Soulmate - Tome 3

Chapitre 35

Holly

Il est treize heures ce midi lorsque nous nous décidons enfin à quitter les lieux. Réveillés depuis un peu plus d'une heure, j'ai bien dû observer Kerian, encore endormi, durant une bonne demi-heure avant qu'il ne daigne enfin ouvrir les yeux. Et lorsque nous avons enfin fini par nous lever, il n'a pas pu s'empêcher en observant mes jambes tremblantes de la veille tandis que je m'extirpais du lit.
Avoir fait l'amour avec Kerian hier soir semble avoir fait renaître en moi jusqu'au plus infime sentiment que je ressentais pour le beau blond avant son départ. Comme s'il n'était jamais parti, comme s'il ne m'avait jamais abandonnée. Et désormais assise dans la voiture attendant que ce dernier ne démarre enfin, je ne peux plus le moins du monde cacher cet étrange état de surexcitation. Ce n'est pas seulement mon retour à Miami qui me rend heureuse, ramener Kerian avec moi, surprendre sa famille et pouvoir reprendre notre vie là ou nous nous étions arrêtés me met également en joie. Vous devez penser que je suis folle, que je suis toujours cette gamine puérile ayant toujours attendu le retour de son pseudo amour de jeunesse pour pouvoir continuer de vivre cet utopique rêve d'adolescente stupide ; Et c'est peut-être ce que je suis. Peut-être suis-je simplement en train de me persuader moi-même que ce retour aux sources ne sera que bénéfique, qu'ici, les problèmes ne nous suivront pas. Je ne sais pas à quoi m'attendre en retournant à Miami, de la même manière que je ne sais pas à quoi m'attendre avec Kerian, mais pour être honnête, je n'en ai rien à faire. Pour la première fois depuis bien des années, tout semble se remettre en ordre, tout semble fonctionner pour le mieux. Pour la première fois, aucun nuage ne semble camoufler mon avenir.

- Comment est-ce qu'elle allait après mon départ ?

- De qui est-ce que tu parles Kerian ?

- De ma mère.

Comment lui en parler, comment lui dire que Samantha Duchemin a passé les six mois ayant suivi le départ de son fils à pleurer toutes les larmes de son corps tout en se noyant dans l'alcool. Cette révélation ne ferait qu'accroître le sentiment de culpabilité régnant déjà dans le cerveau de ce cher Kerian. Mais la vérité là voilà, Samantha Duchemin n'a été que l'ombre d'elle-même longtemps après le départ de son fils, elle était tant sous le choc que parfois, lorsque je venais tenir compagnie à Rachel, la femme me demandait si Kerian nous rejoindrai bientôt, si nous avions passé la nuit ensemble ou encore s'il comptait se joindre à nous pour le repas. Cette réaction suite au départ de son fils m'a fait tant de mal que, durant longtemps, je n'ai pas osé évoquer mon mal-être.

- Elle allait mal, Kerian. Tu dois t'en douter.

- Vraiment mal ?

Il tapote frénétiquement le volant, la mâchoire serrée.

- Tu ne veux pas entendre la manière dont elle se sentait, Kerian, crois-moi. Alors je t'en prie, ne m'oblige pas à t'en parler. Ce n'est pas à moi de le faire.

Il souffle bruyamment tandis que je choisis une station de radio passant une musique du groupe Aerosmith. I don't wanna miss a thing ; la simple entente du refrain parvient à me faire frissonner.

- Tu... t'es allé la voir ?

- Oui, tout comme Jil et Sandy. Elles ont été très présentes pour ta mère. En fait, c'est un peu grâce à elles que ta mère s'est décidée à remettre le pied dehors. Elles lui on proposé une journée shopping et depuis, elles ne se sont plus lâchées !

Ce souvenir me fait rire intérieurement. Je revois Jil, Sandy et Samantha rentrer de leurs virées shopping, le sourire jusqu'aux oreilles et éclatant de rire. Je ne sais pas vraiment pourquoi ces deux-là se sont comportées de la sorte avec madame Duchemin, mais une chose est sûre, leur cure de shopping et de virées au restaurant à chaque fois qu'elles rentraient de l'université d'Orlando a marché en un rien de temps !
Voir la mâchoire de Kerian ainsi que sa respiration s'accélérer me brise le cœur. Je n'ai aucune envie qu'il se punisse plus longtemps du mal qu'il a fait à tous ceux qui l'entourait. Je ne veux plus jamais voir une larme couler sur son visage, je ne veux plus apercevoir la moindre once de tristesse dans son doux regard. J'aimerai que tout soit facile, que d'un revers de main j'ai la capacité de balayer toute cette culpabilité, la capacité d'effacer toute la peine que chacun a pu ressentir.

- Elle sera heureuse de te revoir. Et ton père aussi. C'est le plus cadeau que tu puisses leur faire. Crois-moi.

- J'ai honte. Putain, j'aurais dû leur dire au revoir en personne. J'aurais dû vous laisser m'accompagner à l'aéroport. Je ne me rendais pas compte que ces lettres pourraient vous blesser plus qu'autre chose. Putain, je suis tellement désolé.

Et bien qu'il semble bouleversé, il persiste à tenir ma voiture d'une main de maître. Alors, l'observant, observant toute la colère portée contre lui-même doucement s'effacer dans son regard, je pique du nez.

***

A mon réveil, mon dos me fait affreusement mal. Et je me trouve aux côtés de Kerian, assis dans la voiture, le regard dans le vide et les mains tremblantes. La chaleur à l'intérieur de l'habitacle provenant visiblement de l'extérieur me fait presque tourner la tête. Je n'ai plus l'habitude d'une telle chaleur ! Et lorsque je jette un œil à l'extérieur de la voiture, nous nous trouvons garés dans notre bonne vieille rue.

- On est... arrivés, murmure-t-il, le regard toujours plongé dans le vide.

- Depuis longtemps ?

- Moins de cinq minutes.

Je m'étire sans quitter des yeux la mine inquiète de Kerian. Jamais je n'aurais pu penser que revenir ici lui causerai tant de peine et d'angoisse. Jamais je n'aurais pu m'imaginer qu'il puisse se sentir si coupable.

- Tu vas y arriver, je sais que tu vas y arriver mon ange.

Et alors que ma main se glisse dans la sienne, son regard vide semble reprendre vie. Comme si le simple contact de ma chaire brûlante parvenait à apaiser cette atroce culpabilité.

- Elle va me détester.

- Elle va être plus qu'heureuse de te voir là. Tout va bien se passer. Tu ne peux pas avoir fait tous ces kilomètres pour t'enfuir maintenant. Tu te rappelles de ce que tu m'as dit, il est temps que tu prennes tes responsabilités, que tu assumes tes conneries.

Il resserre son étreinte sur ma main tandis que ses jambes ne s'arrêtent plus de trembler. Son teint a viré au cadavérique et ses yeux semblent rougis par les pleurs. Est-ce qu'il aurait pleuré pendant mon sommeil ? Je regrette de ne pas avoir été là pour lui.

- Tu vas rester avec moi, hein ? Promis ?

Son regard ainsi que son ton sont suppliants. Comme s'il avait besoin de moi pour enfin trouver le courage de frapper à cette porte. Et lorsque nous sortons enfin de la voiture, il semble peu à peu se calmer. Son angoisse semble se maîtriser à mesure que ma main caresse son avant-bras.
Au fond de moi, j'ai autant hâte de voir la réaction des Duchemin que je la redoute. J'aurais peut-être dû leur passer un coup de fil, les prévenir de l'arrivée imminente de Kerian pour que ces derniers ait le temps de se préparer. Mais c'est trop tard, je viens tout juste de frapper à la porte et désormais je ne peux plus qu'attendre tout en espérant que tout se passe bien.
A la seconde ou Samantha ouvre la porte, Kerian fait un pas de côté, se cachant de manière enfantine. Je ricane intérieurement. Il est pétrifié, je le vois dans son regard.

- Holly chérie ! Qu'est-ce que tu fais là de si bonne heure ?

Observant le cadran de mon téléphone, je me rends compte qu'il est un peu plus de neuf heures du matin. Nous aurions peut-être dû attendre un petit peu pour aller les réveiller !

- En fait, Samantha, j'ai une surprise.

Elle ouvre grand ses beaux yeux bleus, un large sourire aux lèvres, et à la seconde ou je tire enfin sur la manche de tee-shirt de Kerian, le faisant se planter devant madame Duchemin, son corps se raidit et sa respiration se coupe. Et alors que Kerian affiche un petit sourire gêné, je perçois une larme rouler le long de la joue de la sublime blonde aux cheveux frisés. Vient ensuite une deuxième, avant que la grande femme n'éclate en sanglots tout en accourant dans les bras de son fils.