Chapitre 36

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Kerian

Sentir le doux parfum florale de ma mère alors que cette dernière me serre entre ses bras manque de me faire chialer. Putain, l'intégralité de mon corps tremble tandis qu'elle s'effondre dans mes bras. Ses mains me serrent si fort que, l'espace d'un instant, je crois manquer d'air.
Ses cheveux blonds excessivement frisés m'avaient manqués, ainsi que son adorable voix chantante. Mon corps se raidit un peu plus à chaque fois qu'elle resserre son étreinte et au bout de quelques minutes, je ne peux faire autrement que me mettre à chialer à mon tour. Ses mains tremblantes frictionnent ma chevelure, elle empoigne durement mes bras comme pour s'assurer que je sois réellement là, comme pour s'assurer qu'elle ne soit pas en train de rêver. Cette idée me fait mal au cœur ; je n'ose pas me demander combien de fois elle a dû rêver de cet instant, combien de fois elle a dû se réveiller, en larmes, comprenant que tout ça n'était qu'un rêve. En me tirant je savais pertinemment que je ferais du mal à ceux qui m'entouraient, mais je ne me serais jamais imaginé qu'il me serait possible de les affecter autant. Plus les jours passent depuis mon retour de Paris, et plus je regrette de m'être tiré. J'aurais peut-être finalement dû rester, repousser mes rêves de gloire, ou bien les réaliser ici, à Miami, ou du moins aux Etats-Unis ; Los-Angeles aurait été un spot parfait pour me trouver un mentor. L'agent, la célébrité, la reconnaissance, les nanas, tout ça a toujours été mon rêve de gosse, un rêve que j'ai su réaliser. Un rêve que je suis parvenu à rendre réalité au détriment de tous ceux qui trouvaient la force de m'aimer malgré mes travers. Je ne peux que me demander si le jeu en valait la chandelle, mais à chaque fois que je me pose cette question, une seule réponse me vient à l'esprit : Non. ça n'en valait pas le coup. ça n'en a jamais valu le coup. Et pourtant, je me suis tiré. Et pourtant, j'ai eu l'égoïsme de me dire que toutes ces personnes pourraient se relever après mon départ. L'orgueil de penser que je serais le plus impacté par ma décision.

- Entre, entre, souffle-t-elle entre deux sanglots.

Son corps élancé est tremblant et ses yeux rougis par les larmes. Elle essuie les quelques traces de mascara coulant sous ses yeux avant de ne se saisir de ma main, me tirant jusqu'au salon ou je tombe nez à nez avec mon père. Une joie indescriptible mêlé à une insoutenable colère se lisent sur son visage en permanence renfrogné. Je n'ai jamais été proches de mon paternel, à vrai dire, lui et moi n'avons jamais eu plus en commun que notre nom de famille. Je ne prétends pas ne pas m'entendre avec lui, ni qu'il a été un mauvais père, bien au contraire, mais son travail dans les affaires ne lui a jamais laissé beaucoup de temps pour construire une idyllique relation père / fils.

- Mon fils, murmure-t-il alors qu'il s'approche de moi à grands pas pour finalement me prendre dans ses bras.

Le contact de nos deux peaux me provoque une étrange sensation. Il n'a jamais été réellement expressif, et encore moins tactile que ce soit avec Rachel ou bien avec moi.

- C'est Holly, Holly nous l'a ramené, sanglote ma mère.

Voir sa jolie bouille virer au rouge lorsque ma mère la prend enfin dans ses bras me fait rire. Je le vois dans son regard, elle n'y croit pas. Elle n'aurait jamais cru ça possible, pouvoir me faire changer d'avis, pouvoir influencer ce cerveau borné m'appartenant. Et pourtant elle y est arrivée, et voir ces larmes de joies perler sur le visage de ma mère est ma plus belle récompense pour avoir eu le courage de suivre Holly.

- C'est Kerian qui s'est décidé à venir, je n'y suis pour rien.

- Je n'me serais jamais pointé ici si je n't'avais pas trouvé à New-York, Holly.

Elle esquisse un sourire gêné tout en prenant mon père dans ses bras.

