Chapitre 68 - Zoé

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J'ai encore du mal à croire que la mère d'Evan soit là.

Lui et moi en avons longuement discuté cette nuit.

Il est bouleversé par son retour.

Ce qui est tout à fait compréhensible, à vrai dire.

Qui ne le serait pas dans ce genre de situation ?

Chacun à notre façon, nous devons faire face à des problèmes liés à nos parents... Mais j'avoue qu'à sa place, j'ignore si je serais capable de lui pardonner.

Depuis toutes les révélations qui m'ont été faites sur ma conception, je me suis interrogée moi aussi sur le fait d'accorder mon pardon à mon père biologique de ne jamais s'être manifesté.

Pour mon bien a-t-il dit à Mariana...

La vérité c'est que je ne sais pas si je lui en veux ou non.

Il était loin d'avoir le titre de père idéal, mais au final, je crois que j'aurais aimé pouvoir choisir si je voulais qu'il fasse partie de ma vie ou pas.

Quant à mes parents, une partie de moi leur reproche aussi de m'avoir caché la vérité.

J'imagine qu'ils avaient leurs raisons. Et à vrai dire, en l'absence de certaines pièces du puzzle, il m'est difficile de juger... Mais le fait de découvrir la vérité à presque trente ans aurait pu me rendre dingue.

Et je me demande s'ils ont pensé à ça un jour quand ils ont choisi de ne rien me dire.

— Je vais le dire à Sofia.

Evan interrompt le flot de mes pensées tandis que je grignote dans la cuisine.

— Qu'est-ce que tu vas lui dire ?

— Que notre mère est là. Elle mérite de savoir. Je sais que j'ai fait le bon choix il y a des années en l'éloignant, mais aujourd'hui c'est une adulte et elle a le droit de décider de ce qu'elle veut faire ou non.

J'espérais qu'il prendrait cette décision. Je pense que c'est important que Sofia puisse avoir connaissance de la présence de sa mère ici. Elle a le droit de choisir, elle aussi.

Et puis Carter est là pour la soutenir. Et je sais qu'il veille sur elle comme Evan le fait depuis si longtemps.

— C'est la bonne décision.

— Je l'espère. Mais je me dis qu'elle a Carter maintenant. Elle n'est pas seule. Et il veillera sur elle. Il ne laissera rien lui arriver.

— C'est marrant, je me disais exactement la même chose.

Evan me sourit et vient me prendre dans ses bras.

— Qu'est-ce que je ferais sans toi ?

— Mmmmh... tu dormirais mieux la nuit ?

Il rit avant de m'embrasser.

— Certainement. Mais on ne va pas se mentir... Je préfère un million de fois avoir une nuit agitée parce que tu décides que faire l'amour à trois heures du matin est une bonne idée plutôt que de dormir tout du long.

— Dans ce cas, comptes sur moi pour ne pas te faire perdre le rythme, dis-je en lui lançant un clin d'œil plein de promesses. Ça va bien se passer. Je te le promets.

Il acquiesce silencieusement avant de repérer sur le plan de travail les esquisses que j'ai dessinées pour la boutique de Rory.

— Qu'est-ce que c'est ?

— Oh ça ? Rory m'a dit qu'elle avait envie de refaire la déco et j'avais deux ou trois idées alors...

Il regarde le tout avec un œil attentif et visiblement satisfait.

— C'est superbe. Tu es vraiment douée.

— Tu dis ça parce que tu es amoureux.

— Non. Je dis ça parce que c'est le cas !

— Rory est emballée.

— Elle a raison de l'être, ce que tu as dessiné là... c'est du travail de pro. Tu l'as montré à tes frères ?

— Non, j'ai fini ça tôt ce matin.

— Tu devrais leur montrer. Au moins à Connor pour commencer. C'est la première fois que tu fais ce genre de choses ?

Je hausse les épaules.

— Plus ou moins. Enfin j'aime bien, tu sais... faire des plans, dessiner et imaginer ce que ça pourrait donner, ce genre de trucs... Mais je n'ai pas vraiment eu d'occasions de m'exercer ailleurs.

— Ça te plairait ? De pouvoir le faire ailleurs ?

— Je ne sais pas trop, mais... je pense, oui. J'aime bien donner vie aux idées des gens.

Plus Evan et moi en discutons et plus cela me semble logique. C'est vrai que j'ai toujours été attirée par tout ça, mais sans jamais pouvoir réellement le développer. Travailler pour Rory serait ma première vraie expérience dans le domaine et ça me permettrait sans doute de voir si l'idée que je m'en fais colle à la réalité.

Quand les choses ont commencé à se débloquer pour moi et que les nuages ont laissé place à un ciel plus clément, j'ai envisagé de reprendre mes études d'infirmière. Mais depuis quelque temps, cela me semble moins évident.

Au final j'ai vécu presque deux ans et demi à accompagner mes parents dans leurs maladies et leurs fins de vie respectives, et je ne suis plus certaine d'être prête à replonger dans tout ça.

J'adore bosser pour Rory, mais elle-même le dit, elle ne veut pas me voir faire carrière en tant que vendeuse et elle est persuadée qu'il faut juste que je trouve ce que j'ai envie de faire.

— Et bien, je ne veux rien t'imposer. Mais ce que tu as fait là mérite d'être vu. Alors si tu en as envie, je te conseille de le faire. Dans le pire des cas, tu n'as rien à perdre si Connor n'aime pas. Et de toute façon, si ça plaît à Rory, elle le mettra en place et il suivra. Il ne lui refuse absolument rien et elle a appris à en user habilement.

Je ris parce qu'il y a quelques jours, elle me tenait à peu près le même discours.

— Je vais y réfléchir. Promis. Quand est-ce que tu comptes en parler à Sofia ?

— Je me suis dit qu'on pourrait faire ça ce soir. À la maison. Voir ça tous les quatre avant d'en parler aux autres.

— C'est une bonne idée. Et pour Abby ?

— On ne lui dit rien, me répond-il immédiatement. Pas encore. Et peut-être jamais selon la façon dont les choses évoluent...

— Je comprends.

Evan a raison de se montrer prudent. Même si sa mère a de bonnes intentions, lui n'est pas certain d'être en mesure de lui pardonner alors il vaut mieux y aller doucement.

Mais le fait de mettre Sofia au courant me semble primordial et le plus tôt sera le mieux.

Une seule nuitWhere stories live. Discover now