Assis au coin du feu, Ivar réfléchissait. N'ayant aucun goût pour la fête et le bruit vulgaire des hommes d'au-delà de ces murs, il préférait rester à l'écart, pensif et observateur. Dans quelques jours peut-être lui serait apporté ce qu'il attendait tant.
Seulement, cela lui serait-il utile ? C'était tout ce qu'il avait toujours attendu, et ainsi il le ferait. Il s'engagerait dans la voie que les Dieux lui avaient destinée, fièrement et sans crainte. Et s'il devait y laisser sa vie, qu'il en soit ainsi. Un jour de gloire restait préférable à une longue vie d'infirme.
Sa mère s'opposerait à son choix, cela était une évidence. Seulement, elle finirait par plier à sa volonté comme elle l'avait toujours fait. Autrement, s'il lui était impossible d'accepter l'inévitable, il ne lui laisserait pas le choix. Il partirait au côté de son père, au côté de l'homme qui leur avait ouvert la voie. Espérant jouir de son rayonnement pour s'inscrire lui aussi dans la lumière, Ivar le suivrait. Affrontant l'insurmontable, il lui demeurerait fidèle.
Un jour il brillerait seul, mais pour l'instant c'est avec son père qu'il souhaitait apprendre. Il apprendrait à comprendre les comportements de ces hommes - qui lui sont de par leurs pensées inférieures - afin de mieux les diriger.
Son nom ne saurait être oublié, il s'en assurerait. Pour cela, il devrait faire ses preuves. Il leur apprendrait le nom d'Ivar le désossé.
Inscrivant son nom en lettres de sang dans l'histoire, les pères n'auront qu'à narrer ses exploits à leurs fils. Pendant des générations, les mortels continueront à trembler à l'évocation de son nom. Nulle frontière ne serait être suffisamment imperméable à sa grandeur.
Personne n'oublierait l'histoire de l'infirme qui avait fait plier le monde.
S'imaginant le futur récit de ses batailles fantaisistes, il observa - un léger rictus sur les lèvres - la porte de sa chambre s'ouvrir spontanément. S'attendant à poser les yeux sur l'un de ses frères ivres en compagnie de leur putain du soir, c'est une vision encore moins enviable qui s'offrit à lui.
La Païenne se trouvait dans sa chambre. Pourtant il ne lui semblait pas l'y avoir conviée. S'agissait donc de cela ? Elle s'acoquinait de ses frères et pensait sûrement pouvoir se faire reine dans leur maison. Désormais elle s'invitait même dans sa foutue chambre.
Elle méritait une bonne correction pour son impertinence. Silencieusement, Ivar se promit que cela finirait par arriver.
En attendant, il préféra l'observer un instant. Contrairement à ses frères, qui comme des enfants se précipitaient sans réfléchir, Ivar analysait. L'observation était son domaine.
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Ses cheveux n'étaient pas coiffés comme à l'accoutumée, à vrai dire il doutait même qu'ils soient tout simplement coiffés. Le vermeil qui pointait sur ses joues, trahissait un mélange d'alcool et de chaleur. Bon sang, il devait vraiment faire chaud là-bas. A la lumière des flammes, il distinguait ruisselantes sur son front, des perles de transpiration. Sa poitrine, quant à elle, se soulevait d'une manière anormalement rapide tandis que devant ses yeux s'installait un vague voile d'incertitudes.
