chapitre 47: le bal

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Les filles, pressées d'aller je ne sais où, couraient partout dans les couloirs de l'internat. Sam s'habillait dans la salle de bain pendant que Charline m'aidait à coiffer mes cheveux. Lise avait juste enfilé une robe sobre et lisait sur son lit.

Ma colocataire me fit un chignon serré, avec deux petites mèches encadrant mon visage. Quand elle eut terminé, je me levai et tournai sur moi même, dans la robe que m'avait confectionné ma mère, pour lui faire admirer le résultat. Elle souffla.

— Cette coiffure serait beaucoup plus appréciée si tu n'avais pas des bleus partout, ronchonna-t-elle.

— Oui, mais je ne pense pas que le chaman de l'infirmerie accepte de les faire disparaitre pour que ça me rende plus sexy.

— À moins que...

Charline tapa son point dans sa main gauche.

« Apelaterra »

Le cri d'une fille résonna dans le couloir. Qu'avait-elle fait?

Mathilde entra dans la chambre en faisant claquer la porte contre le bureau de Lise. Elle criait en brandissant un caillou en l'agitant sous le visage de Charline, toujours assise en tailleur sur son lit.

— C'est trop difficile de crier mon nom dans le couloir? Non! Il faut que tu lances des rochers sur les gens pour communiquer!

— C'était urgent, rétorqua la Nymphe de Terre. Regarde Bleu.

Mathilde se tourna vers moi. Elle m'examina de la tête aux pied avec le même air que Charline. Était-ce du dépit?

— En effet, dit-elle, ton surnom te colle à la peau. Voilà à quoi ça mène de vouloir jouer les guerrières, on a aucun charme en robe du soir.

Elle s'approcha, passa ses mains sur mes bleus en récitant une incantation en boucle.

« restoralapo quelesandisparaitason retrouvalafermetté sombraladouleur revenirlacouleur dispraitlamarque »

— Splendide, dit-elle en même temps que Charline. La dernière fois que j'ai essayé ça sur quelqu'un, les marques avaient seulement viré au vert.

Charline vint la rejoindre, se posta à ses côtés. Elles croisèrent toutes les deux les bras en hochant la tête de haut en bas avec un air satisfait. Elles me contemplaient d'un regard fière, celui que l'on réserve à son oeuvre, j'étais un tableau qu'elles avaient façonné.

Sam entra à son tour.

Elle portait une robe prune, ses cheveux étaient détachés mais ceux du haut étaient rassemblés en une tresse qui retombait dans son dos. Elle avait maquillé ses yeux qui ressortaient d'avantage.

Elle était sublime.

Elle posa son regard sur moi, me détailla à son tour de la tête aux pieds, les lèvres entre ouvertes. Je prenais ça pour un compliment.

— Magnifique, commenta-elle me faisant rougir.

— T'es pas mal non plus, m'amusai-je pour cacher mon embarras.

Nous restions là, immobiles, à nous contempler.

Charline mit fin au silence.

— Mais oui, tu es magnifique, toi aussi t'es très belle et moi je suis d'enfer. Vous pourriez arrêter de vous dévorer du regard? Il y a des célibataires ici.

— Et d'autre qui pensent toujours que Bleu ne sortira pas indemne de ce couple, ajouta Lise dans son coin.

— On ne t'a pas sonné toi, lui envoya Charline.

Voilà qui était étrange. Non pas que Lise fasse des commentaires désagréables mais que Charline soit sans cavalier.

— Tu ne vas pas au bal avec Alex, m'étonnai-je?

Elle jeta un regard en coin à Mathilde.

— On a décidé que le bal serait plus cool entre copines.

Cette réponse ne m'étonna pas. Depuis que nous étions enfants, elle nous avait toujours fait passé avant les garçons avec Mathilde.

Nous descendîmes dans la cour pour rejoindre la salle à manger. Les garçons sortirent à leur tour. Alex portait un costume bleu nuit aux broderies argentées qui remontaient jusqu'à son col relevé sur une chemise blanche et un pantalon droit. Il était d'une élégance qui lui était rare.

La salle à manger était décorée de centaines de bougies sur d'immenses chandeliers posés sur les tables. Elles avaient été poussées sur les côtés ou remonté dans les mezzanines pour laisser la place à une piste de danse, juste devant la scène, habituellement destinée au professeur, sur laquelle des musiciens avaient prit place au fond de la salle. Lorsqu'ils commencèrent à jouer pendant le repas, petit à petit, les élèves se levèrent pour rejoindre la piste.

Sam se mit debout et me tendit sa main pour m'inviter à nous joindre à eux. J'acceptais avec joie.

Elle me fit tourner sur moi même puis posa son autre main sur mes hanches. Elle aurait fait cela en début d'année scolaire, j'aurais fait un malaise, mais maintenant... Notre relation était sincère et empreinte de complicité. Je valsais dans ses bras, oubliant le monde qui nous entourait. Seules ses yeux comptaient. Elle les plongeait dans les miens, un sourire accroché à ses lèvres. Tout ce qui m'appartenait était à elle. Je lui aurais donné tout ce qu'elle aurait voulut. J'existais à travers elle. Je n'aurais pu rêver d'endroit plus confortable que ses bras. Heureuse, je ne l'avais jamais été à ce point, rien n'aurait pu gâcher ce moment.

Elle se pencha doucement à mon oreille, continuant à tanguer au rythme de la musique.

— Bleu, je t'aime.

Je reculais un peu pour mieux la considérer. Son sourire s'était amplifié. Je ne pus me retenir de l'embrasser. Des regards s'étaient surement braqués sur nous en cet instant mais j'étais loin de m'en soucier. Je reprenais mon souffle à ses lèvres.

À la fin de notre baiser, je m'aperçus qu'en effet, beaucoup d'élèves nous regardaient. Des professeurs aussi, notamment Monsieur Sodiar qui semblait en rire et la Directrice Valdès qui, elle, ne rigolait pas du tout. Je n'en avait que faire. Mais un regard, tout de même, me troubla. Celui de ce Mendrid étrange qui ne savait pas s'habiller. Il était au fond de la salle, appuyé contre le mur, les bras croisés. Ses yeux n'évoquaient aucun sentiment. Il nous observait comme on regarde une pièce de théâtre. Sam l'avait remarqué aussi.

Elle perdit toute retenue et traversa la salle pour le rejoindre en me tirant par le bras.

— Il y a un problème, lui demanda-t-elle sur un ton qui n'incitait pas à la contre dire?

— Aucun, répondit le garçon.

— Je crois que si, ajoutai-je envers Sam pour lui montrer Charline qui courait en talon haut dans notre direction.

Ce fut à mon tour de la tirer par la bras pour rejoindre notre amie.

— Les filles, dit la Nymphe de terre essoufflée, Lise s'est éclipsée. Je l'ai suivi de loin, elle est partie derrière l'internat des filles.

Une ombre passa sur le visage de Sam. Elle avait comprit elle aussi, c'était le moment. Nous allions enfin savoir ce que l'Asime trafiquait. Je demandai aux filles de prévenir Alex et de me retrouver là bas. Je tapai dans mes mains.

« Baslavas »

Emmerson école pour futurs Guerriers, Mages et DiplomatesWhere stories live. Discover now