chapitre 23: rumeurs

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Sam et moi marchions en silence jusqu'à la porte de la directrice.

— Mademoiselle DeTolane, attendez là, dit-elle en me désignant le banc, vous serez la suivante. L'Elfe d'abord.

J'attendais patiemment, dans le couloir sombre et glacial, sur ce banc usé et froid, en espérant attendre le reste de ma vie. Puis, mon attention se focalisa sur l'inscription au dessus de la porte du bureau.

« La gloire d'une école ne dépend que de ses élèves ».

Je me demandais bien quelle gloire j'apportais à Emmerson alors que c'était la quatrième fois que je me retrouvais à attendre sur ce banc en un seul trimestre. La troisième fois étant après la deuxième inondation qui avait interrompu un cours de Monsieur Asimaria. ça me faisait une convocation par mois. Bonne moyenne.

La porte s'ouvrit et Sam en sortit, tête baissée, sans même m'adresser un regard.

— Ethyléne DeTolane.

Je me tassai sur moi même. Pris mon courage à deux mains pour me lever et rentrai à petits pas, suivie de Monseigneur Kigrat. Je m'assis sans un bruit, tendant d'éviter de croiser le regard de la directrice.

— Ethyléne, je voudrais que ce soit claire, vous fréquentez qui vous souhaitez en dehors de cet établissement. Mais Emmerson est une école de renommée mondiale, et non pas un lieu destiné à vos comportement lubrique. D'autant plus lorsqu'il s'agit d'une union inter-raciale. À partir de maintenant, vous serez surveillée.

De tout évidence par Lise.

— Et si j'apprends que vous et cette Elfe avaient de nouveaux contacts, des mesures seront prises.

La curiosité me tarauda.

— Lesquelles?

— Elle changera immédiatement de chambre et j'en informerai vos parents.

Je n'étais pas d'une nature rebelle mais ces mots eurent l'effet d'un décharge électrique, est-ce qu'elle me menaçait? La colère me prit.

— Qu'est ce qui vous dérange le plus au juste? Que ce soit une union inter-raciale ou qu'il s'agisse d'une Elfe et d'une Nymphe? Auriez-vous mis en place les mêmes mesures si j'étais sortie avec une Mendrid ou un Fenrir? Informez donc mes parents, j'ai étudié la révolution Elfe, je serais curieuse de voir comment les contacts de la famille DeTolane réagiraient en apprenant que j'ai subi les conséquences d'un acte raciste envers une Elfe.

C'était du bluff, de la pure frime. J'espérais que la simple évocation du nom de mon père marcherait car, si je lui en parlais, il s'en moquerait totalement. Au mieux, il rirait. Contrairement à Madame Valdés à cet instant précis. Ce ne fut pas à moi qu'elle lança un regard de braise (au sens propre en temps que Nymphe de feu) mais au chat. Celui-ci regardait le plafond, intrigué par une mouche. La directrice revint à moi, le front plissé.

— Dehors, ordonna-t-elle en montrant la porte!

Lorsque j'arrivais en cours de corps à corps, je fus accueillie sous les applaudissements de mes camarades, certains garçons me félicitèrent même.

— Se faire chopper dans le lit d'une fille! C'est un exploit dont personne n'avait encore eu l'audace à Emmerson!

J'appréciais sans l'avouer cette notoriété soudaine, je la savourais, sachant qu'elle ne durerait pas. Tous m'applaudirent, même Dimitri. Tous, à l'exception d'Alex.

La nouvelle de nos exploits avaient rapidement fait le tour de l'école. Malheureusement, quand je sortis de cours pour aller manger, le même accueil ne m'était pas réservé. Finit les applaudissement, il laissèrent place à des chuchotements dans les couloirs et les regards étaient braqués sur moi. Mon assurance momentanée retomba petit à petit à mesure que les visages se montraient plus hésitant, entre le dégout et la colère. Je luttais de toutes mes forces pour que mon sort de téléportation ne se déclenche pas sans mon autorisation. Quand je rejoignis Sam dans la file d'attente de la salle à manger, ce fut pire.

