chapitre 9: Racinar

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Je m'apprêtais à retourner dans ma chambre après le diner quand Dimitri me rattrapa sur le chemin de gravier blanc.

— Hé, Bleu c'est ça?

Il me fallut deux bonnes secondes pour réagir.

— Oui.

— Je pourrais savoir pourquoi un mage élémentaire veut faire du corps à corps, demanda-t-il avec dédain?

Malgré le fait qu'il m'ait mit KO à deux reprises dans l'après-midi, je remarquais avec le recul qu'il n'était pas très grand mais surtout squelettique. Cela rendit mes défaites d'autant plus vexantes. Je répondais à sa question par un haussement d'épaules.

— Retourne faire des potions, dit-il. Les mages n'ont rien à faire dans ce cours.

— Lâche moi, je veux juste rentrer.

— Ce n'est pas parce que tu es la soeur d'Iode que tout t'est permis. Les Nymphes ont déjà tout les pouvoirs dans ce pays, restez en à ce que vous savez faire.

Il me poussa.

— Dimitri, mais de quoi tu parles?

Il me poussa une deuxième fois. Il était très énervé. Et, sans que je puisse comprendre pourquoi, plus il s'agaçait, plus je le trouvais maniéré. L'Elfe agitait ses grands membres maigrichons comme s'il en avait perdu le contrôle. Sa voix se perdit dans les aigus pour prononcer de nouvelles insultes que je ne pensais pas mériter. Il souffla sur l'une de ses mèches de cheveux blonds trop courts pour être attachés.

— Dimitri, arrête ça, dis-je d'une voix qui se voulait grave pour montrer ma détermination.

Il me poussa une troisième fois et là, sa colère fut mienne.

— Ecoute minus, à ta place je voudrais faire en sorte que je reste dans ce cours parce que vu ta dégaine, je suis la seule contre qui tu as une chance.

Il pinça les lèvres et se prépara à me donner un bon coup de pied. J'eus beau essayer de l'esquiver, je finis au sol quand même. La voix de Sam retentit derrière moi.

— Dimitri, il me semble que tu as mieux à faire.

S'en suivit un grondement de loup. De gros loup noir. Mon agresseur se refroidit soudain. Il souffla une nouvelle fois sur la mèche devant ses yeux en crachant une menace en l'air. Il fixa d'abord le loup en lui lançant un regard de défi puis tourna les yeux vers Sam. Il eut une petite hésitation mais ne voulait en rien s'opposer à elle. Il finit par faire demi tour et me laissa tranquille.

Ma sauveuse m'aida à me relever puis jeta un regard noir à Alex qui avait réactivé son masque. Elle me sourit et prit la direction de la salle de repos. Alex me prit dans ses bras.

— Pas besoin de cours supplémentaires, tu as le répondant qu'il faut.

La fatigue accumulée de la journée, accompagnée de la douleur dans chacun de mes membres me fit fondre en larmes dans ses bras. J'éprouvais un mélange étrange de sentiments. C'était confus. Un cocktail d'énervement et d'attachement. Alex avait beau me rendre folle à vouloir à tout prix que nous devenions amis, à cet instant, j'étais bien dans ses bras. J'y trouvais un refuge où me protéger de cette école qui me méprisait. Puis, quand ses lèvres s'approchèrent des miennes pour m'embrasser, mes sentiments confus n'étaient plus confus du tout. Je le repoussai avec force.

— Alex! Mais ça ne va pas!

— Tu te fous de moi, cria-t-il? C'est moi qui ait un problème? Tu viens pleurer dans mes bras et tu veux me faire croire que je ne t'intéresse pas? T'es qu'une allumeuse en fait!

— Ce n'est pas contre toi...

— Ouais, c'est l'Elfe hein! C'est Sam. Je t'ai vu lui faire tes yeux de biche.

— Alex, je suis fatiguée...

— Ben rentre chez toi, et lâche moi! T'es pas la première à qui elle retourne le crâne. Débrouille toi toute seule si tu veux jouer les héros avec ton armure de naze.

