Chapitre 55

449 35 1
                                    

Holly

Un affreux et incessant bruit strident semble me tirer de mon sommeil. Le "bip" aigu régnant dans la pièce dans laquelle je me trouve me provoque un horrible mal de crâne tandis que mes yeux s'ouvrent difficilement. Ma vue se trouve encore brouillée alors que je tente de comprendre ce qu'il vient de m'arriver. Est-ce que je viens de faire un malaise en pleine rue ? Et cette douleur, d'où provenait-elle ? Je ne parviens pas le moins du monde à me rappeler de ce qu'il s'est passé ; tout ce que je sais, c'est que je me retrouve là, allongée dans cette pièce couverte de peinture blanche, une désagréable odeur d'hôpital régnant en maître autour de moi. Une odeur d'hôpital ? C'est impossible.
Trouvant enfin la force de me redresser, mon regard se pose presque instantanément sur la masse noire postée sur le petit siège face au lit. Je peux distinguer une silhouette recroquevillée sur elle-même. La masse imposante de l'homme enroulé dans sa veste en cuir me coupe le souffle, d'autant plus à la seconde ou j'aperçois quelques mèches blondes retomber adorablement sur la nuque du garçon en question. Voir le visage du type assis sur ce fauteuil ne m'est pas nécessaire pour comprendre de qui il s'agit ; Kerian. Mais qu'est-ce qu'il peut bien faire ici ? Je n'en reviens pas, je dois être au beau milieu d'un rêve. Mais alors que je me trouve soudainement prise d'un vertige, je peux observer la masse blonde se tourner, apercevant ainsi le visage de Kerian à demi endormi.

- Holly ?

Il bondit du petit siège, les yeux encore collants et le visage boursouflé. Alors ce n'est pas un rêve.

- Qu'est-ce que... je fais là ?

- T'as eu un accident, une voiture t'as renversé pendant que tu traversais. La voiture de ce connard ne s'est pas arrêtée à cause du verglas.

Je dois m'allonger de nouveau pour que mon vertige cesse.

- Et... qu'est-ce que tu fais là ?

Comment est-ce qu'il a bien pu être au courant pour cet accident ? Et qu'est-ce qu'il peut bien faire à New-York ? Au fond de moi, le voir dans cette chambre me fait autant de bien que cela me brise le cœur.

- J'étais déjà en route quand ton père m'a appelé pour me prévenir, l'hôpital venait de lui passer un coup de fil. T'es restée endormie depuis ton accident, hier. Tu ne te rappelle de rien ?

- Non, de rien du tout.

Je marque une pause, enroulant machinalement une mèche de mes longs cheveux blonds autour de mon doigt puis reprend :

- Luna ne t'a pas suivi cette fois ?

Kerian recule d'un pas, sa main sur le cœur. Comme si mes simples propos l'avaient bel et bien blessés physiquement. Je ne peux m'empêcher de me sentir coupable vis-à-vis de ma remarque, d'autant plus à la vue de son regard empli de souffrance à la seconde ou je relève les yeux dans sa direction.

- Je te l'ai déjà dit, Holly, je suis désolé.

- Je sais.

- Alors...

- Alors, dire que tu es désolé n'atténue en rien ton mensonge.

- Elle m'a manipulé pour obtenir ce qu'elle voulait. Comme elle l'a toujours fait.

Ma discussion avec Rebecca me revient instantanément en mémoire.

- Je sais, Kerian. Mais... laisse tomber.

Il fait deux grands pas pour me rejoindre près du lit. Penché au dessus de moi, je parviens à sentir sa douce odeur corporelle naturellement vanillée, j'ai toujours tant aimé cette somptueuse odeur.

- Mais quoi ?

- Ce n'est pas le fait que tu aies couché avec elle qui me fait le plus de mal ; c'est le fait que tu aies voulu m'oublier avec elle.

- Et toi... t'as bien voulu m'oublier avec ce connard de Leo.

Là-dessus il n'a pas tord, je me suis par ailleurs déjà fait cette réflexion. Le fait est que ce soit avec cette Luna qu'il ait voulu m'oublier. Une petite garce lambda m'aurait fait rire, j'aurais pu l'envisager, peut-être même le comprendre, mais me rendre compte que cette satanée Luna s'avère encore capable d'avoir une telle influence sur lui me détruit de l'intérieur. Je pensais que le temps avait recouvert la plaie béante qu'elle avait laissé, je pensais que toute cette histoire était derrière lui, qu'il avait tiré un trait sur elle de la même manière qu'il l'avait tiré sur moi en prenant cet avion.

- Luna n'est pas Leo. Je t'en prie, essaye de me comprendre.

Ma gorge se noue alors que la main de Kerian se pose sur ma main disposée sur ma poitrine.

- Je sais.

Et alors que je m'apprête à répliquer, la porte de la chambre s'ouvre brusquement sur un homme tout de blanc vêtu, un calepin à la main et un large sourire scotché aux lèvres. J'essuie d'un revers de main une larme s'apprêtant à rouler le long de ma joue avant de me décider à me redresser sur un coude.

- Ne vous levez pas, vous avez besoin de repos.

- Quand est-ce que je pourrais repartir ?

- Demain, dans la matinée. Nous devons encore vous faire passer quelques examens. Et... votre petit-ami devra repayer la porte qu'il a cassé.

Je m'étrangle.

- La porte ?

- Oui, votre petit-ami a cassé la porte de la chambre du type ayant provoqué l'accident. A vrai dire je ne pensais pas qu'on puisse claquer l'une des ces portes si fort ! Ricane-t-il.

Kerian rougit en voyant le rouquin assez maigrichon de marrer. Il n'est pas croyable !

- Ce connard m'a mis en colère, bougonne-t-il, sautillant d'un pied sur l'autre.

Alors que le médecin vérifie mes constantes après avoir fait passer une désagréable lumière devant mes yeux encore endormis, je ne peux détourner mon regard de Kerian. Le grand blond est occupé à faire les cent pas d'un bout à l'autre de ma chambre d'hôpital, me donnant le tournis ! Il semble si inquiet, je crois même ne jamais l'avoir vu si angoissé. Peut-être est-ce le fait de me voir allongée là, dans ce lit d'hôpital, ou peut-être est-ce le souvenir d'avoir été à ma place tandis que je me tenais à la sienne, quelques années plus tôt.

- J'ai besoin de prendre une douche.

J'ai beau être recouverte de plusieurs plaids et couvertures, mon corps demeure gelé.

- Vous n'avez écopé que d'un léger traumatisme crânien, l'arrière de votre crâne a tapé contre le pare-brise de la voiture de la personne vous ayant renversé, les médecins vous ont recousus en arrivant à l'hôpital et tous les scanners se sont avérés négatifs concernant de quelconques blessures. Alors mise à part les quelques égratignures sur votre visage et une importante ecchymose sur votre bassin, vous n'avez rien de grave. Une douche serait une bonne idée, je doute cependant qu'il soit raisonnable de vous laissez seule dans la salle de bain. Vous êtes encore très affaiblis par les médicaments. Je pourrais peut-être...

- Je vais y aller avec elle, hors de question que je vous laisse la mater sous la douche.

Je ne peux m'empêcher de ricaner à l'entente du ton incroyablement agressif de Kerian. Ce dernier s'approche d'ailleurs à grand pas de moi, glissant adorablement sa main dans la mienne.

Sa rétorque fait également rire le médecin qui tapote mon épaule.

- C'est une très bonne idée !

Soulmate - Tome 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant