chapitre 46: une jambe sur un toit

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— Ce que je donnerai pour que tu aies le vertige, fis-je remarquer à Alex alors que je regardais la vingtaine de mètres qui nous séparaient du sol.

Il échauffa ses bras en faisant des moulinés dans l'air. N'avait-il vraiment aucune peur? Nous étions tout de même sur le toit de l'aile Est de l'école, ou plus précisément sur la petite arrête d'à peine vingts centimètres de large au sommet de la toiture.

— Maintenant que tu as réussi à courir assez vite pour sauter le ruisseau, il te faut plus de motivation pour le dernier jour d'entrainement.

« Le ruisseau », j'avais plutôt songé à une rivière tumultueuse lorsque j'avais dû sauter en comprenant qu'Alex ne me rattraperait pas cette fois ci.

Alex se mit en garde sans même me prévenir et m'attaqua. J'esquivai l'attaque avec un mouvement de recule. C'est vrai que j'étais devenue plus agile, il n'était peut-être pas si fou que ça. Il tenta un autre coup que je bloquai puis tenta un coup de pied. Je sautai pour passer au dessus. J'aperçu une faille dans sa garde et en profitai pour le frapper au ventre. Il tenta une contre attaque, j'esquivais en me servant de son poids pour rester sur le toit. Et ainsi, nous continuions pendant plus d'une heure à tenter de faire voler l'autre par dessus les ardoises qui nous entouraient. Bien sur, si l'un de nous était tombé, l'autre l'aurait rattrapé. Mais la simple idée que l'on se rate suffisait à nous motiver pour rester debout à tout prix. Quand je pris de l'élan pour m'appuyer sur ses épaules, passer au dessus de lui et le faire tombé sur le dos, il éclata de rire. Son corps était secoué de spams hystériques alors qu'il gisait sur le zinc du faitage moins large que lui.

Il me tendit la main pour que je l'aide à se relever.

— Et bien voilà, dit-il en époussetant son pantalon. On y est. Tu es prête!

Un sourire de fierté s'empara de mon visage. Il était vrai que j'avais progressé, que ces heures de tortures avaient finalement servit à quelque chose. Je ne battrai surement pas Dimitri, mais je réussirais tout de même l'examen, ce qui le ferait tout autant ragé.

— Tiens, dit Alex en se redressant, quelque chose me dit que je vais me faire remonter les bretelles.

Je jetai un oeil dans la direction qu'il regardait. Madame Barium, les bras croisés et l'air grave nous observait du premier étage de l'aile Ouest. Il n'était pas difficile de reconnaitre son corps mince entre les colonnes du couloir ouvert. Ce qui me rappela une mission que j'avais pris soin de repousser le plus longtemps possible. Il allait falloir que je lui livre le colis que j'avais planqué sous mon lit durant une semaine.

Cette jeune femme était plus qu'intimidante et je ne m'étais jamais trouvé seule avec elle. Jusqu'ici, je ne m'en étais jamais plainte. Aussi, quand le moment fut venu de frapper à sa porte, j'hésitai un instant. Monseigneur Kigrat n'avait pas l'air plus rassuré que moi et guettait un passage de sortie dans le couloir. J'aurais pu laisser la boite là et partir à la course. Mais je dû admettre que je n'aurais aucune chance que remporter un jour un combat au corps à corps si j'étais incapable de me montrer courageuse face à une porte.

Je frappai le bois, juste au dessus des armoiries de Bilel gravées sur la porte. J'espérai de tout mon coeur qu'elle ne me réponde pas. Mes prières ne furent pas exaucées et j'entrai après avoir entendu l'invitation de Madame Barium.