Il frappa contre le mur et partit en grognant. Je choisis de retourner à l'internat. J'étais tellement perturbée par toute ce qu'il venait de se passer que je mis quelques minutes à retrouver ma chambre. Charline entra peu de temps après moi et me trouva debout, face à mon lit. Je regardais mon oreiller me narguer comme s'il voulait me faire comprendre que sa journée avait été meilleure que la mienne. Mon amie me demanda si ça allait. Elle compris sans un mot et vint me faire un câlin. Qu'est-ce qui nous avait amené ici? Nous étions si bien en premier cycle...

Sam entra à son tour, telle une furie. Elle traversa la chambre, repoussa Charline sur le lit, m'attrapa par le col de mon armure et me projeta contre l'armoire. Charline écarquilla les yeux. Quand elle ouvrit la bouche, Sam hurlait presque.

— Alors ça y est! Une Elfe est sympa avec toi cinq minutes et toi tu dis à qui veut l'entendre que je veux te sauter dessus!

— Hein?

— Joue pas les innocentes! Ton super pote Alexander vient de me traiter de Racinar devant toute la salle de repos!

— Euh... Je ne sais pas ce que ça veut dire, je n'ai pas compris.

— Oh oui t'as mal comprit! Comment tu as pu croire une seconde que je pouvais m'intéresser à une fille aussi égocentrique et immature que toi! T'es qu'une gamine! Je te déconseille de m'adresser la parole à nouveau.

Elle voulut claquer la porte pour parfaire sa sortie mais Lise la retint en entrant. Je restai sur place, encore sous le choc. Charline me regarda dans l'attente d'une explication. Je tentai de me la jouer cool.

— Egocentrique et immature, tu crois qu'elle parlait de mon armure?

Lise pencha la tête de notre côté de la chambre et demanda qui était Racinar.

— Je ne sais pas ce que ça veut dire, admis-je.

— C'est quelqu'un amoureux d'une personne d'une autre espèce. Ce n'est pas toujours bien vu, expliqua Lise.

J'entendis Charline ricaner derrière moi.

— Oulala, s'amusa-t-elle, mais c'est que tu me caches des choses petite Bleu.

Je voulus changer de sujet en demandant depuis quand elle m'appelait comme ça.

— Je trouve que ça te va bien. Et puis c'est très amusant de voir à quel point ça te déstabilise d'avoir un surnom. Qui plus est quand celui-ci t'es donné par la belle Sam...

Elle rigola à gorge déployée et partie se déshabiller de son côté de la chambre.

Monseigneur Kigrat, qui était passé je ne sais où, revint avec une lettre dans la bouche. J'attrapai l'enveloppe portant mon nom et reconnu l'écriture maladroite de Tristan sur le parchemin qu'elle contenait.

« Cher Titi,

Alors ce deuxième cycle? T'as trouvé un Nain pour me remplacer comme futur gendre? J'ai apprit que ta soeur avait rejoint ma mère au temple, roh les pauvres gamins qui vont devoir se la coltiner... Comme je t'envie d'être à Emmerson. C'est trop la galère en premier cycle... J'en ai marre de faire des calcules et d'étudier la littérature. Aujourd'hui, j'ai prit une retenue parce qu'en physique, on étudiait je ne sais quel théorème bidon, et lorsque mon prof m'a demandé de finir la phrase: « Tout corps plongé dans l'eau... » j'ai naturellement répondu « ...ressort mouillé ». Une punition pour ça! C'était même pas faux ce que j'ai dit! À quoi ça va me servir sur un champs de bataille de savoir que si je pousse un gars à la flotte il va faire monter le niveau de l'eau sérieux? Mais j'ai trouvé les cahiers de stratégie militaires de mon père au grenier. Je vais les bosser à mort et dans deux ans, quand je te rejoindrai, je vais avoir des notes de ouf!

Bref, fais pas trop de bêtises.

Zoux.

Tristant. »

Mon seigneur Kigrat miaula à mes pieds, il attendait la réponse. Je m'installai à mon bureau et mentis. Je n'avais pas envie de ternir l'image radieuse d'Emmerson que Tristan avait en tête. Je terminai tout de même par « PS: ça te servira à ne pas te noyer en traversant une flaque », avant de donner la lettre au chat.

Emmerson école pour futurs Guerriers, Mages et DiplomatesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant