Chapitre 60

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Kerian

Passer ces trois derniers jours seul avec Holly m'a fait un bien fou, si bien qu'en remontant dans ma caisse ce midi, mon humeur bougonne semble avoir repris le dessus. Putain, je n'ai pas la moindre envie de tous les retrouver, de la même manière que je sais pertinemment qu'Holly ne le souhaite pas non plus. Le mariage de Jil et Sandy se déroulera demain et au fond de moi, j'ai la stupidité de croire que rien ne viendra gâcher la cérémonie.
Parler du message de Luna à Holly semble lui avoir fait plaisir. Alors peut-être que j'aurais pu éviter toute cette merde entre elle et moi en lui en parlant dès le début ? Quoi qu'il en soit, il est maintenant urgent que je ne me décide à revendre mon salon à Paris. Je n'ai pas encore annoncé la nouvelle à Charlie, sachant pertinemment qu'elle en sera folle de joie. A vrai dire, je n'ai pas non plus daigné contacter le producteur de l'émission. J'imagine que quelques retours à Paris pour le tournage de quelques épisodes ne me fera pas de mal une ou deux fois pas an !

- Jil et Sandy vont nous détester, glousse Holly tout en laissant tomber son crâne contre l'appuie-tête du siège passager.

- Pourquoi ?

- Parce-que, Kerian, nous sommes les témoins. On aurait peut-être dû leur envoyer un message pour les rassurer sur le fait que nous nous pointons bien au mariage !

Là-dessus, elle n'a pas tord. Mais avec un peu de chance, Jil aura trouvé un autre témoin !
En réalité, sa requête me fait chaud au cœur, si, au lycée, on m'avait dit que je me retrouverai à être le témoin du mariage de ces deux-là, je me serais assurément foutu de l'imbecile ayant déblatéré une telle connerie ! A vrai dire, je n'aurais pas misé un seul centime sur toute cette situation ; Jil et Sandy bientôt mariées, Owen devenant père tandis que Peter l'est d'ors et déjà devenu et plus que tout, Holly et moi de nouveau rassemblés.

- Bien, on ira chez Jil avant de rentrer.

Elle acquiesce d'un signe de tête, restant muette tout le reste du trajet, observant le panorama extérieur.
De mon côté, tandis que je tente tant bien que mal de rester concentré sur la route, il semblerai que j'ai bien du mal à décrocher mon regard de son joli minois. L'observer à son insu me plaît, elle est si belle, d'autant plus lorsqu'elle ne s'en rend pas compte.
Ainsi, en garant enfin ma caisse devant la bonne vieille baraque de Jil, mes bras lâchent. Je n'en peux plus, je crois n'avoir jamais passé tant de temps au volant de cette bagnole et, bien qu'elle m'ait manqué, il est hors de question que je ne lui fasse de nouveau vivre autant d'allés retours New-York - Miami en si peu de temps.

- Et si Jil et Sandy refusaient que tu sois là, Kerian ?

Les regards emplis de dégoût des deux filles me reviennent soudainement en mémoire. Elle n'a peut-être pas tord, et si elles refusaient que j'assiste au mariage après cette nouvelle révélation ? Je décide alors de ne pas répondre à Holly, traversant le jardin des Wakers pour enfin aller frapper à la porte de l'ancienne grange réaménagée en loft. Je suis tout bonnement pétrifié et même la petite menotte de la blondinette près de moi se glissant dans la mienne ne parvient pas le moins du monde à me calmer.
Il ne faut finalement pas plus de deux minutes pour que Jil et Sandy viennent se poster devant la porte, une mise amusée et les bras croisés.

- Tu me dois vingt dollars bébé, glousse Jil.

- Quoi ? Je déglutis.

Elles rient de plus belle tout en fondant toutes les deux sur Holly pour la prendre dans leurs bras.

- J'avais parié que tu la ferais revenir la veille du mariage, Sandy, elle, avait misé sur une entrée fracassante juste avant la cérémonie.

Putain, est-ce qu'Holly et moi sommes devenus si prévisibles ?
Et tandis que Sandy tire Holly à l'intérieur du petit loft, Jil s'assied sur les marches, soufflant bruyamment. La once d'appréhension que je perçois dans son regard ne me plaît pas.

