autour des miens.

— Eh, tu as pris la bonne décision à l'époque. Sofia ne t'a jamais reproché de l'avoir éloigné de vos parents. Tu lui as probablement sauvé la vie.

Je sais qu'elle a raison, mais dans ma tête les choses se bousculent. Je ne lui ai même pas demandé ce qu'est devenu mon père. Est-ce que je veux le savoir ? Je ne sais pas... Je ne suis plus sûr de rien.

Ou plutôt si. Je pose une main sur le ventre de Zoé.

— Je ne laisserai jamais personne faire de mal aux femmes de ma vie.

Une seule nuitWhere stories live. Discover now