Chapitre 50

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Holly

La colère au fond de moi bouillonne, je me sens trahis, utilisée, manipulée. Si me de décidai à écouter mon cerveau, alors je ferai demi-tour pour enfoncer mon poing dans le visage de ce menteur de Kerian, je rouerai de coups cette petite pétasse opportuniste de Luna. Je ne peux pas croire qu'il m'ait menti sur une telle chose, je ne peux pas croire qu'il m'ait promis, pas plus tard qu'hier, de ne plus me raconter de bobards. Kerian a toujours été un baratineur, un manipulateur égoïste et sournois. Tout aurait dû s'arrêter dès la révélation du pari, tout aurait dû se conclure après ce mensonge ; à cette époque, je savais déjà qu'il était doté d'un cœur plus noir que ce que je n'avais jamais eu l'occasion de voir.
En temps normal, j'aurais sûrement pris le parti de Kerian, me rendant à la raison ; lui et moi n'étions plus ensemble, il pouvait bien faire ce qu'il lui chantait, de même que j'ai décidé de le faire avec Leo. Mais cette fois, je n'en peut plus, je ne supporte plus toutes ces cachotteries, je ne supporte pas le fait que cette petite garce continue d'avoir une telle emprise sur lui. Elle a toujours su le mener à la baguette, elle a toujours su faire de lui ce que bon lui semblait, bien que Kerian ait toujours prétendu être devenu insensible à ses manipulations. Il ne l'a jamais été, il a toujours été faible, il a toujours été sous ses ordres ; tout ça depuis le début.
En sortant du bar, je monte au volant de ma voiture avant de rouler à toute allure jusqu'à chez moi. Je roule vite, manquant même de renverser un type traversant hors des passages cloutés. Mais je m'en fiche, je n'en ai rien à faire, la seule chose à laquelle je pense à cet instant précis est de quitter Miami, rassembler mes affaires et me tirer à l'aéroport avant que quelqu'un ne s'inquiète de mon absence, avant que quiconque n'essaye de me rattraper. Je dois bien filtrer une bonne dizaine d'appels de la part de Rachel, Owen, Jil ou bien Sandy tandis que je continue ma course folle jusqu'à chez moi.
A cet instant précis, je ne parviens même plus à pleurer, je ne parviens pas à verser une seule fichue larme. Cette réaction presque inexpressive me fait peur, et si toutes ses manigances, tous ses mensonges m'avaient affectés bien plus que ce que je ne pensais ? Et si le cœur battant tant ma poitrine avait perdu de sa vivacité à chaque découverte, s'il s'amenuisait chaque fois un peu plus. Alors que pourrait-il rester de lui en ce moment même ? Sans doute un tas de charbon ! Sans doute un épais amas de gravier. Cette pensée parcours mon esprit tandis que j'entasse dans ma valise quelques affaires.
Les abandonner le jour du réveillon me brise le cœur, je peux d'ici voir la mine attristée de Madame Duchemin, mais il m'est impossible de rester plus longtemps à Miami, je dois repartir, je dois repartir à New-York sur le champ, je dois reprendre ma vie telle que je l'avais laissée avant qu'il ne réapparaisse dans ma vie, comme si son retour ne m'avait pas le moins du monde affecté, comme si cette nouvelle révélation n'avait pas noirci un peu plus mon âme, comme s'il n'était plus en capacité de contrôler jusqu'au moindre de mes faits et gestes. Je dois le faire, je dois le prétendre, car si je le fais, alors je finirai par le croire.
Un autre appel de Rachel fait retentir la sonnerie de mon téléphone, mais encore une fois, je ne réponds pas. J'en suis incapable, elle tenterai de me retenir. Je dévale donc les escaliers, une grosse valise sous le bras tout en appelant une compagnie de taxi pouvant me mener jusqu'à l'aéroport. Il est hors de question que je ne prenne ma voiture pour regagner New-York, je dois y être au plus vite, je ne peux pas attendre, je ne veux pas attendre.

- Ou est-ce que je vous dépose demoiselle ?

Le large sourire de l'homme au volant s'efface à la vue de ma mine sans doute plus qu'affligée. J'ai beau ne pas parvenir à fondre en larmes, l'intégralité de mon corps est tremblant.

- A l'aéroport. Vous savez dans combien de temps décolle le prochain avion pour New-York ?

- Dans une heure et demi. Il nous faut moins d'une demi heure pour nous rendre à l'aéroport, je doute que vous ayez le temps de vous enregistrer à temps.

- Alors appuyez sur le champignon.

Mon ton menaçant fait accélérer l'homme, si bien qu'il nous faut moins de vingt minutes pour enfin arriver devant l'aéroport.

- Vous êtes en fuite ou un truc comme ça ? Glousse l'homme barbu en extirpant ma lourde valise de son coffre.

- Un truc comme ça.

Je lui refile une petite liasse de billets avant d'accourir à l'intérieur de l'aéroport. Je me sens comme une fugitive, comme s'il dépendait de ma vie de quitter cette ville, peut-être est-ce le cas. Cette relation me tue a petit feu, elle me brise un peu plus chaque jour ; ça a toujours été le cas. Je ne veux plus me rappeler, je ne veux plus de tous ces souvenirs, je ne veux plus me souvenir de la douceur de ses mains caressant mon visage, je ne veux plus me remémorer la chaleur de ses lèvres s'écrasant sur les miennes.

***

Jetant un dernier regard au hublot de l'avion, j'ai l'impression d'être à la place de Kerian sept ans plus tôt; abandonnant lâchement et sans explications tous ceux ayant eu la stupidité de tenir un tant soit peu à lui. Ma lâcheté me dégoûte tout comme mon égoïsme, mais je ne peux faire autrement. Machinalement, je ne peux m'empêcher de me demander ce que Kerian a bien pu ressentir en s'en allant, s'il se sentait si coupable.

- Madame, Monsieur, nous entamons le décollage de ce vol à destination de New-York. Merci de regagner votre place, de relever votre siège et d'attacher votre ceinture de sécurité. Nous rappelons que tout appareil électronique doit se trouver en mode avion.

La voix portante du pilote me fait lâcher mon téléphone portable, que je laisse tomber sur mes genoux. Je me sens coupable d'envoyer un message à Rebecca, elle doit sûrement être en famille, mais je n'ai pas vraiment la tête à penser à quoi que ce soit, tout ce dont j'ai besoin est de parler à une femme ayant la capacité de me comprendre, de me conseiller. Rebecca Davis semble être la mieux placée à cet instant précis. Alors je verrouille mon téléphone après avoir finalement appuyé sur le bouton d'envoi du texto, priant intérieurement pour qu'elle ne trouve pas ma demande trop déplacée.

Soulmate - Tome 3Where stories live. Discover now