Chapitre 32

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Holly

Dix-neuf heures, l'heure du départ approche et je suis plus excitée que jamais. Retourner à Miami me fait tant de bien. Et jamais je n'aurais pu imaginer arriver avec un cadeau tel que Kerian Duchemin !

- Mes affaires sont dans ta voiture, souffle-t-il tandis que je me passe un dernier coup de brosse dans la salle de bain.

Ses mains effleurant délicatement mon épaule me fait frémir. Je peux presque sentir toute sa chaleur corporelle me pénétrer au simple contact de sa douce main contre ma chaire. Je ne devrais peut-être pas retomber sous son charme si vite, je ne devrais peut-être pas lui accorder toute ma confiance si tôt, mais ma discussion d'hier avec Rebecca m'a ouvert les yeux sur tant de choses que je doute qu'il me soit encore possible de cacher ce que je ressens pour Kerian. J'ai besoin de lui de la même manière qu'il semble avoir besoin de moi. Le phare réconfortant guidant la petite fille sur sa barque en direction du rivage s'est éteinte à la seconde même ou il est monté dans cet avion, et pour la première fois depuis ces sept ans, j'ai la vague impression de pouvoir à nouveau distinguer ce halo de lumière se reflétant sur la rive. Plus les jours passent, et plus j'ai l'impression de retrouver mon chemin.

- Tu es sûre qu'on ne devrait pas attendre que toute cette neige ait fondu ?

- Je conduirai. T'en fais pas.

Il embrasse adorablement mon front alors que Rachel fait irruption dans la salle de bain, un large sourire aux lèvres.

- Alors vous deux...

- On va laisser le temps faire les choses, murmure Kerian, sa main posée sur ma hanche.

Rachel glousse et quitte la pièce folle de joie. Je ne peux pas y croire, c'est le monde à l'envers ! Voilà que je me retrouve à New-York, avec mon ex petit-ami que je n'ai pas revu depuis des années, fleurtant comme de stupides adolescents, et Rachel semble tout bonnement ravie de cette situation ! Ou sont passés les reproches ? Les crises de larmes ? Les disputes et les règlements de compte ? Mais je suis finalement plutôt heureuse de cette étrange situation. Et tandis que je boucle mes valises pour les emmener jusqu'à la voiture, j'ai l'impression de ne pas pouvoir décrocher ce sourire de mon visage.

Sur le pas de la porte de l'immeuble, j'embrasse mon amie tout en écoutant la bonne dizaine d'avertissements lancés à son aîné. Ces deux-là ont l'air plus proches que jamais, et ça me plait.

- J'imagine que tu vas t'occuper de la musique, dit-il, retirant les quelques flocons tombés sur sa chevelure blonde. Ne met pas de la merde, je déteste conduire en écoutant de la merde.

- Ne soit pas grossier.

J'accompagne ma réponse d'un petit coup sur l'épaule avant d'extirper de la boite à gant un CD du groupe The Fray, j'insère le disque dans le lecteur tout en affichant un large sourire, attendant que Kerian reconnaisse la musique.

- Tiens j'aurais dû m'en douter, glousse-t-il alors que Break Your Plans démarre.

Et tandis qu'il démarre, mon regard ne quitte pas son adorable visage. Ses joues sont légèrement plus creusées que sept ans plus tôt et ses cheveux retombent adorablement sur ses yeux. Pouvoir l'admirer à son insu de la sorte m'avait manqué. J'aime voir sa petite mine concentrée alors que ses deux mains empoignent durement le volant. Observer sa langue caresser délicatement ses lèvres, ses cils papillonner chaque fois que le soleil semble trop fort pour ses beaux yeux verts, et par dessus-tout, observer sa tête bouger au rythme de la musique.

- Je vois que t'es toujours si discrète, Jensen.

- Discrète ?

- Pour me mater, souffle-t-il, un large sourire satisfait scotché à ses lèvres.

- Je réfléchissais.

- A quoi ?

- A nous.

Son sourire satisfait semble disparaître d'un coup pour laisser place à une mine gênée.

- Nous...

- Un problème ?

- Non. ça m'avait manqué, c'est tout.

Il rougit.

- A quoi est-ce que tu pensais.

- Quand tu as pris cet avion, est-ce que tu savais que tu ne reviendrai pas pendant si longtemps.

- Non. Je devais revenir quelques mois après mon départ.

- Pourquoi tu ne l'a pas fait ?

Il souffle bruyamment.

- J'ai arrêté mon école au bout de trois mois. Je me suis tiré après avoir rencontré un type avec qui Charlie et Val avaient déjà travaillé. Il m'a pris sous son aile et j'ai commencé à tatouer très rapidement. Je ne pouvais pas mentir à mes parents en leur disant que je m'étais tiré de cette école.

Je me demande s'ils sont au courant que Kerian n'a jamais terminé son année aux Beaux-Arts.

- Et puis... je ne pouvais pas me pointer comme ça devant toi.

La tempête de neige s'intensifie, rendant la conduite de Kerian bien moins assurée qu'a son habitude. Je ne peux pas croire que nous ayons eu la malchance de choisir le jour de cette tempête pour notre départ ! Et sa mine inquiète ne me rassure pas, si bien que je doute fort que nous puissions faire ce trajet d'une traite.

- J'ai écris notre histoire pour essayer de t'oublier.

- Quoi ?

Je n'en reviens pas que je lui balance ça. Il va se moquer de moi, il va me rire au nez, je le sens.

- J'ai... je pensais qu'en posant notre histoire sur papier tu pourrais enfin sortir de ma tête.

- Et comment ton histoire se termine ?

L'appréhension est lisible dans sa voix.

- Ils se séparent.

- Ce n'est pas une fin heureuse.

- C'est ma fin heureuse, je veux dire... c'était.

- Alors il faut écrire une suite.

- Les suites sont toujours inintéressantes et répétitives.

Il se tourne vers moi, un sourire amusé puis dépose délicatement sa main sur ma cuisse, caressant ma jambe par-dessus mon jean.

- Pas si c'est nous qui l'écrivons. Je refuse que mon personnage n'ait pas droit à une de ces foutus fins heureuses comme on voit tout le temps dans les livres !

- Et à quoi elle ressemblerai, ta fin heureuse ?

- Peu importe, tant qu'elle est avec toi.

Mon cœur chavire et je dois me retenir pour ne pas laisser échapper une larme. Observant de ma place le somptueux visage du grand blond à ma gauche, je ne peux plus le nier, il a réussi, en moins d'une semaine, à me faire irrémédiablement et indubitablement tomber à nouveau sous son charme. A cet instant précis, toute la haine que je lui portais à son retour semble avoir disparu, toute cette colère semble s'être évaporée pour laisser place à une incommensurable joie. La joie de me rendre compte que je ne suis pas seule à ressentir cet indescriptible sentiment de plénitude dès lors que je me retrouve en sa compagnie. Mon cœur en demeure meurtri, mais une nouvelle fois, il semblerai que je sois tombée sous le charme de mon bourreau. Les paroles des Davis semblent enfin avoir un réel sens ; l'amour, cette somme de deux éléments explosifs ayant autant la capacité de s'autodétruire que de se sauver pour se maintenir en vie ; l'amour, ou, cette capacité à faire d'une personne son bourreau et son sauveur. La réalité la voilà : le temps n'a jamais été une limite à l'amour, il n'est capable ni de mourir, ni de s'atténuer pour deux réelles âmes-sœurs.

Soulmate - Tome 3Unde poveștirile trăiesc. Descoperă acum