Chapitre 7

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France, Léa

- Je... quoi... mais comment ? balbutié-je.

Ce n'est pas du tout comme ça que j'avais imaginé lui apprendre la nouvelle. Je voulais faire ça bien, lui expliquer calmement et y aller en douceur mais... il est déjà au courant.

Il n'a pas l'air en colère ou énervé. Pourtant, Dieu seul sait combien cet homme peut se montrer imprévisible. Une vague de tristesse et de regrets inonde ses magnifiques yeux et me serre le cœur. Enfin ! Reprends-toi, Léa ! Rappelle-toi tout ce qu'il t'a dit, combien il t'a fait souffrir ! A ces souvenirs douloureux, toute ma rancœur remonte. Il mérite d'avoir mal comme j'ai eu mal. Tout ceci est presque entièrement de sa faute. S'il n'avait pas réagi si impulsivement, nous n'en serions pas là.

- Benvolio m'a remis un dossier avec les informations essentielles à ton sujet. Je voulais te retrouver et savoir si tu allais bien. Je te laisse imaginer ma surprise quand j'ai lu que tu avais donné naissance à des jumeaux.

Je me figure assez bien ce qu'il a pu ressentir, je n'en menais pas large quand j'ai appris ma grossesse.

- Avant que tu ne m'accuses de quoi que ce soit, sache que je voulais te l'apprendre mais tu étais injoignable ! J'ai même tenté la lettre mais elle m'est revenue, répliqué-je vivement.

- Je suis désolé, c'est de ma faute. Si j'avais su ce que contenait ta lettre je ne l'aurais jamais renvoyée ! Raconte-moi tout. Je veux tout savoir ! Quand as-tu appris que tu étais enceinte ? Comment s'est passée ta grossesse ?

Cela me touche qu'il s'intéresse à ma grossesse. Je ne savais pas à quoi m'attendre car nous n'avions pas encore envisagé d'être parents, même si j'ai toujours voulu être maman, mais il a l'air de se sentir concerné par sa paternité. Alors je décide de tout lui raconter.

- Quand tu m'as chassée, je suis venue directement ici. J'ai cherché un travail et comme tu dois le savoir j'en ai trouvé un, trois semaines après mon arrivée. Et puis un jour, alors que je parlais avec Vic' j'ai eu une nausée et elle m'a fait remarquer que j'avais pris du poids. Pour plaisanter, elle a évoqué la possibilité que je sois enceinte sauf que ça m'a fait beaucoup moins rire quand j'ai réalisé que mes dernières règles remontaient à plus de trois mois et que j'avais plus d'appétit et des nausées depuis quelques temps. Avec notre rupture, j'avais mis ses symptômes sur le compte du stress et de la contrariété. Le lendemain, j'ai fait un test et il s'est avéré positif.

En y repensant j'ai un faible sourire. Je continue.

- J'étais complètement paniquée : mon mari m'avait abandonnée quelques semaines plus tôt, j'étais seule et je venais de commencer à travailler. Je suis allée voir mon médecin qui a confirmé ma grossesse et qui m'a donné un rendez-vous pour faire une échographie au plus vite. Vic' m'a accompagnée et il s'est avéré que j'avais fait un petit déni puisque j'étais enceinte d'un peu plus de trois mois. Quand j'ai entendu le cœur de mon bébé et que je l'ai aperçu sur l'écran, un torrent de larmes a dévalé mes joues tellement j'étais émue. J'aurais tant aimé que tu sois avec moi ce jour-là, que tu me tiennes la main et que tu m'embrasses en souriant niaisement à la vue de notre petit trésor.

Il baisse la tête et la relève, le regard rempli de détresse.

- Je suis tellement désolé ma chérie. Je...

Je ne le laisse pas poursuivre sinon je ne suis pas sûre d'être capable de continuer ce récit pénible.

- Quelle surprise quand le gynécologue m'a annoncé que je n'attendais pas un mais deux bébés ! J'ai eu très peur puisque je me demandais comment j'allais gérer la situation. Je suis sortie du cabinet hagarde, je ne réalisais pas bien. Heureusement que Vic' était là. J'ai décidé de ne rien dire à mes parents pour ne pas les inquiéter ni les décevoir. Je leur ai appris le jour de l'accouchement. Autant te prévenir que je ne suis pas la seule à te détester ! dis-je d'un ton mordant.

Je fais une pause et observe Demetrio attentivement. Derrière son masque d'homme sans pitié se cache un cœur, je le sais. Son regard désolé de tout à l'heure me l'a prouvé. Je vois bien qu'il est touché, complètement bouleversé. Je poursuis :

- Ma grossesse a été très surveillée et un peu plus d'un mois plus tard, on a pu voir que j'allais avoir deux petits garçons. A cet instant, j'étais comblée. J'allais enfin pouvoir aimer sans souffrir. Mes bébés sont nés le 23 mai 2024 et je les ai appelés Emilio et Livio. J'ai voulu faire un clin d'œil à leurs origines méditerranéennes en leur donnant un prénom italien. Quand on m'a tendu mes merveilles, je suis devenue la femme la plus heureuse de la terre. Mes fils ont chassé l'obscurité et la tristesse de ma vie pour ne laisser que de la joie. Malgré la douleur de l'accouchement et la peur je ne regrette rien.

Je relève la tête pour fixer mon regard dans celui de Demetrio. Je suis surprise quand je constate que des larmes coulent le long de ses joues jusqu'à sa mâchoire ombragée. J'ai une furieuse envie de le serrer dans mes bras mais je la réprime.

- Tu as accouché toute seule ? m'interroge-t-il.

- Non, Alberta était là. C'est la voisine. Elle garde les enfants, l'informé-je.

- Je sais, c'est elle qui m'a dit où tu te trouvais. Quand j'ai vu qu'il n'y avait personne ici, je suis parti me renseigner chez elle, murmure-t-il.

Je vois bien qu'il se sent mal et ça me donne envie de combler la distance qu'il y a entre nous. J'essaye de me convaincre que ce que je ressens n'est du qu'à l'émotion ravivée par les souvenirs. Je dois rester forte !

Il se lève et moi aussi. Je le vois s'approcher. Je recule instinctivement, c'est trop dangereux ! Mes sentiments sont si contradictoires que je pourrais faire une bêtise.

Je me cogne contre le mur, le souffle court tandis qu'il se penche vers moi. Oh, Oh c'est pas bon du tout. Je sens son souffle chaud sur ma joue et mon corps ne m'obéit plus.

- Toi et moi, ce n'est pas fini, tesoro. Tu es à moi et je ferai tout pour vous récupérer, toi et les enfants, susurre-t-il contre mon oreille.

Des milliers de frissons parcourent ma peau et force est de constater que j'aime ça.

Sans attendre, il quitte la maison laissant cette promesse résonner dans ma tête.

L'homme d'autrefois est de retour. Plus déterminé que jamais.

Rayons de soleilWhere stories live. Discover now