Rayons de soleil

Chapitre 10

France, Léa

Aujourd'hui c'est dimanche et j'attends, anxieuse, la visite de Demetrio : il nous a laissés tranquilles hier alors je suis persuadée qu'il va venir d'un moment à l'autre. J'appréhende la rencontre avec les petits. Ils sont trop jeunes pour comprendre et en même temps, je me dis que de cette façon ils accepteront peut-être mieux une autre personne dans leur vie, autrement dit leur papa. Je ne sais pas comment ils vont réagir étant donné qu'ils ne connaissent pas ce mot ni le rôle que joue un papa dans la vie de ses enfants.

Je coupe court à mes pensées angoissantes et me concentre sur mes deux petits bouts qui boivent goulûment leur biberon matinal sur le canapé.

Ils sont si beaux. A cet instant, je ressens une grande fierté parce que c'est moi qui les ai faits. Enfin, devrais-je dire Demetrio et moi même si j'ai fait le plus gros du travail.

Emilio se lève et me tend son "biba" comme il l'appelle et va jouer avec son ballon préféré. Livio le rejoint rapidement après m'avoir donné, lui aussi, son biberon.

Je m'avance vers la cuisine pour préparer le café. Alberta ne va pas tarder à arriver. Hier j'étais trop contrariée pour tout lui expliquer mais maintenant, je suis prête. Quant à Vic', j'ai passé une heure au téléphone avec elle, hier, pour tout lui raconter.

Quelques minutes plus tard, j'entends sonner et Alberta entre. Les garçons accourent vers elle pour lui donner un bisou.

- Bonjour, la salué-je.

Elle se dévêtit et me fait la bise.

- Bonjour ma belle. Alors, raconte-moi tout, dit-elle en s'asseyant.

Je jette un coup d'œil aux enfants et m'installe à mon tour en commençant mon récit.

- Eh bien quelle histoire ! s'exclame-t-elle après m'avoir écoutée attentivement. Qu'est-ce que tu comptes faire ?

- Le laisser revenir dans nos vies, pour les enfants, rétorqué-je, sûre de moi.

- Seulement pour les enfants ? me lance-telle avec un clin d'œil.

Je ne peux pas m'empêcher de rougir mais je refuse de me montrer faible en confiant les sensations que j'ai éprouvées au contact de mon ex-mari.

- Oui, dis-je fermement. Lui et moi, c'est fini pour de bon. 

- Bien. Mais, Léa, je vais te dire une chose. Si tu ressens encore quelque chose pour lui et que c'est réciproque, redonne une chance à votre couple. Qui sait, c'est peut-être l'homme de ta vie et vous avez déjà perdu assez de temps, tu ne crois pas ? Je ne dis pas de te jeter dans ses bras. Fais-le mariner quelques temps, il le mérite. Mais ne te rends pas plus malheureuse que tu ne l'es déjà en le repoussant.

Ses paroles me bouleversent et je crois qu'elle dit vrai. Malgré les barrières érigées autour de mon cœur, il a suffi d'un simple regard pour qu'elles volent en éclat. Au fond, je ressentirai toujours quelque chose pour Demetrio même si je ne suis pas prête à le dire. Cependant, il va devoir ramer.

- Tu as peut-être raison mais il est encore trop tôt, murmuré-je.

- Je sais bien. Je vais te laisser. Gros bisous ma chérie, dit-elle en claquant un baiser sur ma joue.

Elle se rhabille et dit au revoir aux garçons. Je la raccompagne et quand j'ouvre la porte, je vois Demetrio qui s'apprête à frapper. Alberta s'éclipse après m'avoir lancé un sourire malicieux. La traîtresse !

Le moment de vérité est arrivé.

Demetrio

Alors que je suis sur le point de toquer, la porte s'ouvre sur ma magnifique femme et Alberta qui se sauve rapidement. Étrange. Je m'attendais à lire de la surprise sur le visage de mon épouse, mais rien. Elle semble avoir prévu mon arrivée. Elle me connaît si bien. 

Elle s'écarte et je m'empresse de rentrer. Elle m'indique la droite et instantanément je m'arrête en voyant deux petits garçons en train de courir et de jouer à la balle. Mon rythme cardiaque s'accélère et je ne peux plus détacher mon regard d'eux. Du coin de l'œil, je vois Léa à côté de moi, elle paraît émue.  Je le suis tout autant qu'elle si ce n'est plus.

Mes fils. Ce sont mes fils. Ils sont si beaux. Ils me ressemblent tellement avec leurs cheveux bruns et leurs yeux aigue-marine. Un sentiment puissant m'étreint : de la fierté. Cependant, le regret est également bien présent. J'ai raté tant de choses.

Quand les enfants remarquent ma présence, ils s'arrêtent et avancent timidement vers leur maman. Ils me fixent. Je vois Léa s'accroupir en souriant même si ses yeux sont toujours brillants.

- Emilio, Livio, dites bonjour à Demetrio. N'ayez pas peur, il est très gentil, les rassure-t-elle de sa douce voix. C'est le monsieur dont je vous ai parlé hier.

Elle leur a parlé de moi ?

- Bonjour, baragouinent-ils l'un après l'autre de leur petite voix enfantine.

Un simple petit mot, pourtant mal prononcé et je craque complètement.

- Bonjour les garçons.

Je suis anxieux, je n'ai aucune idée de quoi leur dire.

- Retournez jouer, je vais discuter avec Demetrio, leur dit-elle gentiment.

Elle se tourne vers moi et m'invite à la suivre dans le salon.

- Je m'attendais à ta venue alors je leur ai déjà parlé un peu de toi pour qu'ils comprennent mieux lorsque nous leur annoncerons que tu es leur père. Je sais que c'est plus facile à dire qu'à faire mais détends-toi, me conseille-t-elle. Ils ne vont pas te manger.

- Je sais bien, merci répliqué-je un peu trop sèchement.

Je m'en rends compte quand je vois son sourire s'effacer alors que j'adore la voir heureuse. Encore une fois, je fais tout de travers.

- Excuse-moi Léa, je suis stressé, je ne sais pas comment m'y prendre avec eux.

- Je comprends mais s'il te plaît, Demetrio, fais un effort. Je veux réussir à parler avec toi sans me disputer.

- Je le souhaite aussi, ma chérie. 

Elle me fait les gros yeux mais de petites rougeurs apparaissent sur ses joues. Je souris. Je lui fais toujours de l'effet même si elle ne veut pas l'avouer.

- Apprends-moi à être père, je t'en prie.

- Je vais t'aider mais le mieux à faire pour le moment est de te détendre et d'aller jouer avec eux. Et n'oublie pas de leur donner tes cadeaux.

Elle me lance un clin d'œil.

- Quoi, mais je...

- Allez, vas-y, je vais te préparer un café, me coupe-t-elle.

Je me lève et pars m'asseoir près de mes fils qui s'amusent avec leurs voitures sur leur circuit automobile.

Un peu perdu, je laisse mon instinct me guider.