Elle était assise à un petit bureau en bois très rudimentaire. Autour d'elle étaient accrochés aux murs des dizaines d'armes en tous genres, de tous types et de toutes formes. Je me serais cru dans une armurerie. Devant le bureau se trouvait un tabouret, j'y déposai la caisse. Le professeur de corps à corps ne portait pas son armure mais l'uniforme d'Emmerson, laissant ses cheveux blonds retomber sur ses épaules. Elle n'en était pas moins intimidante pour autant. Cela faisait surtout ressortir les cicatrices sur sa joue gauche.

— Je vous apporte votre... Commande.

— Merci.

Je fis demi tour et m'apprêtais à rejoindre Monseigneur Kigrat dans le couloir, craignant qu'elle ne veuille l'essayer de suite. Mais Madame Barium m'arrêta.

— Mademoiselle DeTolane, il ne me semble pas vous avoir vu en salle d'entrainement cette semaine.

Je sentais une envie de me téléporter monter en moi. J'espérai plus que jamais que mes cours de méditation allaient s'avérer efficaces.

— Non Madame, j'ai préféré m'entrainer avec ma soeur. Elle m'a composé un programme d'entrainement qu'elle a chargé à Alexander de me faire suivre ici. Je pense que moins je croiserai mon adversaire, plus j'aurais de chances de survivre à l'examen final.

— Vous savez, dit-elle en appuyant les coudes sur son bureau, je plaisantais en début d'année quand je disais qu'il fallait survivre. Vous serez notée en fonction de votre technique. Personne n'est jamais mort dans mon cours.

— Je l'espérai Madame.

À vrai dire, il ne m'était pas venu à l'esprit que Madame Barium soit capable de faire de l'humour.

— Je n'ai pas le plaisir de connaître votre soeur. Est-elle habilitée à vous entrainer?

J'étais très étonnée. C'était bien le premier professeur qui ne connaissait pas ma soeur et qui ne vantait pas ses nombreux talents. Elle remontait d'un cran dans la liste de mes professeurs préférés.

— J'ose l'espérer Madame, sinon j'aurais passé deux semaines à me faire tabasser pour rien.

Je lui adressai un signe de tête et repris la direction de la sortie.

— Vous allez au bal Mademoiselle DeTolane?

Sa question me désarçonna. Je restai bien 5 secondes totalement immobile avant de me tourner vers elle.

— Euh... Oui Madame.

— Vous y allez avec Monsieur Baritine?

Celle là, je ne l'avais pas vu venir.

— Non Madame.

— Vous semblez pourtant très proches.

Elle reperdit une place dans le classement. Je ne pus retenir mon sourire.

— Oui, Alex est un ami auquel je tiens beaucoup.

Pour ne pas dire mon soutient imperturbable, celui qui me pousse en avant et qui arrive à me faire rire quand je ne penserai pas être capable. Bref, en l'espace d'un an, il avait prit autant d'importance dans ma vie que mes amies d'enfance et ma petite amie.

— C'est une bonne chose, dit mon professeur, il est très important d'être entourée.

Oui, certes. Je tentais une fois encore de fuir cette conversation.

— Une dernière chose Mademoiselle.

Pourvu qu'elle ne me pose pas de question sur ma robe de soirée...

— Oui?

Elle parla sans même lever les yeux du parchemin dont elle avait reprit l'étude.

— N'ayez pas trop peur de votre adversaire. Monsieur Chasane est prétentieux et imbu de lui même. Il vous sous-estime. Vous le battrez sans mal en le prenant par surprise.

— Merci.

J'arrivai enfin à sortir du bureau, je restais tout de même en attente d'une dernière question avant de fermer la porte, juste au cas où. Cette conversation avait été surréaliste. J'avais même un doute sur le fait qu'elle ait vraiment eu lieu. Peut-être que Dimitri m'avait frappé plus fort que je ne le pensais. Mon seigneur Kigrat eu un frisson, comme si c'était lui qui avait dû subir cet entretien des plus gênant.

À l'internat, les révisions s'étaient instantanément arrêtées au profit des essayages de robes de bal. 

Emmerson école pour futurs Guerriers, Mages et DiplomatesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant