𝖥𝗈𝗋𝖾𝗂𝗀𝗇𝖾𝗋'𝗌 𝖦𝗈𝖽 | 𝖵𝗂𝗄𝗂𝗇𝗀𝗌

34 | L'ami

« L'ami aime en tout temps ; dans le malheur il devient un frère. »
- Proverbe 17:17

La route était calme. Ragnar, lui, confiant.
Ce chemin emprunté si souvent, s'était gravé pour ainsi dire dans sa mémoire.
Il reconnaissait chaque arbres, chaque roches qui discrètement le mettait sur la voie.
N'ayant pas foulé ce chemin depuis de bien trop longues années, il se plaisait à reproduire sa route telle une danse qui ne s'oublie pas.
Marchant sereinement, il partait reconnaître un ami, un frère, délaissé depuis bien trop longtemps.
Aujourd'hui, ils se retrouveraient.
Peut être serait ce pour la dernière fois.
Son coeur était en paix, il était prêt.
Il ne l'avait jamais quitté, et Ragnar savait qu'il l'accompagnerait pour cet ultime voyage.

Rien n'a changé, mon frère.

La jeune Edith sur les talons, il l'acceptait dans son intimité. Il la conduisait là où nul autre - à part lui même et les dieux - ne s'était rendu.
Comment aurait-il pu lui refuser ?
Elle devait l'accompagner, voir, comprendre.
Une voix intérieure, lui avait crié dès qu'il l'avait aperçu, qu'un jour il devrait l'y guider.
Avec lui, ensemble. Pour elle. Pour lui.
Il entendait son souffle régulier se répercuter contre son dos. Loin de se laisser distancer, elle assurait la marche, la soutenant presque.
Elle le suivait, potentiellement sans comprendre. Elle aurait pu aisément décliner, il le savait. Pourtant, elle n'en avait rien fait.
Pourquoi ?Avait-elle senti, se répandre entre eux cette évidence ?
Ce lien qui les dépassait tout deux, et qui jalousement, les enserrait de ses bras musculeux et tendres ?
L'avait-elle, elle aussi, sentit à ses côtés ?

Aucuns mots n'auraient pu expliciter ce sentiment si intense qui l'envahissait au rythme de leurs pas.
Pourtant, ils étaient bien là, côte à côte, luttant contre le vent froid venu du nord.
Il allait faire ce qui était juste.
Il allait faire ce qu'il devait faire.
Leurs routes ne s'étaient pas rencontrées par hasard, les dieux l'y avait déposée. Où peut être était-ce son dieu à lui, qui avait entremêlé leurs destins ?

Durant un premier temps, Ragnar n'avait su comprendre pourquoi il avait décidé de l'épargner.
Un visage, un regard et les jeux étaient faits.
Cette rencontre les dépassait, les dieux avaient guidé ses pas jusqu'à elle. Rentrant victorieux, ce n'était pas l'âmat de richesse qui faisait son plus grand bien.

Il l'avait vu évoluer, combattre, s'affirmer.
Les traits familiers qu'il avait observé en elle prirent alors tous leurs sens. Il ne pouvait en être sûr, seulement il le sentait.
C'était elle.
Tu as fait du bon travail.
Il l'aurait imaginé plus jeune, plus frêle, comme un souvenir qui ne vieillit pas.
Une jeune femme s'était alors présentée à lui.
Tu aurais été fier, elle te ressemble tellement.

Les souvenirs s'accumulaient dans sa mémoire, son souffle se faisait plus court, sa marche, plus lourde.
Nous sommes bientôt arrivés, demeure tel que tu dois l'être.
Le ruisseau, le rocher.
L'écoulement de l'eau comme dernier
indicateur.
Seul le soulagement demeurait.
Ils étaient enfin arrivés là où ils devaient être.
Il avait fait ça pour lui. Il lui devait bien.

               —   Ragnar ... où est votre ami ?

Le regard lointain, il demeurait silencieux.
Dans un instant, une seconde peut être, elle verrait d'elle même.
S'appuyant contre un tronc esseulé, il lui laissa le temps de comprendre, d'apprivoiser son environnement.
Son regard ferme s'apposait sur les surfaces, caressant la mousse, fouettant les branches vierges de toute son intensité.
Avançant près de lui, elle s'arrêta.
Elle l'avait vu.