chapitre 38: Drakis

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Les couverts tintaient dans la porcelaine comme un troupeau de bêtes à sabots dans un couloir en marbre. Le bruit des casseroles que l'on change sur les buffets, les conversations des élèves enthousiasmés par de nouveaux commérages, le raclement des chaises sur le parquet, tout ce vacarme devenait étouffant en bas du réfectoire. Et pourtant, de là où nous étions, tout ce tumulte nous paraissait lointain. Sam avait réussit à nous dégoter une table dans la mezzanine la plus haute, souvent réservée aux troisièmes année. L'ascension des deux escaliers avec nos plateaux remplis avait été des plus périlleuse mais ça en valait la peine. Nous dominions toute la salle, tout en étant comme cachés, bien à l'abris des autres élèves.

L'un d'entre eux pourtant vint nous déranger. Il me signala, entre deux pauses pour reprendre son souffle, que désormais, mes cours particuliers se dérouleraient dans la salle 314 et en armure. Je demandai où elle se situait. Le garçon haussa les épaules et redescendit à sa table. Je me tournai vers les autres, même réponse. Alex se gratta l'arrière de la tête.

— Je crois que c'est une salle en haut de la tour Nord-Ouest, sous l'horloge multi-directionnelle. J'avais un copain qui y allait pour bécoter sa copine l'an dernier. Je me demande si se n'était pas avec ta soeur d'ailleurs.

Je lui donnai un coup de coude dans les cotes qui eut pour seul effet de le rendre encore plus hilare.


Le lendemain, à 14 heures, je montais donc les escaliers en colimaçon de la tour Nord-Ouest. La plupart de mes cours avaient lieu au rez de chaussé, dans les salles d'entrainement, je n'avais pas l'habitude de monter autant de marches, encore moins en armure. J'étais à bout de souffle lorsque j'arrivais devant une petite porte en bois indiquant le numéro 314. J'eus une pensée émue pour mon messager de la veille. Le chat, lui, me lança un regard inquisiteur pour l'avoir obligé à trimballer son gras jusque là.

Je poussai le battant qui grinça sur ses gonds. La pièce était circulaire. L'absence de mobilier la faisait paraître immense. Le tic-tac de l'horloge au dessus des poutres résonnait contre les murs en pierres. Le seul élément qu'elle abritait était un fauteuil supportant le poids de Monsieur Sodiar assit dessus.

Mon professeur m'expliqua que nous étions dans une salle inutilisée. Emmerson, le fondateur de l'école, la destinait aux élèves. Tout le monde y avait accès pour en faire ce qu'ils souhaitaient, mais aucun d'eux n'en demandait jamais la clef. C'est pourquoi elle était désormais ouverte constamment, au cas où quelqu'un la trouverait par hasard. J'avais envie de lui dire que, d'après Alex, certains lui avaient trouvé une utilité, mais j'avais déjà compris pourquoi monsieur Sodiar l'avait choisie, vide et inutilisée.

— Vois-tu, avoua-t-il, je pense que maintenant que tu maitrises la méditation, il serait temps de passer à la pratique. Mais si tu ne réussissais pas du premier coup, je préfère ne pas faire de dégâts dans l'amphithéâtre. J'ai longtemps bataillé avec madame Valdés pour pouvoir y faire cours.

Dans un premier temps, il me demanda de faire un sort de téléportation d'un bout à l'autre de la pièce. À ma grande surprise, je réussis du premier coup. Le professeur Sodiar me félicita.

— Très bien! Maintenant, passons aux sorts d'attaques. Drakis, appela-t-il en frappant dans ses mains.

Un flash rouge m'éblouit et une énorme bête à cornes apparut. Monseigneur Kigrat partit se cacher derrière le seul meuble de la pièce. Un démon, un énorme démon, j'étais horrifiée.

— Je te présente Drakis, mon démon. Je ne tiens pas à ce que tu t'entraînes sur moi.

Je restais bouche bée devant cette créature inonde. Mon attention se porta d'abord sur ses pattes, aussi hautes que moi, aussi larges que Tarib et munies de trois griffes qui pourraient m'éviscérer en un mouvement. Elles étaient au nombre de six pour soutenir son corps fait de muscles et recouvert d'une sorte de carapace munie de pics. Elle s'arrêtait à son cou, lui même relié à sa tête. Une tête qui a elle seule devait peser deux fois mon poids et qui ne possédait pas moins de deux bouches aux crocs assurés qui dégoulinaient de baves. Ses yeux reflétaient une haine aussi nocive qui l'odeur qui émanait de l'ensemble. Toute la peau qui dépassait de la carapace était d'un rouge sang et luisait à la lumière d'une façon telle qu'on aurait bien dit qu'il en était recouvert, de sang... J'eux un haut le coeur. Je tentais de ne pas montrer devant ce démon que la peur enserrait mon estomac dans une tenaille.

— Mais... Monsieur... Comment... Je croyais qu'on ne pouvait pas se téléporter de l'extérieur à l'intérieur de l'établissement.

Il me sourit.

— On ne peut rien contre le lien entre un Asime et son démon. Ils nous suivent où ils souhaitent. Passons à l'entrainement.

J'eux beau me concentrer sur Sam comme lors de mes méditations, face à cet animal/créature répugnant, mes pouvoirs refusèrent catégoriquement de m'obéir. Le professeur Sodiar me libéra au bout de trois heures. Je vomis dans l'escalier.

J'espérais qu'il renonce et me fasse retourner à la méditation mais il n'en fit rien. Sam ne supportait plus que je sois malade après chaque cours particulier. Aussi, un soir, elle m'invita à rester un weekend à Emmerson pour que l'on aille s'amuser à Kadoff. 

Emmerson école pour futurs Guerriers, Mages et DiplomatesWhere stories live. Discover now