Chapitre 3: Nuit blanche

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Le réfectoire, somptueuse pièce circulaire sous un dôme de verre, était éclairée par un immense lustre de plusieurs mètres de haut où les flammes de millier de bougies vacillaient pour illuminer tous les balcons. Il traversait les trois étages de mezzanine où des tables rondes se côtoyaient dans l'attente que les élèves s'y installent. D'autres étaient disposées au rez de chaussé autour de l'estrade centrale sur laquelle mangeaient les professeurs. La lumière déclinante du soir nous parvenait pas les vitraux colorés qui perçaient les murs des différents étages.

Un plateau en bois nous était distribué à l'entrée et nous pouvions le remplir en faisant le tour des buffets qui bordaient l'étage inférieur. Je suivais Charline avec attention qui semblait savoir quoi faire. J'enviais sa facilité à improviser dans des moments comme celui là. Le premier comptoir exposait les assiettes et les couverts. Le deuxième était destiné aux entrées, puis suivaient les plats et les desserts. Il y avait une dizaine de choix différents sur chaque présentoir, un pour chaque régime alimentaire certainement. Je remarquai alors que chaque espèce semblait avoir ses préférences. Viande pour les Fenrir, salade pour les Elfes. J'éprouvais un certain embarras dans ce nouvel environnement plein d'inconnus dont certains appartenaient à des races dont je n'avais jamais entendu parlé, tel que ce géant qui dépassait tous les élèves d'un bon mètre.

Les assiettes étaient remplies par des Elfes. Je fus surprise qu'ils soient restés en poste alors que la bataille des rosiers sanglants avait mit fin à leur esclavage 25 ans plus tôt.

À bien regarder autour de moi, j'étais la seule élève suivie par un chat. Mon seigneur Kigrat trottinait à un mètre derrière moi et contemplait, lui aussi, notre nouvelle salle à manger. Il ne me quittait pas d'une semelle depuis que nous avions quitté la chambre.

Je m'assis à l'une des nombreuses tables du rez de chaussé, niveau attribué aux premières années, du moins c'est ce que j'en conclu en vue des élèves qui s'y étaient installés. Elle était déjà occupée par Charline et quatre autres Nymphes que nous connaissions du premier cycle. Le matou prit ses quartiers sur les genoux de l'un d'elles, Mathilde, dont les cheveux châtains encadraient son visage rosé orné d'un cristal vert assorti à ses yeux. Il avait choisi cette place car elle était une Nymphe du vivant. Leur capacité à vivre en communion avec la nature leur donnait la chance d'être très appréciées de tous les animaux. Elle nous demanda si nous étions contentes de nos camarades de chambre. Je répondis que malgré ma déception d'être avec Charline, cela me convenait. Ma colocataire me gratifia d'un coup de coude et désigna une table à gauche de la notre.

— En tout cas, les deux autres ont l'air de bien s'entendre.

En effet, Sam et Lise mangeaient ensembles et semblaient bien s'amuser. Mathilde, voyant la scène, esquissa une grimace.

— Je ne suis pas encore familière avec tout ce monde autour de nous, ils sont tellement différents. On ne nous habitue pas à ça à Tolane. Je ne sais pas encore comment interpréter les unions interraciales.

— Moi en tout cas, dit Charline, je m'unirais bien au Fenrir qui se la joue ténébreux là bas.

Je regardais dans la direction qu'elle indiquait et constata qu'un Fenrir à la carrure impressionnant venait de se changer en forme humanoïde pour entrer dans la salle à manger. Il était brun, avec les cheveux en bataille et les yeux bleus. C'était le seul élève dont le visage à la peau mate était décoré d'une barbe de quelques jours. Il portait son uniforme totalement débraillé après s'être rhabillé à la va-vite à l'extérieur mais ne le réajusta pas pour autant. Il regarda vers nous et toute la table détourna la tête rapidement. Mathilde demanda quel avis avait la mère de Charline sur les unions entre différentes espèces.

— Tu plaisantes, la fille de la grande prêtresse qui sortirait avec un Fenrir, ma mère me liquéfierait sur place.

— Ta mère est la grande prêtresse, demandais-je?

