Emmerson école pour futurs Guerriers, Mages et Diplomates

chapitre 8: professeur préféré

Je courus à travers la cour jusqu'au réfectoire. Là, une longue file d'attente s'était déjà mise en place avant que les portes ne s'ouvrent. Sam était au milieu. Je jouai des coudes jusqu'à elle. Je lui tendis l'arc, elle me sourit. Ce sourire valait tout les remerciements du monde, c'était le plus beau que je n'avais jamais vu, comme si tous les autres sourires n'étaient que de pâles imitations.

- T'es mon héros, feu de détresse.

Je sentis la chaleur me monter aux joues, je devais déjà être écarlate mais quand elle me fit un bisou sur la joue, je préférai faire demi tour avant de virer au pourpre, fusionnant ainsi avec mon armure.

Je rejoignais ma soeur l'esprit léger. Un simple contact avec Sam m'avait donné des ailes, c'était dingue de ressentir ça. Iode proposa:

- Pique-nique en forêt ou on rentre manger à Tolane?

Nous échangions un simple regard, elle répondit elle même à sa question.

- Pique-nique en forêt.

Durant le repas, assises sur une pierre, elle me raconta son concours, sa rentrée la veille au soir, ses nouvelles colocataires au temple. Elle était très fière de son nouveau rôle au sein des montagnes Nymphes. L'éducation des premiers cycle n'était pas rien. Elle avait désormais, en plus de la mission de faire découvrir le monde à de jeunes Nymphes, participer à toutes les cérémonies, aux réunions décisives pour l'avenir de notre communauté, peut-être même qu'un jour elle pourrait prétendre à un poste de haut rang dans notre hiérarchie. J'étais contente pour elle, mais une question me taraudait.

- Iode, pourquoi tu ne m'as jamais expliqué à quoi correspondait la magie du vide?

- C'était beaucoup plus marrant comme ça. Personne ne m'avait expliqué à moi. Tu t'es fait convoquer chez la directrice? Elle a traité Cécilia d'incompétente? T'as choisi quoi comme cours?

Elle prenait cette histoire à la rigolade. Moi, je me sentais trahie. On m'avait caché des choses importantes qui auraient pu me permettre de m'améliorer.

- A ton avis, demandai-je, pourquoi Cécilia et Maman ne nous en a jamais parlé?

- Connaissant Maman, elle a surement oublié. Et puis tu sais, comme elle n'a jamais connu ses parents et qu'elle a grandi toute seule, je ne suis même pas certaine qu'on lui ait expliqué à elle. De toute façon, elle n'utilise la magie que pour se déplacer. Pour Cécilia, je ne sais pas. On est censé enseigner les maths et l'orthographe en premier cycle, ce n'est pas vraiment au programme... Si j'ai des Nymphes du vide comme élèves, je te promet de leur dire, je serais la meilleure des prêtresses!

Son explication tenait la route, j'oubliai souvent que notre mère n'avait pas eu une enfance aussi joyeuse que la notre. Si nous n'avions jamais manqué de rien, elle avait manqué de tout.

Une heure plus tard, Iode me ramena devant le portail d'Emmerson par téléportation. Je me présentais à mon premier cours d'histoire enseigné par le professeur Zing. Je ne connaissais que Lise dans cette classe. N'ayant pas vraiment envie de m'assoir à côté d'elle, je m'installai aux côtés d'une Zarwing qui se présenta sous le nom de Kenza. Une fois encore, j'étais la seule Nymphe.

Le professeur Zing arriva avec un peu de retard. Il portait une immense pile de livres. Il traversa la salle en en posant un devant chaque élève. « Histoire Géographie deuxième cycle première année par le professeur Zing, professeur à l'école Emmerson sous la direction de Céléstine Valdés. » J'étais bluffée. Iode m'avait dit qu'il était bon, mais de là à avoir écrit lui même notre manuel...

Je n'avais encore jamais examiné un Zarwing d'aussi prés. J'en avais croisé quelques uns au détour d'un couloir ou dans une salle bondée depuis la veille. J'avais mangé avec un ou deux clients de mon Papa à la maison, mais n'avais jamais vraiment osé les observer. Fixer les gens n'était pas convenable mais surtout très embarrassant lorsqu'ils vous surprenaient. Cependant, là, au premier rang, assise sur le même banc que l'une d'entre eux, je pouvais discerner chacune de ses écailles grises et humides. Monsieur Zing, fièrement dressé sur ses pâtes arrières un peu repliées, devait mesurer un mètre soixante. Je compris enfin pourquoi les bancs de nos pupitres n'avaient pas de dossier. Il aurait été difficile, pour les élèves comme Kenza, de s'assoir et laisser retomber la massive queue écailleuse de plus d'un mètre qui terminait leur colonne vertébrale s'il en avait été autrement. Ma camarade magnait habilement la plume entre ses trois doigts griffus, tels de petits cônes d'ivoire apprivoisés. Monsieur Zing avait posé, sur son long museau allongé, une petite paire de lunettes devant les fentes verticales qui laissait voir ses yeux ambrés. Sa grande bouche contenait deux rangés de dents pointues, acérées, tranchantes, similaires à celles des dessins de dragons que j'avais pu voir dans les livres. Elles auraient pu être qualifiées d'effrayantes si elles ne laissaient pas passer une langue fourchue qui le faisait zozoter.

Lorsqu'il parlait, même si, à mon grand regret, notre premier cours était un cours de géographie, il était passionnant.

Il nous expliqua que notre monde était divisé en six territoires. L'empire de Bolirme (notre pays) à l'ouest, celui de Bilel à l'Est, les deux étant des pays Mendrids dont le notre avait Cassant pour capitale et l'autre Solam. Au sud, c'était le royaume Asime. A l'Est de Bilel, séparé du continent pour la mer Pourpre, une île avait été attribuée aux Elfes. Au nord de Bolirme, le pays de Zibor, pays Zarwing habitait la montagne interdite. Au centre de tout cela, siégeait les Terres Maudites.

Bien sur, je connaissais déjà ces cartes. Je savais que les Nymphes, Nains et Fenrirs n'avaient pas de pays officiels. Mais, même si les montagnes Nymphes appartenaient à Bolirme et que nous étions sous l'autorité de l'empereur de Cassant, celui-ci laissait Tolane être le centre des activités Nymphes et la grande prêtresse gérer son peuple. Toutefois, ces explications contées pas le professeur Zing, parsemées d'anecdotes improbables, étaient beaucoup plus intéressantes que tous les enseignements que l'on m'avait donné dans ma vie. Nous étions tous penchés sur nos pupitres à boire chacune de ses paroles. Je ne regrettais pas un instant d'avoir choisit sa matière.

Quand la cloche retentit pour annoncer la fin du cours, j'étais presque déçue. Je retournais à l'internat sans enthousiasme, avec l'espoir de trouver un peu de réconfort dans les pages de mon livre d'histoire.

Sam arriva peu de temps après et me remercia sincèrement pour l'arc.

- Il est génial! Parfaitement équilibré. J'ai fait les meilleurs tirs de ma vie! Où l'as tu trouvé?

- C'est une des pièces ratées de mon père.

- Ratée? Si ça c'est raté, je voudrais bien voir ses plus grandes oeuvres! Qui est ton père?

- Tim DeTolane.

Ses épaules retombèrent.

- J'ai eu entre les mains une arme forgée par Tim DeTolane... Mais c'est trop bien!

Elle voulut me le rendre mais je lui dis qu'elle était à elle. La jolie brune sera l'arc contre elle et me remercia encore une fois.