Chapitre 1: Le gars du bus

120K 4K 2.3K
                                    

   Je n'ai jamais aimé le mois de novembre. Il y fait toujours ce froid mordant et ce temps grisâtre, peu importe quel moment de la journée nous sommes. Pendant cette période de l'année, tous les arbres semblent morts et secs, et le gazon est d'une horrible couleur jaune sale. Parfois il neige, parfois il pleut, souvent c'est un mélange des deux.

Mais le pire avec le mois de novembre, selon moi, c'est ce fichu rhume que tout le monde se passe à l'école. Alors non, ce n'est pas de ma faute si je tombe sans cesse malade, mais bien de celle des élèves de mon école qui ne comprennent pas l'importance de tousser dans le creux de leur coude! Ma mère ne cesse de me sermonner à ce sujet; elle déteste que je sois toujours enrhumée. Supposément, je ne m'habille pas "assez chaudement". Si je me fiais à ses conseils, je devrais toujours porter l'horrible écharpe en laine multicolores que ma grand-mère m'a offert, même en été. Je n'ai rien contre ma grand-mère, mais franchement, le tricot, ce n'est pas son point fort.

Cela fait maintenant vingt minutes que j'attends le bus. Il fait horriblement froid, je n'en peux plus. Mes doigts se sentent comme des saucissons surgelés. Je ne sens plus mes oreilles ni mon nez. Le vent tranchant de novembre me fouette le visage et semble prendre un vilain plaisir à me dépeigner les cheveux. Pour couronner le tout, je ne cesse de renifler. Mon nez coule, et c'est vraiment énervant. Tout le monde à l'arrêt de bus me regarde d'un sale oeil. Comme si je faisais exprès de renifler seulement pour les énerver...! D'ordinaire, je ne suis pas une personne impatiente ou grognonne. Mais présentement, je suis d'une sale humeur. Probablement la météo qui me met dans cet état.

Après plusieurs autres minutes de torture, le moment tant attendu arrive enfin: l'arrivée de l'autobus. Le chauffeur ouvre les portes grinçantes du véhicule, et tout le monde s'y jette comme si sa vie en dépendait. Et non pas sans raison, il faut l'avouer: nous sommes le dernier arrêt, les derniers à embarquer dans le bus. Donc, on a les derniers choix de place. Si vous avez le malheur de vous retrouver dernier à entrer dans le véhicule, vous devrez vous asseoir tout en avant, juste derrière le chauffeur, et vous vous taperez une bonne séance d'écoute des passionnantes histoires de la jeunesse du conducteur. (Notez le sarcasme dans cette phrase...)

Par chance, je me déniche un banc au milieu. Vous savez, le banc où la fenêtre est cachée par les mots "Sortie de secours" et où personne ne veut s'asseoir à cause de cela? Celui-là. Mais moi, ça ne me dérange pas. Quand je suis dans l'autobus, je ne parle avec personne. Je m'assois dans mon coin et je rêvasse.

D'ailleurs, j'ai quelques légers problèmes d'attention (et je dis bien léger). Je tombe souvent dans la lune en classe. C'est un peu effrayant, à vrai dire. La semaine dernière, on a eu un examen en mathématique. À la fin de la période, j'ai réalisé que je n'avais rien écris sur ma feuille: j'avais passé le cour entier à fixer le plafond. Je me suis fait durement gronder par le prof de math, M. Richard (que j'appelle souvent l'hippocampe, son visage allongé et son expression étrange me rappellent bizarrement ceux d'un hippocampe).

Ça me fait toujours une drôle d'impression lorsque ce genre de chose arrive, car ça me donne l'étrange sensation que je viens de me réveiller d'un rêve dont je ne me souviens de rien. Je suis bizarre, je sais. Je me le fais dire souvent.

D'habitude, personne ne vient me déranger lorsque je rêvasse dans le bus. Je suis dans ma bulle. Je m'installe toujours seule, sur mon banc, et personne ne voit quel est l'intérêt de venir me parler - je suis si peu sociale. Pourtant, à peine ai-je le temps de m'écraser dans mon banc que je sens quelqu'un s'asseoir à mes côtés. Je sursaute légèrement et fais volte-face. Juste à côté de moi se tient un garçon d'assez grande taille, portant un sweat-shirt noir dont le capuchon voile complètement son visage, de mon point de vue.

UndergroundOù les histoires vivent. Découvrez maintenant