— Et le prix pour la Nymphe la plus à côté de la plaque revient pour la 4ème année consécutive à... Ethyléne! Tu te moques de moi? ça fait trois ans que nous sommes amies et tu n'as jamais fait le lien? Tu ne l'as pas reconnu tout à l'heure?

— Je n'en savais rien, elle ne venait pas te chercher à la sortie de l'école et je ne suis jamais allée au temple, admis-je.

Elles avaient bien dû s'apercevoir que je n'assistais jamais aux cérémonies mais je leur avouais que mon père trouvait que c'était une perte de temps. Ma mère, quant à elle, n'était pas vraiment dans son élément en société. Sans compter qu'elle n'affectionnait pas particulièrement les cultes, surtout dans un temple bondé, hormis peut-être celui du tissu au marché de Kadoff. En plus, les jours de prières, les rues de Tolane étaient désertes et les clients un peu « originaux » de mon père choisissaient souvent ces dates pour venir passer commande discrètement.

— Mais ta soeur, me demandèrent mes camarades, elle veut bien devenir prêtresse?

— Oui, elle aura ses résultats demain d'ailleurs, mais je ne la suis pas partout vous savez.

Ce n'était pas tout à fait vrai. Ma soeur et moi avions une relation assez fusionnelle et nous essayions de passer un maximum de temps ensemble, elle était ma meilleure amie. Mais depuis qu'elle avait entreprit de devenir prêtresse pour les premiers cycles, elle n'avait pas beaucoup de temps à m'accorder et je n'avais pas voulut l'accompagner au temple, de peur de la déconcentrer, ou même de faire une ânerie et de lui faire honte.

À ce moment là, un Zarwing de 3ème année se dressa dernière moi.

— Tu es Ethyléne DeTolane?

Surprise, tout d'abord, par son imposante carrure de lézard, puis dans un deuxième temps, qu'il connaisse mon nom, je répondis simplement:

— Oui.

— Tu es convoquée chez la directrice Valdès demain à 8 heures.

Visiblement, la mère de Charline avait vu juste, cela me confortait dans l'idée que mon intégration ne serait pas des plus facile. En tout cas, la rentrée commençait bien...

De retour dans la chambre 306, la conversation aller bon train de chaque côté de la pièce. Mais, alors que Charline tentait de coiffer mes cheveux, Sam et Lise discutaient dans leur coin. Elles ne semblaient pas vouloir que l'on se joigne à leur conversation mais il fallait avouer que nous ne faisions pas d'efforts non plus.

Au moment de dormir, quand les lumières furent éteintes, je me rendis compte qu'une lumière rouge émanait des yeux de Lise. Chaque fois qu'elle clignait des paupières, la lumière rouge s'éteignait un instant, cela ne perturba pas Monseigneur Kigrat qui ronronnait à mes pieds. Je dus attendre qu'elle s'endorme pour trouver le sommeil à mon tour.

La nuit fut courte. Le matelas n'était pas des plus confortable et j'angoissais à cause de mon rendez vous chez la directrice. De plus, le seul des doux rêves dans lequel j'aurais pu m'évader fut interrompu par le bruit de la porte et le retour de la lumière rouge. L'année allait être longue si je me réveillais baignée de cet éclat chaque fois que Lise allait aux toilettes. Sans compter que Charline ronflait. Je me sentais loin de chez moi et éprouvais un étrange sentiment de nostalgie en songeant à la rentrée précédente. Je n'avais ressentie aucune inquiétude à revenir dans une école que je connaissais bien et dans laquelle j'avais mes habitudes, sachant quels seraient les élèves et les professeurs qui m'accompagneraient tout au long de l'année scolaire. Il était surprenant de constater qu'à chaque nouvel événement de nos vies, l'inconnu nous effrayait au point de regretter des choses qui ne nous importaient absolument pas par le passé.

Puis, songeant à ma soeur qui devait bien moins dormir que moi dans l'attente de ses résultats, je me fis une raison en me forçant à fermer les yeux et à me répéter que tout se passerait pour le mieux.

Emmerson école pour futurs Guerriers, Mages et DiplomatesWhere stories live. Discover now