Chapitre 18

526 42 8
                                    

Kerian

— Je ne peux pas, je dois partir, sanglote-t-elle en s'écartant de moi.

Mon cœur se déchire à la seconde où ma peau se décolle de la sienne. Je voudrais l'attraper de force pour embrasser ses lèvres, serrer une nouvelle fois son adorable corps, sentir à nouveau sa peau contre la mienne, je voudrais connaître à nouveau ses caresses, ses baisers, ses regards emplis d'amour. J'ai beau avoir bu bien plus que je n'aurais dû, je suis bel et bien lucide. Et ce désir là ne dépend pas des quelques verres que je me suis enfilé, il ne repose pas sur mon état d'alcoolémie et encore moins sur le fait de retrouver mon Holly dans le seul et unique but de flatter mon ego. Je sens au plus profond de moi que j'ai besoin d'elle. Que seul sa présence pourra enfin parvenir à m'apaiser.

— Ne pars pas, s'il te plaît. Reste avec moi. J'ai besoin de toi.

Ma voix est à peine audible tandis que je la regarde, les yeux baignés de larmes et le visage rougis sans doute par la colère.

— Je suis désolée, Kerian. Mais je dois penser à moi avant tout.

Sur ces mots, mon sublime ange aux cheveux blonds quitte la pièce précipitamment sans que je ne puisse la retenir. Mon poing s'en va fracasser le petit miroir mural situé près de la porte d'entrée à la seconde où Holly quitte mon champ de vision. Le sang sur mon poing coule à grosse goutes tandis que j'entends encore le bruit de ses pas quittant le couloir. Je ne peux pas la retenir. Je ne peux pas lui faire plus de mal que je ne lui ai déjà fait. Je serais un monstre si je me décidais à l'emprisonner auprès de moi après cette énième connerie. Putain, alors pourquoi est-ce que je ne peux m'empêcher de penser que cette proposition s'avérera être la meilleure ? Pourquoi est-ce que je ne peux pas la laisser s'en aller ? Elle devait être tout aussi heureuse sans moi, peut-être même plus. Alors pourquoi est-ce qu'il a fallu que je me montre si égoïste ? J'aurais dû continuer d'agir tel un connard de premier, la pousser à me haïr pour qu'elle puisse enfin rester loin de moi. Observant le sang coulant sur le sol de la chambre d'hôtel, je ne peux m'empêcher de me dire que, quelques années plus tôt, c'est Holly qui soignait et pensait ces blessures. Je lui en ait fait baver, et je le comprends un peu plus avec le recul.

Ce matin, en me réveillant, ma main droite me fait un mal de chien. J'ai été con de m'en prendre à ce putain de miroir car, outre le fait d'hériter d'une putain de main bleuâtre, j'ai mis en péril mon outil principal de travail. Mais à vrai dire, ce qui me surprend le plus à mon réveil est ce foutu mal de crâne. Je n'ai pas eu de gueule de bois depuis bien des années. Putain, j'aurais dû rester à Paris, tout part en vrille depuis que je suis ici. Tout semble se répéter comme lorsqu'elle a appris pour le pari. Sa haine envers moi, sa tristesse, ses sanglots, j'ai la putain d'impression de me retrouver sept ans plus tôt et cette idée ne me plaît pas le moins du monde. Et pourtant, en plongeant mon corps sous l'eau brûlante de la douche, un besoin me secoue de plein fouet. J'ai besoin de la voir. J'ai ce putain de besoin de savoir où elle vit, dans quelles conditions, m'assurer que Rachel n'ait pas placardé les murs d'un immonde papiers peint rose ! Je ne devrais pas me pointer chez elle, je n'en ai pas le droit, mais je ne parviens pas à trouver une seule putain de raison de rester cloîtré dans cette foutue chambre d'hôtel. Après cette visite je me tirerai à Paris, après ça elle n'aura plus à se soucier de moi. Mais j'ai cet irrépressible besoin de savoir, de savoir que tout est perdu avant de ne l'abandonner à nouveau. De savoir que je l'ai bel et bien perdue. Je ne pourrais pas prendre cet avion si je voyais un seul espoir de la récupérer. Pas cette fois. Alors je dois en avoir le cœur net.
  En marchant jusqu'à chez Holly et Rachel, mon poing me fait affreusement mal. Je n'ai jamais su faire de points de suture et je commence à le regretter ! La couleur bleuâtre de ma main ne me rassure pas vraiment, mais ce n'est pas ce qui me tracasse le plus. Je ne peux m'empêcher de me demander comment Holly va bien pouvoir réagir en me voyant planté devant sa porte. Et je ne supporterai pas de la voir à nouveau s'effondrer devant moi. Je devrais faire demi-tour, faire mes valises pour prendre cet avion, aller consulter un médecin pour ma main, me tirer loin d'elle, elle n'en serait que plus heureuse. Mais je n'y parviens pas. Comme si mon corps tout entier n'était qu'un vulgaire aimant indubitablement attiré par son sublime corps angélique. Comme si mes jambes se décidaient à refuser d'écouter ma raison, se refusaient à écouter mon cerveau. Tout mon entendement semble me pousser à déguerpir d'ici tandis que l'intégralité de mon âme me pousse à mener à bien cette stupide idée.

— Dis-moi si tu veux que je me dire, je le ferai. Non, putain. Je sais que tu veux que je reste, je sais que... je sais que... putain je sais que tu te porterai bien mieux sans moi. Alors pourquoi est-ce que je ne te laisse pas partir ?

  Je grimpe les escaliers menant à sa porte tout en tendant de formuler le discours que je compte lui déblatérer. J'ai l'air d'un con, j'ai l'air d'un putain d'abruti obsédé par la fille qu'il a abandonné quelques années plus tôt. Et si je faisais demi-tour ? Si je partais une nouvelle fois sans rien dire, comment est-ce qu'elle réagirai ? Elle ne pourrait pas être plus blessée qu'elle ne l'est déjà, elle ne pourrait pas plus souffrir qu'elle ne souffre en ce moment. Alors pourquoi m'emmerder à retenter ma chance ? Pourquoi m'emmerder à chercher de l'espoir là où il n'y en a plus ? Mais je n'ai plus le temps de me poser ces questions que je me rends compte que j'ai frappé à la porte. Putain, je suis piégé. Je ne peux plus me tirer maintenant, et mon cœur se resserre à la seconde où la porte s'ouvre doucement sur une petite tignasse blonde.

Soulmate - Tome 3Where stories live. Discover now