Emmerson école pour futurs Guerriers, Mages et Diplomates

chapitre 22: grillées

La vie allait bon train à l'école Emmerson. Sam et moi formions un couple, même si nous préférions le cacher. Nous ne savions pas ce que les autres élèves pourraient penser d'une relation « Racinar ». Alex et Nico me soutenaient en cours de corps à corps, Charline changeait de petit ami toutes les semaines, bien qu'elle se rendait souvent à des rendez vous avec Alex pour « composer une chanson digne de ce nom » celon ses dires. Malgré deux inondations involontaires, mes cours de magie de l'eau se passaient mieux que ceux de magie du feu. Malheureusement, je ne m'intégrais pas plus dans cette classe ci, notamment par la faute d'Emilie, une nouvelle camarade qui n'était autre que la meilleure amie de Sarah. Elle était blonde et toute fine, elle n'avait pas une personnalité aussi forte que son amie mais semblait vouloir copier tous des faits et gestes, en commençant par mon humiliation publique dès que l'occasion lui était donnée. Les Nymphes de cette école n'aimaient pas partager leur spécialité avec les Nymphes du vide, à croire que l'on ne méritait pas de contrôler leur élément.

Il ne restait qu'une semaine avant les vacances d'hivers et j'étais impatiente de passer le réveillon de la nouvelle année avec ma famille.

Le premier soir de la semaine, après le repas, Sam et moi nous retrouvions en cachette derrière l'internat des filles. Il n'y avait là qu'une porte fermée à clef où personne n'allait jamais. Malgré le froid hivernal, nous étions allongées dans l'herbe, ma tête appuyée sur son ventre, nous regardions les étoiles.

— Hé regarde, dit Sam! Il y en a une qui clignote.

En effet, l'une d'elle était rouge, se déplaçait dans le ciel et s'éteignait de temps en temps.

— Elle nous fait un clin d'oeil, répondis-je distraite en jouant avec ses doigts dans ma main.

— Tu crois que c'est des gens dans l'espace?

— Oui, je suis sure qu'il y a un mec là haut, qui n'a rien d'autre à faire que d'épier nos faits et gestes. ça doit plutôt être un Asime qui vole, ça me parait plus plausible.

— T'as raison, répondit Sam. Les Asimes sont bizarres.

Elle se mit elle aussi à jouer avec ma main, plaquant sa paume contre la mienne en détournant ses yeux du ciel pour les observer unies. Je continuais la conversation sans même écouter ce que je disais.

— Sans blague. Tu te souviens de Lise réclamant de la magie noire à la soirée dans la forêt? Genre, la magie démoniaque n'est pas assez flippante comme ça. Tu lui en as revendu depuis?

— Non, dit-elle en refermant ses doigts sur les miens. Je n'en vends pas. J'en ai acheté comme ça, juste pour me rappeler ce que ça faisait, mais c'est tout.

— Je préfère ça, je ne suis pas fan des yeux tous noirs, j'ai déjà du mal à m'habituer aux oreilles pointues, la taquinai-je.

Elle me donna un petite tape de protestation puis m'attira vers elle pour m'embrasser. Ses lèvres étaient douces, je ne m'en lassais pas.

— Alors comme ça, tu n'aimes pas les Elfes noirs?

— Pas particulièrement.

Je l'embrassais à mon tour.

— C'est officiel, me confia-t-elle. Tu es l'inverse de Lucie.

Je me redressais, sourcils froncés, pour mieux la considérer.

— Lucie? C'est qui Lucie?

— Mon ex.

C'était la première fois depuis que je la connaissais qu'elle évoquait ce nom. Je rectifiai ma posture, mon dos devins plus droit qu'une porte.

— La rupture difficile qui t'as fait redoubler, demandai-je?

Elle hocha la tête en signe de confirmation. Je voulus cacher ma jalousie.

— C'est marrant, je pensais que c'était Alex.

