56 | Noces funèbres

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Il y a deux semaines, la reine est morte.

     Lagertha l'a tuée. Du moins, est-ce ce que les autres pensent. Pour devenir reine, il faut montrer sa puissance. Aujourd'hui, c'est chose faite. Aslaug s'était présentée à son peuple, avant de demander clémence. Cela ne l'avait pas aidée. Son corps avait été honoré grandement, nous avions chanté, fait des offrandes. Des milliers de flèches étaient venues enflammer son bûcher. Une fin grandiose, pour une reine déchue. Lagertha n'avait rien dit sur l'état de la main de la jeune étrangère, elle n'avait pas non plus poser des questions lorsqu'après la baignée purificatrice, ses guerrières lui avaient rapporté la présence d'une blessure inconnue sur le corps de la reine défunte. Elle n'en n'avait pas posé plus sur son absence lors du commencement de l'attaque. Personne n'avait semblé remarquer cette blessure bénigne qui ne manquerait pas de la laisser avec une jolie cicatrice. Peut-être que tous ces gens faisaient semblant de ne pas voir toutes ces évidences. Peut-être qu'en vérité, cela n'intéressait personne. Même Ubbe et Sigurd ne lui posèrent aucune question. Ils étaient restés sans voix, sans colère. Ils l'avaient ignoré tout simplement. Édith ne savait pas ce qui était pire. Leur mère était morte. Pire encore, elle avait comploté pour cela. Elle s'était souillée les mains de son sang, elle était responsable. Comment pourrait-elle un jour regagner leur confiance ? La fille ne le pourrait sans doute jamais, elle préférait ne pas se bercer d'illusion. Toutefois, cela était sans compter sur la bonté des fils. Si elle leur parlait, ils comprendraient sans doute ses raisons. Pour l'instant, néanmoins, l'heure était au deuil.

Margrethe, elle, vivait bien. L'Esclave ne se doutait pas que son passé demeurait aujourd'hui découvert. Édith avait réfléchi, longtemps. Était-ce une trahison ou une simple omission ? L'étrangère aimait à penser que Margrethe n'avait pas un fond mauvais. Elle servait son propre intérêt, comme ils le faisaient tous ; voilà tout. Bientôt, elle serait mariée à Ubbe et tout irait pour le mieux. Édith avait même œuvré à cela. Cette idée avait tenue occupé Ubbe lorsqu'elles en avaient eu besoin. Édith, n'était pas si différente que Margrethe finalement. Elles œuvraient toutes deux pour leur propre cause. À la différence près, que pour Margrethe, ses secrets étaient morts avec la reine. Puis, en ce moment, Édith avait bien besoin de pouvoir avoir une amie.
Et même si les dernières révélations sur celle-ci pouvait la faire douter sur leur apparente amitié, Édith était bien trop épuisée émotionnellement pour se décider à s'en occuper. Ce qu'elle avait besoin, là tout de suite, était de s'occuper l'esprit. Elle ne voulait plus penser aux paroles d'Aslaug, « Ivar est mort », ni à son râle qui l'avait accompagnée alors qu'elle l'abandonnait blessée dans sa chambre. Alors, Édith s'occupait. Elle arpentait la forêt, chassait, apprenait à tisser avec les femmes du Skali, observait les pêcheurs et plus généralement encore se battait en compagnie des troupes de guerrières. Elle ne s'arrêtait que lorsque la douleur corporelle était insoutenable. Se concentrant sur ses maux physiques elle en oubliait ceux de sa psyché. Dormant peu, elle écoutait durant de longues heures Margrethe lui racontait ses craintes et ses attentes. Ses très nombreuses attentes. La préparation du mariage la mettait en joie. Ubbe étonnamment se montrait relativement impliqué, bien que Margrethe avait décrété qu'elle était celle qui devrait s'occuper de tout. Ubbe, bien qu'attentionné, n'avait pas - selon ses dires - de très « bons goûts ». Pourtant, même si Ubbe lui laissait le champ libre, Margrethe n'en était pas comblée.

          —     Le mariage doit avoir lieu le plus tôt possible. Allongée sur le dos, les yeux rivés sur le plafond, Margrethe s'imaginait déjà avec empressement. Peut-être craignait-elle que Ubbe ne change d'avis ? Ou peut-être avait-elle seulement hâte. Bien qu'Édith se soit posée la question, elle n'en dit rien. Le pire aurait été de contrarier Margrethe. Sans doute au retour des raids ... mais il reste tellement à faire ! Ubbe a bien proposé de m'aider mais cela se voit qu'il n'a pas la tête à ça. Remettre son incapacité sur la mort de sa mère était une chose. Pourtant, après avoir écouté Margethe un nombre incalculable de fois sur le sujet, Édith savait que le plus gros problème en réalité était son manque d'avis sur le choix des fleurs et des repas. Je peux comprendre mais bon, je ne me marierais sans doute qu'une seule fois dans ma vie, est-ce égoïste de vouloir que tout soit parfait ? Un hochement de tète discret, un petit « non, bien sûr que non » et voilà que l'Étrangère l'avait confortée dans son idée sans même le savoir. Tu penses pouvoir m'aider ? Je veux dire que de tout ceux qui restent tu es sans doute celle qui nous connaît le mieux ! Prise au piège. Au moins, cela lui ferait une nouvelle mission à accomplir lors de ses interminables journées. Au moins, n'aurait-elle plus à penser à ... Merci, Édith. Je sais que je peux toujours compter sur toi !

𝖥𝗈𝗋𝖾𝗂𝗀𝗇𝖾𝗋'𝗌 𝖦𝗈𝖽 | 𝖵𝗂𝗄𝗂𝗇𝗀𝗌 Where stories live. Discover now