Les gens autour de nous, surtout les Asimes pour être honnête, ne prenaient plus la peine de chuchoter. Ils parlaient à heure voix et distinctement. On entendait un bruit de fond constant.

« Racinar, racinar, racinar »

C'était oppressant, presque étouffant. C'était leur but, nous faire comprendre que nous n'étions pas les bienvenues dans leur monde. Ils voulaient nous faire ressentir le même malaise qui les dérangeait en notre présence.

Sam baissait la tête, mais moi je ne me sentais pas coupable. On ne choisit pas de qui on tombe amoureux, et pour ceux qui ne comprenaient pas ça, qui n'avaient jamais eu la chance d'en faire l'expérience, de ressentir ce que je ressentais quand Sam me prenait dans ses bras, j'étais bien triste.

Aussi, j'attrapais Sam par la taille, l'amenai contre moi et l'embrassai devant toute l'assemblée. Le silence se fit dans la foule, une voix seulement s'exclama. Celle de Charline.

— Et ouais les blaireaux, faut regarder le coeur des gens quand on tombe amoureux, pas le code génétique!

Elle nous soutenait et j'en étais ravie. Lise quand à elle, derrière Charline, me fusilla du regard. À ma grande surprise, Sam eu une expression similaire avant de quitter la file d'attente.

La journée se déroula de façon similaire.

Le soir, en entrant dans la chambre, l'Asime qui partageait les lieux vint vers moi. Je l'arrêtai tout de suite d'un signe de main.

— Ose prononcer un seul mot de justification et je te montre ce que l'on apprend en cours de corps à corps.

Sam, elle, n'avait toujours pas ouvert la bouche et, quand vint l'heure de dormir, nous restions toutes les deux dans nos lits respectifs.

Le lendemain matin, je trainais volontairement pour me préparer. J'attendis que les filles désertent la chambre pour parler à Sam. Elle avait prit du retard elle aussi mais cela semblait plus dû à la fatigue et à un parfum de tristesse qu'à l'idée de rester seule avec moi. Je me glissai derrière elle, mes mains sur ses hanches, je déposai un baisé dans son cou. Elle continua de faire son sac comme si de rien était. Je laissai donc l'approche réconfortante de côté et me hissai pour m'assoir sur son bureau. De toute évidence, il y avait un problème, je voulais qu'il soit exposé clairement, qu'elle formule des mots pour lui donner de la matière. Il était plus facile pour moi d'affronter un problème à la manière dont on affronte un ennemi: clairement exposé. Voilà pourquoi je voulais qu'elle lui donne corps.

— Qu'est ce qu'il se passe?

— Rien.

— Sans blague, ironisai-je.

J'aurais peut-être dû éviter le sourire en coin sur ce coup là. Elle jeta son sac sur le lit, croisa les bras sous sa poitrine et me fixa. Ses yeux étaient emprunts d'une colère que je n'avais entraperçus qu'une seule fois: quand Alex l'avait insulté de Racinar.

— Parce que toi, t'as pas peur, demanda-t-elle sur un ton qui ne donnait pas envie de répondre? La directrice menace de nous renvoyer et toi, tu te la joues grande déléguée de la cause Racinar en me roulant un patin devant tout le monde!

Je déglutis, elle me faisait presque plus peur que la directrice. Je tentai de me montrer assurée.

— Ne t'inquiètes pas, elle ne nous fera rien. Un acte raciste envers une Elfe ne lui ferait pas une bonne réputation.

Elle me repoussa si vivement que mon postérieur percuta le bureau. Je n'avais pourtant pas souri cette fois-ci.

— Alors c'est ça! Rajoutes-en en plus! Maintenant tu es aussi le porte parole des Elfes!

— Sam, calme toi...

Je dis ça calmement en posant une main sur son épaule. Mauvaise idée. Je manquai de me la prendre en plein figure.

— Lâche moi!

Elle quitta la pièce en claquant la porte. 

Emmerson école pour futurs Guerriers, Mages et DiplomatesWhere stories live. Discover now