- Je veux tout savoir ! Comment est-ce que vous vous êtes retrouvés tous les deux ?

Je reconnais le sourire narquois de ma mère, j'ai l'impression d'être revenu quelques années en arrière, lorsqu'Holly et moi nous étions fait prendre la main dans le sac par ma mère. Je peux encore revoir sa mine malicieuse alors qu'elle venait tout juste de rentrer dans ma chambre, tombant nez à nez avec Holly, assise sur ma chaise de bureau. Je ne peux m'empêcher de me marrer en me demandant ce qu'il se serait passé si Holly et moi ne l'avions pas entendu passer la porte d'entrée !

- Par hasard, à New-York, elle devait m'interviewer et... après tout est allé assez vite en très peu de temps.

Ma mère fronce les sourcils.

- Leo et moi ne sommes plus ensemble, Sam.

Je n'y crois pas. Putain, je ne peux pas croire qu'elle le savait.

- T'étais au courant ? Je m'étrangle.

La main d'Holly se glisse dans la mienne. J'ai peut-être été un peu froid dans mes paroles, je le devine à la larme perlant sur la joue de ma mère.

- Nous le savions, corrige mon père.

- Te prévenir n'aurait fait que te mettre en colère, mon ange, bredouille ma mère.

Elle a raison, je me serais pointé à New-York pour casser la gueule de cette petite merde depuis bien longtemps si j'avais été au courant de leur soi-disant idylle !

- Peu importe, elle n'est plus avec ce tocard.

Holly glousse.

- Je suis heureuse pour vous.

Holly et moi restons muets, je ne sais pas vraiment si je peux la remercier, je veux dire, j'ignore même si elle et moi sommes réellement à nouveau ensembles !

- J'imagine que ce brave garçon a dû très mal t'accueillir, questionne mon père, s'avachissant à nouveau dans le canapé du salon.

- Une chose est sûre, sa gueule de con a parfaitement accueilli mon poing.

Mon père se marre à gorge déployée.
Et après une longue discussion avec mes parents et Holly, je me décide enfin à grimer les escaliers, montant mes affaires dans ma chambre. J'ai un petit pincement au cœur en me rendant compte que rien n'a changé. Les meubles, les babioles et posters recouvrant le murs sont toujours à la même place, à l'endroit exact ou je les avais laissé. Cette piaule ressemble à une foutue pièce de parents endeuillés par la perte de leur gosse. Même les draps sont restés les mêmes, bien qu'ils semblent plus propres qu'à mon départ.

- J'ai voulu la convaincre d'enlever tous tes meubles pour lui faire une salle de sport, souffle mon père, arrivé à pas de loups dans mon dos. Mais elle a refusé.

- Pourquoi ?

- Au cas ou tu te serais décidé à revenir.

Je peux percevoir toute l'amertume dans la voix de mon père. A vrai dire je le comprends, je n'aurais pas daigné laisser mon gosse passer la porte de cette baraque si j'avais été à sa place.

- Je suis désolé.

- Je sais. Mais c'est au près de ta mère que tu devrais te faire pardonner.

Sa voix excessivement froide me remue les tripes, me donnant presque enfin de gerber de dégoût. Un dégoût porté envers moi-même.

Après avoir enfin fini de poser mes valises, je me suis décidé à faire une petite virée dans Miami. La chaleur de ma ville natale m'avait manqué. Putain, la France est loin d'être aussi accueillante en hiver qu'en été, et j'en avais plus qu'assez de ce foutu froid. Alors après avoir enfilé des vêtements propres, j'ai accouru jusqu'au garage pour enfin tomber nez à nez avec ma bonne vieille caisse. Mon Audi A4 Berline m'avait manqué, et je n'ai eu qu'à passer mon doigt sur le toit de la bagnole pour ressentir l'excitation des premiers jours passés au volant de ce petit bijou. L'endroit dans lequel je compte terminer cette petite virée m'est ensuite apparu comme une évidence. Il est évident que je me dois de rendre des comptes à certaines personnes, et Charlie s'avère être l'une des premières personnes sur la liste.

Soulmate - Tome 3Waar verhalen tot leven komen. Ontdek het nu