Prologue, par Amelia Kwats

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D'aussi loin que mes souvenirs puissent remonter dans le temps, j'ai toujours porté un intérêt tout particulier aux histoires. J'aime, au sujet des souvenirs, à imaginer la chose comme une boîte à musique dont l'on tournerait la clef pour faire exécuter diverses prouesses à une gracieuse danseuse. Les souvenirs. Que serions-nous, sans eux ? L'ombre de nous-mêmes, cela ne fait aucun doute. Et j'ai en ma jeunesse eu l'immense chance de fréquenter l'ombre d'un célèbre Peter Pan ; crois-moi, cher Lecteur, personne ne voudrait devenir une ombre. Mais ne nous éloignons pas trop du sujet, veux-tu ? Comme je le disais, d'aussi loin que mes souvenirs puissent remonter dans le temps, j'ai toujours porté un intérêt tout particulier aux histoires. 

Celles de capes et d'épées, celles qui ont un jour existées, celles qui auraient pu exister, et celles qui n'existeront malheureusement jamais. Plus jeune, je m'en souviens comme si c'était hier, et peut-être l'était-ce, j'avais, comme tout bon enfant, des affinités avec certaines d'entre elles. De ces histoires que nous réclamions à nos parents inlassablement, soir après soir. Ces mêmes histoires qui nous faisaient frémir, bondir, sourire et, après coup, grandir.

Me concernant, il s'agissait d'une légende. D'une légende, contée par mon père, et d'une série de contes, mis à l'écrit et lus par ma mère. Leurs narrations différaient en bien des points ; mon père, qui faisait vivre ses personnages en leur attribuant différents tons, me calmait et m'endormait, là où ma mère me faisait rêver et voyager. 

Elle contait les aventures du Docteur, un être venu d'une planète lointaine à l'apparence on ne peut plus humaine, capable de voyager à travers le temps et l'espace depuis une grosse boîte bleue appelée T.A.R.D.I.S. Je crois bien que l'acronyme voulait dire Temps A Relativité Dimensionnelle Inter Spatiale. Le Docteur détestait les combats, le silence, les poires, et par-dessus tout, il abhorrait la solitude à laquelle une vie sans fin le condamnait.

Alors, lorsqu'il rencontrait sur son chemin une humaine dont il appréciait la compagnie, il la prenait sous son aile et l'accompagnait d'étoile en étoile, de planète en planète, d'époque en époque. Ils laissaient derrière eux mondes émerveillés, contant à leur sujet monts et merveilles. Ma mère ne m'a jamais fait part des mésaventures de cet étrange personnage, chimère mi-homme, mi-seigneur du temps. La moitié de ses péripéties était inventée, mais toutes possédaient pour fondation cette série qu'elle regardait à mon âge.

Mon père, quant à lui, alors que j'étais un peu plus âgée, prenait plaisir à me réciter la légende de Wingley. Celle que tout étudiant natif de la région connaît depuis le berceau. La Wingley Hill Secondary School est l'école de Wibstorm où tout jeune, âgé de douze à dix-huit ans, se rend. 

Wibstorm, c'est cet endroit magique où mes parents se sont rencontrés, protégés, aimés et battus, jusqu'à ma venue dans ce monde, et bien plus encore. Une ville trop petite pour pouvoir revendiquer le fait d'en être une et un village trop grand pour pouvoir prétendre en être un. Un petit coin de paradis à la fois urbain, rural et marin, situé à deux heures à peine de Londres. 

Il était une fois, au sud du Royaume-Uni, une petite ville des plus charmantes, où régnaient paix, amour, et en de très rares occasions, un brin de magie. L'Angleterre la plus anglaise qu'il n'ait jamais été, disait-on. Des quartiers sûrs, des habitants aimables, un air pur, et des paysages agréables. Le ciel et la mer s'étaient alliés pour protéger ces terres. Celles de Wibstorm, avec son église, son jardin d'enfant, son école, sa librairie et son café, qui faisait, précisons-le bien que cela ne soit pas d'une importance majeure, également office de restaurant. 

Ces terres n'avaient pas une histoire bien chargée. À vrai dire, la ville n'avait connu qu'une poignée de journalistes et de touristes curieux, il y avait quelques années de cela, lorsque le fish and chips proposé par ce restaurant était entré dans le top dix des meilleurs du pays. Rien de plus. Si ce n'est peut-être quelques sorcières au seizième siècle, à l'image de bien d'autres villes. Elles avaient été brûlées en place publique, et personne ne s'était plus jamais inquiété d'une possible magie encore présente. Les chats noirs n'inquiétaient plus que les superstitieux, et nul ne se demandait ce que le coin de son œil pouvait bien lui cacher depuis la nuit des temps

Rendez-vous salle 209 Where stories live. Discover now