Je retombai sur le dos, les yeux fermés et la main derrière la tête, comme si de rien était. Comme si elle ne venait pas d'évoquer une relation passée qui l'avait chamboulé au point de mettre en péril ses études. Elle ne sembla rien remarquer.

— T'as cru que j'étais sortie avec Xander? T'es sérieuse? Si j'avais dû prendre un chien, je l'aurais choisi propre. Non, si il ne m'aime pas, c'est justement à cause de Lucie.

Je ne pris pas la peine de répondre. J'attendais la suite sans vouloir la réclamer non plus.

— C'était une amie de Xander. Plus que ça même, c'était comme une soeur pour lui et une Elfe noir aussi. Elle vendait de la magie noire à toute l'école. Elle m'en donnait à moi aussi mais un jour, j'ai voulu m'arrêter. ça n'a pas dû lui plaire parce qu'elle m'a quitté peu de temps après.

— « C'était »? Pourquoi le passé?

— Parce qu'elle ne donne plus de nouvelles, à personne. Elle n'est pas venue passer les examens de fin d'année après les vacances de printemps. Il y a une rumeur comme quoi elle serait en prison. Il y en a une autre qui dit que ses parents l'ont chopée et lui ont interdit de revenir ici. Et ton super pote Alex est super froid avec moi parce qu'il fait partie de ceux qui pensent que c'est moi qui l'ai dénoncée.

— Et c'est vrai?

— Lucie avait ses défauts c'est sûre, et ses addictions, mais je l'aimais sincèrement et de tout mon coeur. J'aurais été incapable de lui faire ça.

— Et maintenant, demandai-je un peu anxieuse après l'avoir entendu déclarer son amour pour quelqu'un d'autre?

— Et maintenant, j'ai une petite Nymphe qui anime le truc qui bat dans le côté gauche de mon thorax.

— Quel poésie...

Elle rit et je l'accompagnai de bon coeur. Elle m'embrassa à nouveau quand la cloche annonça qu'il fallait rentrer pour aller dormir.

Nous avions prit l'habitude elle et moi que l'une rejoigne l'autre dans son lit. Ce soir là, c'était à moi de me déplacer. J'attendais que Charline s'endorme et quand ses ronflements ne laissaient plus planter aucun doute et que Sam grattait le bois de son armoire pour me signaler que Lise dormait aussi, j'attaquais une mission d'infiltration.

Je traversais la chambre sur la pointe des pieds et me glissais furtivement sous les couvertures. Nous échangions un baisé rapide et je me collais à elle pour nous endormir. Le chat venait s'installer entre nous, bien au chaud. Je le soupçonnais d'être jaloux. Il finissait toujours par repousser Sam afin que nous ne soyons pas trop proches.

Cela avait beau faire trois mois que nous jouions cette petite comédie, cela me faisais encore bizarre d'avoir le droit de la toucher. Le contact de sa peau me brulait, un sensation agréable, grisante. J'étais bien, sa main dans la mienne.

Mais ce soir là, la nuit fut courte.

Cela ne faisait que quelques minutes que j'avais changé de box quand les miaulements de Monseigneur Kigrat me réveillent. Une lueur rouge m'éblouie quand mes paupières s'ouvrirent.

Lise, debout, bras croisés, au milieu de la chambre, nous observait.

Ne souhaitant qu'une chose à cet instant précis: ne pas être vu dans ce lit, le sort se déclencha de lui même.

« Baslava »

Je me retrouvai dans mon lit.

J'entendis Sam se retourner dans des draps pour faire face à notre colocataire.

— Bravo, t'as réussi à la faire flipper Démoniaquila, adressa-t-elle à l'attention de Lise.

— Qu'est ce que vous faisiez?

— On dormait, répondit Sam d'un ton neutre comme si cela lui paraissait totalement logique.

Lise n'ajouta rien, mais je savais que cette histoire ne s'arrêterait pas là.

Le lendemain même, au petit déjeuné, à peine avions nous franchi le seuil de la salle à manger que la directrice Valdés nous désigna du doigt du haut de l'estrade centrale.

— Vous deux, dans mon bureau, immédiatement.