- Qu'est-ce qu'il t'arrives ?

Elle me fait signe de la rejoindre et je m'exécute. Me retrouvant là, près de la rouquine, je ne peux m'empêcher de me remémorer nos débuts tumultueux, cette affreuse dernière année de bahut, pour au final que nous nous rendions compte qu'elle et moi sommes pareils. Je n'aurais jamais cru trouver une personne me ressemblant tant en entrant dans ce bahut, et plus que tout, jamais je n'aurais pensé pouvoir haïr ce quasi-double de moi-même.

- Je t'aime tellement, Kerian.

- Quoi ?

Elle glousse, laissant tomber lourdement sa tête sur mon épaule.

- Tu es mon meilleur-ami, idiot ! Ça peut te paraître puéril, cette histoire de meilleur-pote ! Mais la vérité c'est que j'ai passé tellement de temps à essayer de ruiner ta vie et me convaincre que je te détestais que je me suis rendu compte à quel point je comptais à toi. Comme... comme on peut en faire baver à un grand frère !

Elle pouffe de nouveau, glissant sa main presque brûlante dans la mienne. Qui aurait cru qu'un jour je puisse me trouver si proche d'elle. C'est d'ailleurs assez ironique de se dire qu'elle et moi avons passé tant de temps, corps contre corps, sans une seule seconde se trouver réellement proche l'un de l'autre.

- Tu vas me faire chialer !

- Garde tes larmes pour demain. Tu comptes toujours aller à bout de ton idée ?

Je me marre, je me doutais qu'elle n'oublierai pas le moins du monde la petite condition exposée aux futures mariées quelques jours plus tôt !

- Toujours.

Elle souffle de nouveau bruyamment, se mettant à jouer avec le bout de mon tee-shirt.

- Jil ?

- Sandy et moi avons décidé d'adopter.

Putain, mais qu'est-ce qu'il se passe ? Pourquoi est-ce que tout mon entourage se met soudainement à vouloir des gosses ? Tout ça va faire un paquet de merdeux.

- C'est... génial. Quand ?

Elle pouffe de rire.

- Ça ne se fait pas comme ça, Kerian !

Et moi qui pensait qu'on avait juste à se pointer dans un bureau et ressortir avec l'orphelin le moins laid.

- Sandy et moi avons commencé les démarches il y a deux ans. Le rendez-vous à l'orphelinat approche. Et... j'aimerai que tout nous accompagne.

- Quoi ? Pourquoi ? Je n'adopterai pas un foutu gosse.

Et puis quoi encore ? Même si je dois avouer que l'idée d'avoir un mioche n'étant autre que le mélange d'Holly et moi ne me répugnerait pas autant que je l'ai toujours pensé, il est hors de question que je ne me décide à adopter la progéniture de sombres inconnus.

- Je pense juste que le fait de voir tout ces enfants pourrait t'aider.

- M'aider ?

- T'aider à ne plus faire de connerie avec Holly !

Et je n'ai pas le temps de répliquer que Sandy et ma blondinette déboulent derrière nous, rayonnantes. C'est alors que, d'un seul coup, je ne peux m'empêcher d'imaginer Holly, le ventre arrondi par un petit être à l'intérieur. Je me mets alors à me demander à qui de nous deux il pourrait ressembler, priant intérieurement pour qu'il n'écope pas de mon foutu caractère !
C'est étrange, j'ai, bien des fois, pu voir mon avenir dans le regard d'Holly. L'intégralité de mon avenir semblait parfois se refléter dans ses yeux, mais cette fois, c'est différent. Comme si cette fièvre de grossesses et de mariage dans notre entourage ne faisais qu'accentuer mon envie de faire d'Holly la dernière femme sur laquelle je daignerai poser les yeux.

- Je vais venir avec vous, je murmure enfin à l'oreille de Jil alors que ma blondinette se met à tirer mon bras pour m'attirer à l'intérieur de l'ancienne grange.

Soulmate - Tome 3Waar verhalen tot leven komen. Ontdek het nu